Assassiné le 13 octobre 2023 à Arras par son ancien élève Dominique Bernard avait remarqué son « caractère dangereux » dès le collège. Il devait « faire attention » à ce qu’il disait, rapporte sa veuve samedi dans Le Monde. En quelques mots elle a mis en évidence le problème essentiel de l’enseignement dans la période actuelle. Sous la pression constante et de plus en plus prégnante d’une société dans laquelle de plus en plus d’individus prétendent imposer leur volonté, le système courbe l’échine. Soumise à des vagues successives d’ajustements ou de réformes ministérielles inapplicables ou parfois contradictoires d’une année à l’autre, l’école au sens large de ce terme, a perdu l’indispensable sérénité dont elle a besoin.
Ayant perdue la boussole de son rôle dans la préparation des générations futures elle s’est repliée sur elle même et elle ne pèse plus sur l’évolution sociale. Elle n’apparaît plus dans le positionnement des services publics qu’à un rang assez lointain dans les préoccupations des adultes. Alors que durant la plus grande partie du XX° siècle elle constituait la préoccupation essentielle dans les villes, les quartiers, les villages elle est dépassée par des considérations émergentes que sont devenues la santé, la sécurité, la mobilité et les conditions matérielles de vie. Les associations qui militaient en faveur du système éducatif comme les patronages, les amicales laïques, les conseils de parents d’élèves se sont lentement délitées occultant la notion de communauté éducative.
Comme par ailleurs l’engagement des enseignants dans la vie sportive, culturelle, sociale ou… politique est en berne, la perception du monde de l’enseignement a dans la réalité (et pas dans le sondages) totalement changée. L’institutionnalisation est devenue catastrophique. Il existe désormais parmi les nouvelles générations de professeurs de tous niveaux une tentation se se concentrer sur leur boulot mais de ne pas sortir de cette nécessité professionnelle car elle est devenue préoccupante et exigeante. Tout devient dangereux et compliqué.
Sortir avec des élèves pour les ouvrir à une autre vision du monde relève de la prouesse. La méfiance et même parfois la défiance sur toutes les initiatives sortant un tant soit peu de la « norme », anesthésie l’action culturelle ou simplement citoyenne. Il faut une volonté de fer pour mener à bien un projet. La hiérarchie n’ouvre plus un « parapluie » mais un parasol grand format avec de plus en plus de documents à mobiliser autour du transport, du lieu d’accueil, des personnes extérieures d’encadrement, des adultes accompagnateurs, du droit à l’image… pour obtenir le viatique nécessaire. Ouvrir le système éducatif sur le monde relève de l’exploit. Et il est superflu d’évoquer les financements… en voie de disparition.
« L’école » doit aussi affronter une concurrence farouche entre les valeurs qu’elle porte et celles que les élèves « emmagasinent » dans leur quotidien. Le décalage se creuse. D’après une étude sur le sujet, en France, le temps d’écran moyen en 2022 était d’environ 2 heures par jour chez les enfants âgés de 1 à 6 ans ( soit l’équivalent d’un quart du temps scolaire par semaine), de 3 heures et demie chez les 7-12 ans (soit l’équivalent de leur temps scolaire hebdomadaire) et d’un peu plus de 5 heures chez les adolescents (13-19 ans).
Depuis le début des années 2010, cette durée quotidienne a progressé en moyenne d’un quart d’heure chez les 1-6 ans, d’environ trois-quarts d’heure chez les 7-12 ans et de près d’une heure chez les 13-19 ans. Dans le détail, c’est surtout le temps d’écran consacré à Internet qui a le plus augmenté, en lien avec le développement du mobile et le fait que de plus en plus d’adolescents possèdent un smartphone : plus de 90 % de nos jours, contre moins de 50 % il y a une décennie. Manque de concentration, dédain pour les apprentissages, perte des repères collectifs, abandon de l’écrit : tout ce qui constituait les bases de la réussite « scolaire » échappe chaque jour un peu plus à celles et ceux qui l’ont en charge.
Confrontés aux dérapages provoqués ou organisés vis à vis de la laïcité, les enseignants deviennent les victimes expiatoires des fanatismes qui ne virent pas tous à l’assassinat. Ils ont maintenant en charge la promotion de cette valeur républicaine cardinale et ils devront effacer des années de renoncement dans ce domaine. Ma génération d’instits et celle qui l’ont précédée ont été accusées d’extrémisme en prônant un strict respect de l’esprit laïque (j’ai même eu pour ma part une lettre anonyme sur le sujet) et il faudra maintenant de longues années pour rétablir ce qui a été détruit par des politiques couards. La loi de 1905 a été bafouée dans le système éducatif avec la complicité de gouvernants ayant cédé à la privatisation de l’école de la République qui mérite d’autres hommages que ceux consentis à ses martyrs.
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Désolant, ce constat réaliste d’une déliquescence programmée, par des personnages fourbes. L’ennemi semble t-il, c’est celui qui propose la Raison à tout autre croyance qui impose l’obéissance à d’invérifiables et multiples dogmes plus ou moins contradictoires entre eux..
Lesquels dogmes voudraient imposer de supposées autorités de « droit divin », qui ont trouvé un porte parole avec l’histrion historien médiatique amateur autoproclamé, qui a réussi à imposer une vision très orientée de l’histoire dans des émissions hélas de « grande écoute » : la parole est aux imposteurs.
Les ennemis des Lumières et de la Raison ont réussi, par la cautèle et l’intrigue à gagner une audience publique qui met en péril la Liberté de pensée.
Et ce n’est pas en supprimant 4000 postes dans l’Enseignement Public que les choses vont s’arranger. Un sabordage à grande échelle ?
bonsoir,
j’ai détérré pour vous cette vidéo sur la laïcité antérieure aux terribles évènements dont les deux professeurs ont été les victimes.
https://www.les-crises.fr/clm-s434-jean-bauberot-la-laicite-falsifiee/
Bien qu’elle garantisse la « liberté de conscience et le libre exercice du culte sous les seules restrictions de l’intérêt de l’ordre public », certains « défenseurs » de la laïcité ont tendance à faire dire à la loi du 9 décembre 1905 ce qu’ils veulent et parfois même le contraire de ce qu’elle protège initialement, en prônant une non-officialité des religions. La loi de 1905 se retrouve aujourd’hui falsifiée et la question de la laïcité devient un véritable enjeu électoral, le tout dans un contexte d’amalgames entre rigueur religieuse et extrémisme.
La réflexion est plus profonde que le brouet servi par les merdias aux ordres, elle déborde le cadre de la loi de 1905 et rappelle à ce propos la culpabilité de la gauche de l’époque dans le fiasco de la guerre d’Algérie et dans son refus du droit des femmes.
Beaucoup trop de sang a été versé au nom des religions qui prônent l’amour du prochain, revenons aux fondamentaux de la loi.
L’essentiel de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État :
Bien qu’elle ne mentionne pas explicitement le terme, la loi de séparation des Églises et de l’État adoptée en 1905 est considérée comme le texte fondateur de la laïcité en France.
Il en résulte :
le respect de toutes les croyances ;
l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de religion ;
la garantie du libre exercice des cultes ;
l'absence de culte officiel et de salariat du clergé.
En mettant fin au régime du Concordat mis en place par Napoléon en 1802, la loi de 1905 acte la neutralité de l’État vis-à-vis de l’ensemble des religions. La puissance publique a pour mission de veiller à ce que les pratiques religieuses ne contreviennent pas à l’ordre public.
Bonne réflexion