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Il ne va pas faire bon être handicapé ou dépendant

Les handicapés ont été oubliés dans la longue liste au nom parfois ésotériques des responsabilités ministérielles. Ce ne sera probablement qu’une « déléguée » qui agira sur un sujet éminemment brûlant puisqu’avec l’accroissement des maladies neuro-dégénératives, des accidents du travail, des difficultés psychiques liées aux exigences du travail et l’allongement de sa durée, de l’allongement de la vie des personnes porteuses d’un handicap les besoins sont en augmentation croissante. Les dernières statistiques officielles connues datent de 2021. Elles font état de 6,8 millions (13 %) de personnes de 15 ans ou plus vivant à leur domicile déclarent avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive et 3,4 millions (6 %) déclarent être fortement restreintes dans des activités habituelles, en raison d’un problème de santé.

Selon la définition retenue, de la plus stricte qui impose de cumuler ces deux critères, ou la plus large qui prend en compte l’ensemble des limitations et restrictions, on compte entre 2,6 millions et 7,6 millions de personnes handicapées ou dépendantes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire. Sur les seules personnes de 15 à 60 ans, ce chiffre varie de 0,9 à 3,3 millions. S’y ajoutent plus de 140 000 personnes de 16 ans ou plus hébergées en établissement spécialisé dans la prise en charge du handicap. A partir d’un certain âge (60 ans) on ne parle plus de Handicap mais de niveau de dépendance.

Les personnes âgées de 60 ans et plus sont au nombre de 15 millions aujourd’hui. Elles seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Le nombre des plus de 85 ans passera de 1,4 million aujourd’hui à 5 millions en 2060. Ces chiffres n’affolent personne. Tout le monde pense qu’une régulation par des règles plus ou moins obscures suffiront à absorber cette croissance exponentielle. Seuls 8% des plus de 60 ans sont dépendants et 1 personne de plus de 85 ans sur 5 (20%). L’âge moyen de perte d’autonomie est de 83 ans. Au titre de la dépendance on compte 1,2 million de bénéficiaires de l’APA dont 60% à domicile et 40% en établissement pour une dépense publique cumulée de 24 milliards.

En fait le manque de moyens pour faire face à la réalité dans ces deux secteurs devient effrayante. Une constante pour les deux secteurs qui pèsent sur les familles : un manque dramatique de places dans les établissements publics d’accueil. Des dizaines de milliers de personnes âgées dépendantes et des milliers d’enfants porteurs d’un handicap n’ont pas de solutions d’accueil. On sait que dans le cas des enfants ou des jeunes certaines familles les placent en Belgique. Un très récent rapport de la Cour des Comptes sur ce phénomène évalue à un peu moins de 8 200 (7 000 adultes et 1 200 enfants) qui sont hébergés en Wallonie. La France règle les dépenses.

Pour les personnes la France compte 611 000 résidents en Ehpad ; ils seront 719 000 dans dix ans. Quelque 4 300 places en Ehpad ont été ouvertes en moyenne chaque année entre 2012 et 2018 ; 9 800 supplémentaires auraient été nécessaires chaque année entre 2019 et 2030. En 2018, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) pensait pourtant avoir placé la barre très haut en évaluant les besoins à 62 000 places supplémentaires d’ici à 2030… et ce chiffre est largement sous-estimé. Dans le secteur public les créations de « lits » sont gelées ou réduites à la portion congrue. On va donc vers une crise prévisible mais niée par le fait que l’on a pas de prise en compte réelle des difficultés de ce secteur de la vie. Un ministère n’aurait pas été du luxe !

Une très récente enquête de la fédération hospitalière de France a donné lieu à une participation sans précédent, avec plus de 730 EHPAD publics répondants, qu’ils soient autonomes ou rattachés à un établissement public de santé, représentant plus de 100 000 lits d’hébergement permanent dans l’ensemble des régions. Cela correspond à 43% des places d’EHPAD publics relevant de la fonction publique hospitalière. Elle constate une activité qui continue à progresser, presque revenue à la normale pour une partie des EHPAD publics avec un taux d’occupation 2023 en moyenne de 94,4 %, en hausse d’un point par rapport à 2022. La pression augmente !

Elle met en évidence une généralisation des situations déficitaires alarmantes : près de 85 % des EHPAD enregistrent un résultat déficitaire pour l’exercice 2023, chiffre record alarmant, alors que la situation budgétaire des EHPAD publics était auparavant équilibrée. Les déficits sont généralisés, y compris dans les établissements qui ne connaissent pas de difficultés d’activité et en dépit des crédits exceptionnels mobilisés en 2023

Le niveau de déficit moyen par place d’EHPAD s’aggrave fortement passant de 3 226 € en 2022 à un niveau record de 3 850 € en 2023. Appliqué à l’ensemble des EHPAD publics déficitaires, cela représente un montant d’environ 800M€ en 2023, en hausse de 60% sur un an. Illico deux solutions ont été sorties du chapeau : une seconde journée de solidarité et l’obligation de souscrire une assurance dépendance.

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Cet article a 5 commentaires

  1. faconjf

    Bonjour,
    le modèle économique suivi par la France depuis 40 ans est totalement dépassé, économiquement et socialement à bout de souffle.
    Au Danemark, tous les efforts convergent vers un seul objectif : rendre les retraités le plus autonomes possible afin de retarder au maximum l’entrée en maison de retraite – toutes financées avec de l’argent public. Pendant trente ans, le pays avait décidé de ne plus construire de nouvelles maisons de retraite, préférant mettre en place un plan efficace de maintien à domicile. Aujourd’hui, moins de 5 % des Danois vivent en maison de retraite, des établissements qui ont été largement rénovés et adaptés aux nouveaux standards de vie des séniors. A Slottet, au nord de Copenhague, également appelé la cité des Anciens, chaque pensionnaire a son propre studio avec coin cuisine. Il a ainsi le choix de participer à la vie en communauté mais aussi de rester dans l’intimité de son petit logement, tout en bénéficiant de soins et d’assistance 24 heures sur 24. Il doit payer un loyer pour lequel il peut bénéficier d’allocations. Mais les soins et les services sont gratuits.
    Remettre en question le modèle juteux des établissements privés de notre pays, n’est pas chose facile puisque les récentes révélations démontrent le niveau de corruption qui écrase toute réflexion.
    bonne journée

    1. J.J.

      « Au Danemark, tous les efforts convergent vers un seul objectif : » Il y a certainement de « choses » qui ne tournent pas toujours très rond au Danemark (d’ailleurs d’après Hamlet, il y aurait même quelque chose de pourri…) mais comparé à certains pays, dont la France, et bien , ce n’est pas comparable. Et nous ne sommes pas au Danemark !
      Amicalement
      J.J.

  2. MOULINIER

    façonjf , il y 30 ans nous résidions rue Bonnefin à Bordeaux Bastide, près de la RPA qui fonctionnait de cette manière. Nous avions pour ami un couple de résidents dont le Monsieur entretenait un jardin mitoyen et partagions quelques sorties communes,ces moments partagés étaient un réel bonheur réciproque.Hélas,comme vous(tu) dis ce modèle n’est pas juteux,seul compte le fric .

  3. christian grené

    Bonjour Jean-Marie.
    Tu as choisi un vendredi pour sortir un sujet auquel je suis sensible. Justement, j’arrive de Libourne.
    Salut à toi, mon frère!

  4. Laure Garralaga Lataste

    85 ans et demi pour Laure, 83 ans et demi pour Pierre… le jour J du placement en ces lieux… approche !

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