La salle des fêtes de Lanton, sur les rives du Bassin d’Arcachon, était bondée. La Gironde des sportifs qui ne se retrouvent que rarement sur la scène aiment la cérémonie des Walters, cette soirée durant laquelle elle prend une part des éclats d’une éphémère célébrité. Depuis maintenant près de 28 ans, le rendez-vous, soutenu par le Conseil Général de la Gironde, met à l’honneur ces femmes et ces hommes qui portent les valeurs du sport, celles qui correspondent à une vision sociale constructive, celles qu’à la même heure on ne trouvait pas sur la pelouse réunionnaise. Étrange symbole que cette ambiance modeste, mais tellement sincère, qui régnait dans les travées garnies de dirigeants, de licenciés, d’éducateurs et d’élus, quand on imaginait celle qui découlait, au même moment, du comportement des Bleus sans âme ! La France « sportive » celle qui se trémousse sur un canapé ne comprendrait pas que l’on célèbre des gens de tous les âges, de toutes les disciplines, ayant parfois consacré toute leur vie à une encadrement bénévole des activités des… autres ! La très grande majorité n’avait rien à cirer des chaussures sponsorisées de ces « vedettes » ayant négocié une prime de 290 000 euros, au cas où ils effaceraient une image désastreuse. Pour eux, le sport ne repose que sur une passion comme celle qu’éprouve le Président du Conseil Général, Philippe Madrelle, pour cette manifestation correspondant à une politique de proximité en faveur du sport. Pratiquer la boxe féminine, le roller-hockey, l’athlétisme, la pala ou la Gymnastique Rythmique et sportive relève exclusivement de l’envie, mais certainement pas d’un sens du profit très développé. Pourtant, il faut bien convenir que l’attribution, devant un auditoire sensible à des parcours marqués par la fidélité, par le dévouement et surtout par une farouche volonté d’aller vers les autres prend une importance particulière quand on est ignoré par les médias. Des sportives et des sportifs, bardés de titres nationaux voire internationaux, n’ont jamais l’occasion de paraître et se contentent d’être des faire-valoir d’une politique sportive inexistante. Ils se débrouillent. Ils font face. Il représentent une certaine idée du sport, accessible à tout le monde, alors que c’est en fait le contraire.
Là bas, en se présentant devant Saint Pierre (de la réunion évidemment) une quinzaine de millionnaires du sport sont censés représenter ces milliers de personnes de tous les âges qui font vivre le sport, soit par leur licence, soit par leur bénévolat, soit par leur opiniâtreté dans la progression des performances. Ce qu’Alain Douaud et Alain Darmian, et les journalistes les plus « humbles » du milieu sportif ont voulu démontrer, c’est que les plus admirables des performances ne se forgent jamais dans la facilité et le confort. Tous les récipiendaires de la soirée ne représentaient pas le milieu qui vit du sport, mais le milieu qui fait vivre le sport !
Le problème, c’est qu’il n’y a a que des Walters « cocus », c’est à dire trompés dans leur passion par celles et ceux qui ont su, d’une manière ou d’une autre, tirer profit de leurs performances. « J’ai constaté, expliquait Elie Baup, que j’ai retrouvé avec un immense plaisir, qu’en 98, après la victoire de la France en Coupe du monde, absolument tous les joueurs ont remercié un éducateur, celui qu’ils avaient eu dans le monde amateur et qui avait su leur donner les bases du sport, et qui leur avait permis d’exprimer leur talent » Cet entraîneur reconnu s’inquiétait le la performance des bleus face à la Chine. Il avait conscience, grâce à son parcours personnel, que dès qu’on oublie d’où l’on vient on perd rapidement les repères utiles pour construire l’avenir. « Tu sais fort bien que, sans les bénévoles qui portent les clubs, me confiait celui qui va renouer sur un terrain de la L1 en début de semaine prochaine, nous n’existerions pas ». Les Walters sont l’opposé de toutes les autres récompenses, car ils collent aux terrains, aux parquets, aux tatamis, aux pistes, aux gazons, aux circuits, aux routes, aux fonds de piscine… et sont totalement déconnectés des lumières éphémères des médias. Ont été récompensées, par exemple, des familles ayant donné 3 générations à leur passions sportives, des dirigeants ayant parfois plus de 40 ans de dévouement pour leur club, des licenciés conjuguant de magnifiques réussites sportives et scolaires ! Bref des femmes et des hommes qui ne réclament pas des millions d’euros pour porter un titre ou le faire gagner aux autres.
