La loi Nouvelle Organisation Territoriale de la République dite NOTRe commence à confronter le caractère théorique de ses articles à la réalité du terrain. Et le résultat n’est guère réjouissant. En 2016 les élus de tous niveaux vont passer par des périodes d’une complexité pouvant affaiblir toutes les bonnes volontés et détourner encore plus les citoyens de la vie publique. Ce texte, fruit de compromis abscons entre une Assemblée nationale déconnectée de la proximité pourtant essentielle à la démocratie et un Sénat beaucoup plus mesuré dans ses réformes, est un salmigondis indigeste de décisions ni prises, ni à prendre. Quand on revient en arrière, son fondement restait la disparition des départements réduits au statut de bureaux d’aide sociale. Cette idée est d’ailleurs toujours présente dans de nombreux esprits gouvernementaux actuels dont celui du conseiller de Matignon, Yves Colmou baptisé le « couteau suisse de Valls ». Il n’a jamais fait mystère de sa volonté de mettre en place un couple « intercommunalité-régions » destiné à effacer inexorablement celui que formaient les « communes et les départements ». Ce serait dépassé! Les parlementaires ont donc bâti sous sa houlette une loi NOTRe encore plus complexe que toutes celles qui l’avaient précédée… car en définitive elle sème une confusion impensable dans le monde de la gestion des collectivités.
Les nouvelles équipes régionales découvrent chaque jour davantage le travail titanesque qui les attend pour donner une cohérence à leurs politiques. Ainsi sur Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes il faut fusionner 3 équipes administratives dispersées sur un territoire aussi grand que celui de l’Autriche et surtout se caler dans de nouvelles compétences exercées jusque là de manière totalement différente par 12 départements ! L’étendue du territoire rend également le rôle des élu(e)s plus qu’exigeant malgré les technologies modernes de visio-conférences… Plus de débats réels en commission mais des dialogues à distance; plus de présence d’élus décideurs au plus près des besoins et surtout une multiplication des réunions décentralisées exigeantes en temps et en moyens. En fait le constat est on ne peut plus clair : on a « recentralisé » massivement ce qui avait été antérieurement déconcentré. On fusionne pour éviter de mécontenter et on arrive par exemple à un bureau du CESR d… 66 membres en APCL Quid des transports scolaires ?
Quid des transports collectifs autres que le rail ? Quid des aides économiques institutionnelles ou de proximité ? Quid de la répartition des rôles dans l’agriculture ? Il faudra des mois et des mois avant que tout soit calé, connu et donc opérationnel… La réforme n’a rien simplifié mais au contraire elle a complexifié ce qui était déjà bien en place. On va inventer les « délégations » de compétences qui vont confiner les départements au rôle de bras armé de mise en œuvre de décisions financières ou organisationnelles prises par le gouvernement régional ! Il reste aussi le problèmes des ressources insuffisantes pour faire face à une augmentation des dépenses de fonctionnement (alignement des indemnités, déplacements, doublons de personnels titulaires, augmentation du nombre d’élus et maintien de celui des conseils économiques et sociaux) et à des enjeux plus vastes.
Pour les départements c’est l’alerte rouge. La loi NOTRe les a privés de la compétence générale sans vraiment en redistribuer aux autres les pans qui disparaissent. Asphyxiés par les allocations individuelles de solidarité ils sont conduits à tailler dans leurs différents soutiens et leurs actions. Ils sont sous la pression des secteurs privés de leurs aides, des communes qui accusent le coup des baisses des dotations et des habitants qui attendent toujours plus de routes neuves, de collèges et d’aide sociale . Ils doivent aussi faire face à d’âpres palabres ambigus pour une douzaine d’entre eux avec l’application de la loi MAPTAM qui les contraint à négocier une autre répartition de compétences avec les métropoles ? Ces dernières sont plongés dans les affres de la mutualisation qui constitue un beau principe mais qui nécessitera encore bien du temps avant d’être effective. On peut ajouter que les économies immédiates relèvent du mythe absolu. Il suffit d’entendre le Président du « trognon » de département du Rhône ayant subsisté à la fusion lyonnaise entre Colomb et Mercier pour s’en persuader ! Les départements vont tous dans le mur (ou y sont déjà) mais en sont à des distances différentes. On mesurera fin 2016 les dégâts faits par la loi NOTRe !
L’intercommunalité qui serait la panacée pour mieux servir les territoire n’est pas en meilleur état. En fixant la barre de la viabilité d’une communauté de communes à 15 000 habitants les législateurs zélés ont ouvert une boite de Pandore particulièrement animée. C’est la foire d’empoigne partout : on dépèce ce qui existe, on fusionne bon gré mal gré, on se constitue des fiefs électoraux, on se divise, on s’associe, on échange, on troque, on partage, on se fait la guerre, on se barricade ou on ouvre ses frontières. Une pagaille théâtrale, un pugilat territorial est en cours avec le coup de sifflet final le 31 mars prochain. Bref on a oublié les projets, les territoires pour rechercher des équilibres artificiels fragiles qui déboucheront sur l’inaction pour au moins 3 ans dans un contexte financier la plupart du temps délicat ! Là encore la loi a pondu des critères artificiels, des délais intenables, des affrontements stériles. Il suffit d’être membre d’une Commission départementale de Coopération (sic) intercommunale pour en avoir un aperçu qui effraierait le citoyen !
