On a, alors que se profile la rentrée scolaire, plusieurs spécificités françaises en matière d’éducation qu’il faut bien évoquer. Quand on a été enseignant et que l’on se prête à cet exercice il vaut mieux ne pas se faire d’illusion sur la manière dont sera perçue l’analyse : nulle et ringarde ! Il est bien connu qu’un vieil instituteur n’ayant aucun bagage universitaire et formé par de simples hussards noirs de la République n’a pas le savoir nécessaire pour se permettre de parler de l’école actuelle. C’est d’ailleurs une constante dans la vie nationale : aucun enseignant de base n’a réussi à vraiment s’imposer à la tête de ce ministère auquel il appartenait ou avait appartenu. On lui préfère toujours des professeurs émérites, des universitaires pontifiants ou des cadres divers mais jamais on a accepté de reconnaître qu’un homme ou une femme ayant exercé en maternelle ou en élémentaire puisse un jour entrée dans l’immeuble sanctuaire du 110 rue de Grenelle. Or c’est dans l’enseignement primaire que se joue la réussite. pas ailleurs!
Le premier constat à faire c’est que, comme toutes les autres, depuis des décennies a été préparée en totale déconnexion avec la réalité de la société actuelle. C’est l’affaire de techniciens, de statisticiens, de spécialistes, d’administrateurs, d’énarques n’ayant jamais eu face à eux une classe un jour de rentrée. Il faut bien reconnaître que les gouvernements ont changé mais aucun véritable ministre n’a pu s’imposer dans l’histoire de l’éducation.
Pour ma part j’en ai connu dans mon parcours du CP à la retraite, pas moins de 25 en un demi-siècle de présence dans le système éducatif. Qui se souvient de Jacques Bordeneuve resté 15 jours en poste ou de Pierre Guillaumat pendant un trimestre, de Lucien Paye ambassadeur de France, de Christian Fouchet… ou de Alain Savary (pour moi le meilleur de tous)?… Tous ont pourtant tout tenté afin de laisser leur nom dans l’histoire de « l’éducation » en changeant les dates des vacances, en modifiant les programmes, en se penchant sur les horaires mais rarement en affirmant que la seule vérité pour favoriser la réussite scolaire reste l’adaptation de la pédagogie fondement du métier aux élèves. d’enseignant…
Une seule fois il y eut une tentative pour justifier le passage de la modeste « l’instruction publique » à l’ambitieuse « ‘éducation nationale » elle fut imputable à Pierre Sudreau dont l’un des conseillers décida de faire appel à l’ensemble de la pédagogie Freinet pour ce qui devait permettre de redonner une chance aux enfants écartés de l’entrée « normale » (c’était les fameuses filières) au Collège d’enseignement secondaire. Selon les circulaires du 4 juillet 1961 et 6 juillet 1962,les classes de sixième de transition naissaient ! Le 15 juillet 1963 les instructions officielles se permettent ces conseils impensables à notre époque : « le maître grâce à une chaleur discrète et généreuse, se penche sur les élèves avec sympathie et les aide à se trouver (…) d’affectif l’engagement devient effectif : il ne doit pas y avoir de petit dernier de la classe grâce à une pédagogie ouverte entièrement individualisée ». Impossible ? Sauf que j’ai fait en 1971 ma « rentrée » dans le quartier que l’on qualifierait maintenant de « sensible » de Bordeaux Benauge dans une sixième de transition avec des enfants très différents et difficiles après avoir été l’année précédente nommé dans la dernière classe dite de fin d’études de Gironde. Je peux démontrer, en vieil instituteur, preuves humaines à l’appui que la réussite individuelle a été au rendez-vous pour beaucoup d’entre eux ! Mais chut… il ne faut plus parler de « pédagogie » mais d’instructions, de programmes, de restauration scolaire, d’accueil périscolaire, de m² de cour ou de portail qui ferme mal !
A l’image de la société présente l’éducation soigne la forme mais ne s’intéresse plus du tout au fond ! On revendique des « moyens » mais jamais le milieu se pose la question de savoir s’il ne faut pas surtout mettre ceux qui existentn au service d’une autre manière d’apprendre et d’éduquer, d’une autre pédagogie.
« Il faut donner la vie à nos enfants. Pour cela, il n’y a qu’un moyen : les faire vivre, non de la vie factice et réglée d’aujourd’hui, mais de leur vie à eux. Il faut les faire vivre en République dès l’école » a écrit au début de sa carrière d’instituteur à Bar sur Loup un certain Célestin Freinet fondateur d’une école qui reste encore ultra-moderne. Quel ministre osera pareille révolution ? A quelle rentrée mes petits-enfants auront envie d’aller à l’école ou au collège  avec la certitude qu’ils y vivront autrement qu’en pions comptés sur un tableau d’effectifs;? Quand cessera-t-on de rêver d’un monde composé que de prétendants à devenir majors de polytechnique ? Quand définirons nous ce qu’est la réussite humaine et donc d’abord scolaire ? Quand mettrons nous fin aux inégalités profondes que génèrent des pédagogies rigidifiées par les textes ministériels abscons et déconnectés des fondements même du savoir actuel ?
L’école est hors du monde qui l’entoure. Elle est devenue une forteresse assiégée dont le pont-levis se ferme au son de la cloche au de la sonnerie. Les « professeurs soldats » recrutés par l’éducation nationale y viennent accomplir ce qui relève de la mission parfois pacifique mais parfois du style commando. Tous les textes, toutes les instructions, toutes les circulaires, toutes les prédications ministérielles ne changeront rien à la réalité. L’école a bien besoin de s’ouvrir, de se libérer, de s’autonomiser en fonction de son lieu d’implantation, de la composition sociale de ses familles usagères, de son esprit de groupe ou d’équipe des enseignants. libérons l’école !
La peur de l’échec selon les critères de la rentabilité absolue, de l’efficacité stéréotypée continue à planer sur bien des établissements. Elle touche toutes les composantes du système : parents exigeants affolés quand leur enfant n’entre pas dans les « modèles » portés par les médias ; enseignants doutant de leur savoir-faire ; élèves qui s’ennuient et qui font de « l’autre savoir »leur bouée de sauvetage ; élus qui craignent les agressions permanentes sur les moyens matériels alloués en période de crise.
On n’a jamais vu une rentrée se passer dans la joie, la bonne humeur, la solidarité autour des enfants. A partir d’aujourd’hui la lutte des classes reprend donc !
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la lutte des classes …..Difficultés financières des parents vis à vis des Mammouths de l’éducation nationale et des tours de Babel…..