Les sportifs du samedi ou du dimanche ne doivent jamais se contenter de participer. Ils doivent gagner face à eux-mêmes, progresser face à eux-mêmes, réussir face à eux-mêmes et même parfois payer pour pouvoir se dépasser. C’est le paradoxe de cette cérémonie sympathique, simple, directe qui mêle la performance établie et le comportement, pour l’atteindre. La pratique sportive reste pourtant un facteur décisif du lien social, un élément essentiel de la citoyenneté, un fondement de l’intégration. Il n’en demeure pas moins que c’est devenu, pour l’opinion publique, un engagement qui doit devenir rentable. C’est à dire que le profit, est sous jacent à certains engagements personnels ou collectifs. Il est omniprésent dans le sport professionnel. Souvent les fédérations dépensent sans compter et imposent des règles d’une dureté impitoyable aux clubs, prélèvent des sommes considérables sur les licenciés, en sachant fort bien qu’à terme ce sont les collectivités territoriales qui abondent pour maintenir l’égalité d’accès à une passion personnelle. L’enjeu est devenu essentiel car la reconnaissance accordée aux pratiques sportives dans l’épanouissement social sont certes reconnues, mais plus du tout soutenues.Les « Walters » girondins, depuis plus de deux décennies, tentent de modifier cette dérive en valorisant l’action citoyenne, celle qui se soucie des femmes et des hommes et pas nécessairement de la rentabilité financière d’une victoire. Dans une semaine, la Coupe du Monde battra son plein devant des publics fanatisés ou désespérés. Les « Walters » seront loin de cette mascarade du sport spectacle, reposant uniquement sur des enjeux financiers comme si désormais la fracture entre deux visions du sport était devenue infranchissable. Il n’est pas certain qu’un Bleu ait autant de mérite que certains noms du palmarès 2010 de ce qui est devenu un rendez-vous de la sincérité.
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Je regrette de ne pas avoir pu participer et ainsi échanger avec Christian GAUBERT, qui est un véritable amoureux du ballon rond, et mon collègue Olivier THUAL, qui, malgré son statut d’Arbitre International, a toujours su rester humble et sincère.
Noël BONNIEU
Vice Président
AFCAM Aquitaine
LE RUGBY
Je suis né à Agen, dans le Lot et Garonne, ce dont tout le monde se fout !
Sauf les trois ou quatre générations d’aïeux, qui doivent se retourner dans leurs tombes quand la pénalité, pourtant à cinq mètres de la ligne adverse, se joue au pied !
Je les entends hurler d’outre-tombe jusqu’au tréfonds de mon coeur, « À la main petit, à la main !! ».
À Agen, la vie était simple. Il fallait pour être un homme, faire son service militaire comme des tribus de Papouasie jettent leurs enfants du haut des grands arbres. Pour savoir s’ils sont dignes de ne plus dormir auprès de leur mère. À Agen, après le grand saut, comme d’autres gagnent leurs galons de chasseur, on rentrait dans l’équipe de rugby.
Le Ru-Gue-Bi !
Ce sport, malgré l’apparente bestialité nécessite une grande finesse d’esprit.
Il y est fort difficile de garder les idées claires la tête dans la boue.
Ce jeu merveilleux à été inventé faute de combattants, les villages de nos campagnes, et de l’Angleterre, il faut bien l’avouer, s’étant vidés après de multiples guerres.
La difficulté de réunir quinze bonshommes pour jouer à la balle a été détournée par l’emploi de toutes les âmes vaillantes encore à peu près vivantes. Ce qui explique, et c’est là tout l’esprit du rugby, les différences de taille entre les joueurs.
Le petit malin, le grand sec, le gros costaud, le rapide, chacun à sa place !
Les règles du jeu sont fort savantes, mais je veux ici n’en évoquer qu’une qui est l’essence même de ce jeu de paix:
il est totalement interdit de heurter, agripper, plaquer, tirer, bousculer un joueur s’il ne porte pas la balle. Ce qui différencie définitivement le rugby de la guerre, ..et du football américain.
D’autre part, des règles non écrites ont forgé de nombreuses générations d’hommes.
Le jeu se gagne « à la main », et pour la gloire du village.
Un beau match est quand toute l’équipe dans un savant effort a su risquer de perdre quelques points pour tenter de marquer un essai « à la main ».
Porter le ballon à travers les lignes adverses pied à pied, main à main, dans de belles passes inventives, futées, rusées est tellement plus beau que de ne s’occuper que du score final. Comme souvent aujourd’hui, aucun essai n’est marqué, les équipes occupées dans de grands coups de pied à faire varier les chiffres au compteur.
