Bernard Barthes a pris la Corvette Uranie en route pour son tour du monde le 3 juin 1818. Il a été de toutes les aventures orientales de l’expédition avant de se retrouver après le naufrage aux îles Malouines dans l’attente d’une solution pour regagner la France. Quelques jours après avoir chevauché une baleine Barthe et la centaine de personnes qui campent voient un espoir…
Hélas l’hiver approchait, l’hiver avec son cortège de vents, de neiges, de frimas et de mauvais jours. Les hommes de la corvette n’étaient plus aussi philosophes qu’au moment du naufrage. Encore quelques mois, et peut-être de ces cent hommes bien vivants ne resterait-il plus que des cadavres. Déjà les pingouins qui restaient avaient dit adieu à leur île et les phoques commençaient à se raréfier. Bientôt l’île ne pourrait plus suffire à nourrir autant de monde. La perspective était sinistre et les idées fort peu gaies. Qu’aucun navire ne paraisse sur ces côtes, et c’en est fait de tous les naufragés. Que l’on envoie la chaloupe « l’Espérance » construite par les ouvriers spécialisés de l’équipage avec les restes de la Corvette à la découverte de l’Amérique restait la seule solution. Mais arrivera-t-elle jamais à une si grande distance? Personne ne doutait officiellement mais dans les discussions il régnait une certaine inquiétude. Barthes le savait bien…
Le 15 avril 1820, une voix de matelot posté sur les hauteurs surplombant la baie fait entendre le bienheureux cri : « une voile! une voile à la mer ! » Officiers et simples gens de l’équipage accoururent en hâte. Un navire apparut au large. Aussitôt la fameuse chaloupe est mise à la mer. On vogue avec rapidité et elle atteint le vaisseau tant désiré. C’était une goélette américaine en cours de pêche. Plusieurs coups de canon furent tirés
pour attirer son attention, et le patron s’empressa dans le même temps de venir à terre. En peu de mots, Freycinet exposa à ce dernier dans quelles circonstances il se trouvait établi sur cette côte.
Le patron répondit qu’il était aux ordres d’un bâtiment américain, le Général-Knosc, employé à la pêche aux phoques. Il ne souhaitait pas trop récupérer les Français avant d’avoir fini sa campagne. Il réclama donc plus de 125 000 francs-or pour un rapatriement à Montevideo. Exorbitant. Les pourparlers traînaient quand un autre navire américain, « Le Mercury » en grande difficulté car victime d’une importante voie d’eau fit son apparition. Comme l’Uranie il avait souffert en doublant le Cap Horn et ses marins étaient incapables de réparer l’avarie.
Très lourd car chargé de canons destinés à la rébellion américaine, il menaçait de sombrer. De Freycinet envoya immédiatement tous les « spécialistes » qu’il avait enrôlé dès le départ de Toulon : forgerons, voiliers, charpentiers, cordiers, scieurs de long, tous s’occupèrent avec activité de la tâche urgente de boucher la voie d’eau. Les plus costauds déménagèrent la moitié des canons qui furent chargés sur le navire d’accompagnement de la pêche qui les immergea pour alléger la frégate et surtout faire de la place dans les cales. En quinze jours Le Mercury fut réparé gratuitement par les Français.
Le capitaine américain ne tint nullement compte de cette aide pour fixer le montant d’une prise en charge de l’équipage de l’Uranie et le fruit de ses travaux scientifiques. Les négociations ponctués de repas officiels durant lesquels la cave des Français fut mise à contribution, s’éternisaient. Celle avec le navire auxiliaire du Général-Knox se soldèrent par un refus absolu, de la part de Freycinet, d’en passer par les exigences du capitaine américain. Quant à son homologue du Mercury, Galvin, il fallut plusieurs jours pour arriver à une solution avec lui et l’amener à signer un accord présenté ensuite à l’équipage français.
Le capitaine Galvin s’engageait à conduire à Rio les naufragés, leurs papiers, collections et instruments, ainsi que tout ce que l’on pourrait embarquer des objets sauvés de l’Uranie. Ces derniers devraient se nourrir pendant la traversée avec les vivres mis en réserve pour eux. Arrivés à destination, les Français devaient lui payer, dans les dix jours, une somme de 97 740 francs. Ainsi se termina cette laborieuse négociation par l’acceptation de conditions vraiment scandaleuses mais incontournables. Ainsi tout fut prêt pour le départ, le 27 avril 1820.
On mit aussitôt les voiles pour les côtes du Brésil quand Galvin apprit à de Freycinet qu’il était aussi interdit d’accès au port de Rio de Janeiro puisque son pavillon n’était pas reconnu… La rencontre fut orageuse et de fait les Français prirent le contrôle du Mercury puisque de Freycinet décida que pour plus de 97 000 francs il n’avait pas loué le bateau mais qu’il l’avait acheté. Barthes fut chargé d’aller hisser les couleurs françaises et on partit vers Montevideo pour régulariser la situation et où l’on baptisa la frégate « La Physicienne » !
(à suivre)
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