Il reste les communes qui se préparent à la disette et à l’impossibilité selon leurs ressources de faire face à leurs obligations. Elles vont se noyer dans des intercommunalités inconnues à ce jour, près de 2 ans après le renouvellement de leurs conseils municipaux de plus en plus désertés par les élus. Le choc va être rude. Pour certaines d’entre elles la « commune nouvelle » arrive avec la perte de l’esprit de l’autonomie et de la notion de village. Il leur faudra tout le mandat pour s’installer dans ce contexte général inconnu et même angoissant… mais dans le fond c’est tout le charme des fonctions électives locales de proximité ! ET où sont passés les habitants dans tout ça? Ce n’est pas NOTRe problème !
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Tout cela me rappelle la saga d’une étrange peuplade dont le regretté Claude Piéplu nous contait les aventures, aux alentours de 1968, et dont le mot d’ordre était :
« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué « .
Retour vers le futur…de l’Ancien Régime et ses belles provinces, ses riants fiefs intercommunaux !
Comme les habitants sont déconsidérés, ce sont les élus qui paieront la facture. Ce dont eux qui ont engagés des sommes colossales. Mettre les salles des fêtes en vente seraient une bonne action et lorsque l’on ne sait pas tendre la main à une autre commune et bien il faut trouver une solution
Le citoyen que je suis est partagé entre :
– ça fait plaisir de lire un élu qui apporte un éclairage libre, intelligent, s’appuyant sur l’exercice vécu des responsabilités,
– c’est terrible d’être renforcé dans des constats réalisés par ailleurs d’une décomposition qui gagne nos capacités d’administration publique territoriale en France.
Avez-vous des idées de re-composition ?
Faut-il attendre que le cycle législatif de la loi NOTRe passe et fasse son oeuvre de décomposition avant d’envisager une reconstruction de capacités d’administration publique territoriale ?
Sinon sur quoi peut-on agir ? , comment peut-on construire des projets et activités durables en structurant , en favorisant des collaborations locales entre public et privé ?
La politique de la ville n’est pas la politique des communes rurales. Pour ces communes rurales la mise en commun de moyens ou plutôt d’outils est une bonne chose. Il en est de même pour les salles des fêtes, de sport, de cinéma etc…Toutes ces constructions ce n’est pas une paille à rembourser.
Il me semble que cette mise en commun pourrait générer de la démocratie locale. Les communes sont trop fermées sur elles mêmes et de ce fait se concurrence.
Si j’étais élue je demanderai la constitution d’un groupe de travail sur l’usage des salles des fêtes en vue d’un développement de celles-ci.
En effet, la loi NOTRe se met en place contre la République et ses communes. La Haute Gironde en est victime. La CDCI vient de se réunir. Y ont prévalu les « arrangements » entre politiciens, un bricolage insensé qui avait été rejeté lors d’une réunion de 150 élus à St Christoly, le 27 janvier.
Nous avions dit:
– Non au morcelage des intercommunalités existantes
– Non au charcutage visait à préserver des « fiefs électoraux», à se partager le gâteau : « donne-moi ces 4 communes, je passe au-dessus des 15000 » « tu prends en échange X communes de St Savin, X de Bourg, et ça marche pour aussi pour toi » etc.
– Nous ne voulons pas de nouveau schéma du Préfet ou de la commission contre notre volonté
– Nous demandons le respect des nouveaux « cantons » imposés par l’Etat lors des élections départementales de 2014.
« Si la loi nous contraint à des fusions que nous n’avons pas demandées, dit la lettre de l’AMR 33, nous ne souhaitons pas, M. le Préfet, que soient retenues des solutions sous-tendues par des arrières pensées politiciennes, solutions contre-productives dans lesquelles nos communes et nos concitoyens n’ont rien à gagner et qui risqueraient d’être remises en cause demain par d’autres configurations politiques »
Nous sommes plus de 80 élus de Haute Gironde, dont 15 maires, à avoir contresigné cette lettre de l’Association des Maires ruraux à M. le Préfet de Gironde (ci-jointe). Nous avons demandé une audience à M. le Préfet.
Chacun des 53 membres de la CDCI a reçu un double de ce courrier. Aucun ( à l’exception notable des membres de la CDCI qui l’ont signé) n’a accusé réception, sauf un, qui ne donne pas sa position. Le Préfet n’a pas davantage accusé réception, ni daigné répondre.
Et c’est ce charcutage honteux qui a prévalu, au mépris de nos courriers, au mépris de tout dialogue: dépeçage de la CdC de St Savin, partage en deux de celle de Bourg pour sauver les territoires respectifs du député et du maire de Blaye. Oui, une honte, un énorme gâchis, un incroyable et inacceptable déni de démocratie. A nous maintenant de nous mobiliser pour bloquer ce processus morbide.
Jean-Luc Gleyze, Christine Bost, Bernard Castagnet et moi nous n’avons pas soutenu et voté cet amendement… C’était une réponse directe au courrier reçu ! Les autres c’est leur problème…