Les doux guerriers de mon enfance sortaient perdant au score quelquefois avec plus d’honneur, de gloire, de rires et de chants que le vainqueur chanceux n’ayant pas su offrir un beau jeu. Ne pas prendre de risque pour la beauté du geste était bien plus honteux que le décompte idiot des chiffres de bois au tableau d’affichage. Tableau dont tout le monde se foutait royalement. La beauté du geste ! L’esprit d’équipe ! La gratuité de la souffrance supportée, des coups reçus, sans aucune autre contrepartie que de voir de larges sourires tout autour ! L’honneur des hommes de la tribu ne saurait avoir un prix, ni un score d’ailleurs.
Chacun retournait à son ouvrage, à ses champs ou à son bureau, le notaire et le boulanger amis, le docteur et le plombier, l’agriculteur et le gendarme, le plus jeune avec le plus vieux…
Il n’était pas question d’argent.
Bien sûr, celui qui, partant du village, montait à la capitale pour jouer dans l’équipe de France avait à son retour bien des avantages !
Le banquier était peut-être plus aimable et compréhensif, quand le héros voulait acheter un nouveau tracteur pour agrandir la ferme familiale. Monsieur le maire était plus disposé à trouver un budget pour l’achat de nouveaux maillots pour le club des poussins. L’assureur plus disposé à offrir la cotisation au club pour paraître sur les dits maillots… Toutes et tous y allaient d’un petit bout de leurs économies pour faire verdir la pelouse du stade, et étaient si fier finalement d’avoir une photo fanée où l’on voyait un beau gaillard souriant juste à coté d’eux. Oui monsieur, ce beau vieillard aux cheveux blancs qui bêche encore, pour le plaisir, un bout de champ « à la main » c’était notre héros.
Notre héros sans le sou, paysan ou docteur.
Il faut dire qu’en ce temps-là l’idée de pouvoir gagner de l’argent pour sauver l’honneur du village, c’était un peu comme faire son beurre au marché noir…. pas très joli…
Loin de moi l’idée d’aller raconter à mes aïeux, quand je les croise au cimetière, qu’aujourd’hui tous nos héros n’ont, dans leurs beaux costumes bleus à la ville, le cul à l’air sur les calendriers, qu’une idée obsessionnelle, faire gonfler le score au tableau.
La gloire aux numéros retransmis en mondiovision.
Qu’importe la manière, il n’y a plus que le résultat qui compte.
Pour ne pas les rendre tristes, mes vieux, je leur dis que le rugby est mort.
C’est un mensonge de finesse.
Il vaut mieux mort que disgracieux!
Comme cette l’histoire véritable et déjà entendue semble presque irréelle en 2010.
< LES PETITS CLUBS QUI DOIVENT MISERER SEULS OU AVEC LES PROCHES .L'argent brise tout et détruira encore tellement de familles que cela sera de plus en plus difficiles de caser ses ouailles dans les bons endroits .
Comme il est réconfortant, en ces périodes où le sport fric et spectacle est roi, de constater qu’il existe encore un peu partout en France des gens qui font du sport ou y consacrent leurs loisirs, pour le plaisir de se retrouver ensemble.
Dans les journaux, à la radio, à la télé, on ne nous parle et on ne nous montre que des sportifs avides d’argent, des « agents » et des requins qui font miroiter à des jeunes déshérités des fortune et une gloire possible…. et qui les laisseront tomber ensuite sans se soucier de leur désarroi et de leur misère, pourvu qu’eux mêmes se soient enrichis. On est loin du dévouement, de l’abnégation, et du désintéressement de ceux, pratiquants et « dirigeants » que vous avez honorés vendredi ! Et il est réconfortant, aussi, de constater que le Président du Conseil Général, des conseillers généraux, et des élus locaux se sont associés à l’hommage qui leur était rendu.
Nous allons être inondés durant quelques semaines des images de ces milliardaires du sport, qui ne méritent que rarement les ponts d’or qui leur sont offerts, ….ni l’enthousiasme des foules dont ils bénéficient ! Mais cela va au moins permettre à ceux qui nous gouvernent de prendre quelques décisions iniques, dans l’indifférence générale.
Espérons, au moins, que les habitants de l’Afrique du Sud, et surtout les plus pauvres d’entre eux profiteront des retombées de cette mane financière.
@Batistin, bravo et merci pour cet hymne au rugby de nos anciens….