« Je te (vous) souhaite une belle et heureuse année 2025 ». La phrase tout prête va résonner des millions de fois, dans toutes les langues sur une planète qui n’a aucun raison de croire en un avenir prometteur. Peu importe d’ailleurs car nous sommes dans le rite et la croyance, deux pratiques qui règlent désormais la vie sociale. Alors autant se mettre au goût du jour. Et puis le lien social est tellement distendu que c’est une opportunité d’échanger, de partager et de se réconforter. L’extraordinaire vitesse de l’oubli dans ce monde surmédiatisé permet en quelques minutes de passer l’éponge sur les mauvais moments individuels ou collectifs des mois écoulés. Ce matin les premiers d’entre vous qui ouvriront par habitude leur ordinateur pour venir vers cette chronique attendent peut-être du neuf, de l’inédit, de l’insolite. Ils seront probablement déçus car la chronique des vœux ressemblera étonnamment à bien d’autres. Elle est imprégnée par le doute.
Les étranges lucarnes de toutes les tailles ont tenté de distiller la joie, l’insouciance, la diversité alors qu’elles passent la plupart de leur temps d’action à propager les drames, les préoccupations dramatiques ou à exacerber les haines. Le monde est aux mains de vampires qui aspirent les consciences à leur profit ou pour asservir des foules de gens de toutes les classes sociales. Il serait plus honnête de souhaiter aux autres une « année Elon Musk » puisqu’il étendra sa influence sur la plus grande partie de la planète. Il aspire même à l’étendre à l’univers. Que valent nos vœux face à cette extraordinaire puissance à maîtriser nos destins ? Rien ! Absolument rien…
Il arrive parfois que nous écoutions ou nous recevions des pensées supposées positives de structures, d’entreprises ou de personnes ne se soucient guère de votre situation le reste du temps. Dans la vie politique, il faut avoir la foi pour admettre que celles et ceux qui ont abandonné ou détruit un système social reposant sur la solidarité ou la fraternité annoncent que l’an prochain ils feront le contraire. Par exemple peut-on admettre que l’on vous balance un « bonne santé » quand depuis plusieurs décennies les gouvernements successifs ont sacrifié les hôpitaux ou la médecine de proximité ? Et pourtant écoutez bien ils seront nombreux à se préoccuper de votre bien-être médical tout en sachant que sans carte bleue vous attendrez des semaines voire des mois pour qu’un professionnel prenne soin de vous.
Il est aussi souvent question de « bonheur » dans les messages envoyés. Personne ne sait vraiment ce que recouvre ce mot qui a une réalité individuelle et aucun sens collectif. On connaît les ravages des petits pères de peuples ayant voulu faire leur bonheur malgré eux… En fait chacun le trouve où il peut et de manière fort différente selon le contexte dans lequel il vit. Félix Leclerc avec son merveilleux accent québécois a chanté merveilleusement ce qu’il peut être : « C’est un petit bonheur/ Que j’avais ramassé/Il était tout en pleurs/Sur le bord d’un fossé/Quand il m’a vu passer/ Il s’est mis à crier (…) »
Plus personne ne sait vraiment se contenter de cette perception ordinaire de ce que procure le quotidien. Le bonheur est lointain, exotique, exceptionnel… et il se consomme comme un bien matériel inépuisable. Tout le monde sait bien que ce ne sont que des étincelles rares qu’il faut savoir saisir pour allumer grâce au bout de bois donné par l’Auvergnat de Brassens « ce (qui ne sera) rien qu’un feu de bois/ Mais il m’avait chauffé le corps/Et dans mon âme, il brûle encore/ À la manière d’un feu de joie (…). » Si vous n’avez jamais ressenti la chaleur éphémère de ce que les autres vous apporte vous ne saurez jamais ce qu’est le bonheur ! Rien ne sert de vous le souhaiter puisqu’il n’y a que vous qui pouvez le vivre dans un amour, une amitié, une réussite, une passion ou un moment partagé…
Les plus téméraires ajouteront aux mots destinés à illustrer votre avenir prometteur, « la réussite » et « la prospérité ». Alors que la pauvreté s’incruste dans le pays, il est un peu présomptueux de prétendre à rencontrer aisément ces deux éléments clés d’un année réussie. Tout le système scolaire est par exemple basé sur la sélection par l’échec face à une normalité éducative de plus en plus prégnante. Une élite prétend détenir le pouvoir que lui confierait cette course par élimination. Elle est en général très prospère mais limitée en nombre de bénéficiaires. Alors là encore il est difficile de croire à l’impact de ce type de vœux.
Il n’en reste plus qu’un : croire en vous, vous battre contre les aléas de l’existence, construire vos propres repères et surtout partager sans cesse pour vous rendre compte que les autres ne constituent pas l’enfer. Agissez ! Espérez ! Trompez-vous ! Cassez-vous la gueule ! Vivez autant que vous le pouvez… L’avenir est en vous et pas sur une carte !
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« une « année Elon Musk » . Mon espoir le plus cher, à part ceux qui me touchent directement(soyons égoïstes), c’est de voir ce hideux personnage, et son non moins hideux comparse, se casser la gueule comme le Picrochole de Gargantua, ce serait une belle nouvelle et un grand pas pour l’Humanité.
Bonne année à toi Jean-Marie et, je ne l’oublie pas, à Ticlo qui, sans maudire – euh! – sans mot dire sur cette foutue roue libre, partage la vie de son compagnon de route,