Doit-on aveuglément s’en remettre aux avis des services de l’État sur des problèmes environnementaux ? On peut en douter dans de nombreux cas car souvent faute de moyens des estimations ou les évaluations sont faites au pifomètre. Hier j’étais dans une délégation d’élus girondins ayant sollicité du Préfet une révision complète du Schéma Régional de cohérence environnementale afin de dialoguer sur des aberrations de ce document qui place en zones protégées des espaces tellement « naturels » qu’ils sont urbanisés depuis belle lurette en parfaite conformité avec les textes et règlements en vigueur. En fait les études avaient été réalisées à partir de vues aériennes datant de 2006 ce qui rendait le document totalement faux sur bien des secteurs au moment où il était mis… à l’enquête publique ! Les collectivités territoriales quant à elles avaient fait un long travail de cohérence environnementale approuvé par le Préfet qui se retrouvait être contradictoire de celui que le Préfet voulait présenter. La pauvreté de l’État n’allant qu’en s’accroissant on assiste à des prises de position en total décalage avec la réalité du terrain. Et ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres.
Si l’on se réfère à l’affaire des feux ouverts en cheminées dans la région parisienne on a une nouvelle « bavure » ayant des conséquences graves sur l’opinion publique. Deuxième motif d’étonnement, les chiffres avancés pour justifier la mesure. La Direction régionale concernée pour l’environnement n’y est pas allé de main morte en affirmant que « le chauffage au bois contribue à hauteur de 23 % aux émissions totales » de particules fines de moins de 10 microns en Île-de-France, « soit autant que l’échappement des véhicules routiers ». L’information livrée ainsi est proprement scandaleuse. Près de huit millions de trajets routiers, au bas mot, sont réalisés chaque jour en Île-de-France par des voitures, des bus et des camions. Les cheminées pollueraient autant ? Qui peut croire pareille affirmation dénuée de toute analyse objective ? Les services de l’Etat se sont trompés de manière lourde et coupable puisque selon les études d’Airparif, les causes principales d’émissions de particules de moins de 10 microns de diamètre dans l’aire urbaine parisienne sont la circulation automobile (44 % des particules) et les apports extérieurs (39 %) arrivant par fort vent de nord-est qui rabat sur les Franciliens des pollutions belges ou allemandes. Ce constat est le fruit d’un travail de contrôle quotidien et très étalé dans le temps.
Reste 17 % de sources diverses, dont… 4 % de combustion de bois donc, excusez du peu, dix fois moins que la circulation routière et les affirmations de la DRIRE ! Airparif parle bien des « feux de bois », ce qui englobe aussi les feux agricoles et les feux de jardin, pas si rares dans les Yvelines, l’Essonne ou la Seine-et-Marne. D’ailleurs, les rejets connaissent des pics pendant les vagues de froid, ce qui incrimine le chauffage, mais ils sont loin de disparaître aux beaux jours, ce qui montre bien que les cheminées ne sont pas seules coupables. Certes, des études ont montré une corrélation entre les concentrations fortes de résidus de feux de bois et les épisodes d’asthme en milieu urbain. Mais quand de telles concentrations sont atteintes, c’est en général que le vent est nul, ce qui laisse stagner tous les polluants, pas seulement ceux du bois qui se consume. Pollution de l’air, pollution d’origine locale, bois brûlé, feux de cheminée… L’interdiction des foyers ouverts va jouer sur une fraction de fraction de fraction des particules présentes dans l’air !
En plus se pose surtout le problème du bois brûlé dans les cheminées. Il est vrai qu’une partie de ce combustible peut être dangereux. Tous les bois traités et même parfois les plus anodins dégagent des produits très nocifs quand on les fait brûler. Les palettes, les poteaux, les cagettes, meubles, bois vernissés ou peints… tout ce qui peut être de récupération constituent les éléments qu’il faudrait davantage interdire dans les feux ouverts et même dans les feux fermés. La plupart du temps ils sont pourtant utilisés par des gens n’ayant pas les moyens d’acheter du bois « naturel » au stère. En fait ce n’est pas en effet à l’extérieur que le danger pèse mais plutôt dans la pièce où flambe des bois de mauvaise qualité. On doit donc utiliser uniquement du « bois d’arbre » naturel et bien sec: celui qui n’a pas séché pendant au moins une à deux années va émettre de la fumée. Avant de mettre les bûches dans le foyer, on prendra soin de les laisser se tempérer à l’intérieur, car le bois froid brûle moins bien. On choisira des bûches de moins de 10 cm de diamètre, toujours pour éviter une mauvaise combustion qui est source de fumée. Car c’est à l’allumage que le danger est le plus fort !
Ségolène Royal a eu parfaitement raison de désavouer les services de l’Etat (et c’est courageux de sa part car c’est assez rare) dont la décision reposait sur une étude fausse. N’empêche que dans certains pays une vérification annuelle de la cheminée est obligatoire (Québec par exemple). Il aurait été utile pour le Préfet de rappeler qu’il est « enjoint aux propriétaires et aux locataires des locaux d’habitation et professionnels de faire ramoner deux fois par an dont une fois au moins pendant la période d’utilisation… » Art 37 et 40 de l’Ordonnance de Police du 5 mai 1974. Mais comme le veut une tradition bien française on empile les interdictions, les normes, les obligations sans jamais mettre au feu les précédentes et sans jamais les avoir vraiment faites appliquer !
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