You are currently viewing Le jour où Bertal a cru dans le sérieux de la puissance publique (3)

Le jour où Bertal a cru dans le sérieux de la puissance publique (3)

La rédaction d’un testament reste une acte difficile. Le bilan d’une vie. Antoine Victor Bertal, natif de Créon seul dans sa vaste maison niçoise a d’abord évacué ses ressentiments à l’égard de sa famille. Désormais il va tout mettre en place pour valoriser la ville bastide girondine dont il conserve un souvenir ému.

Lorsque la plume d’Antoine Bertal a annoncé le legs de toutes ses collections de tableaux, de gravures, de dessins et de bibelots à sa ville natale, il a immédiatement pensé qu’il lui fallait aussi lui donner les moyens de l’héberger. En effet la situation de la ville bastide n’est guère florissante. Elle est en proie à des querelles intestines au sein du conseil municipal. Les clivages politiques entre Bonapartistes nostalgiques, royalistes toujours résolus et surtout Républicains convaincus fissurent l’équipe de Pierre Ferchaut qui est en fin de parcours. Un homme ambitieux brigue le fauteuil de premier Magistrat du chef-lieu de canton : le Docteur Emile Saligue. Il doit patienter. Antoine Victor Bertal a écrit pour demander s’il existait une maison d’accueil pour les vieillards. Le Maire n’a pas très bien compris cette démarche.

Le rentier niçois a reçu la réponse lui indiquant que la Congrégation de Saint Joseph implantée à Créon en possède une. Alors Bertal peut se consacrer à son obsession : transformer son patrimoine culturel en atout pour une ville dotée d’aucun équipement de ce type. Je donne 45 000 francs pour que la ville puisse construire un musée destiné à rassembler les tableaux, les objets d’art et le mobilier dont la bibliothèque pour qu’il servira de distraction aux habitants de cette bonne petite ville de Créon. »

Il sait que le lieu sera construit mais il craint que personne ne s’occupe vraiment de son fonctionnement ? S’il désire que l’on fasse bâtir « un local au-dessus de la mairie (voir cliché de hier) » il ajoute «  un appartement attenant afin d’héberger « un homme seul ou un couple ayant dépassé l’âge de cinquante ans, dans une position proche de l’indigence » pour qu’il tienne « en parfait état le musées, les tableaux et la bibliothèque ». A cet effet il porte sur le testament la coquette somme de 80 000 francs dont les intérêts devraient suffire « pour vivre et même avoir une domestique pour les aider ». Bien entendu si ces clauses ne sont pas remplies, le legs ne pourra pas être encaissé. Il est satisfait : la puissance publique protégera son patrimoine alors que sa famille l’aurait dispersé.

« Je désire que l’intelligence des habitants de Créon donne un puissant essor à ce commencement de progrès et que l’exposition des tableaux et des objets d’art devienne avec le temps importante et productive pour le pays. » L’ambition d’Antoine Victor Bertal est à la hauteur de sa fortune. « C’est pour arriver à ce résultat et inculquer à Créon un rayon de lumière artistique pouvant y faire naître des hommes d’un grand génie ou d’un grand mérite. Mon désir le plus grand c’est en effet d’arriver à faire le bien et à donner à ce charmant pays de la distraction et l’aspect d’une ville plus importante qu’elle ne l’est en réalité Ce petit musée doit être livré au public trois fois par semaine » Il décide donc de soutenir les vocations artistiques.

« Je donne quinze mille francs dont l’intérêt devra être attribué à celui des jeunes gens qui sera reconnu le plus intelligent, le plus instruit et d’une conduite irréprochable. Il faut qu’il ait atteint l’âge de 14 à 20 ans, qu’il est l’aptitude le goût pour les arts, le dessin, la peinture. Les deux dernières qualités sont indispensables. » C’est ainsi que naîtra le concept du rosier quinze ans plus tard. Pour Antoine Victor Bertal c’est vraiment la priorité de son legs. Il distribue le maximum d’argent pour que Créon devienne un cité tournée vers les arts. Il définit avec précision les conditions d’attribution de cette somme qui est essentielle dans le testament.

Le souvenir du comportement de son épouse reste très présent dans son esprit. Il a entendu parler des rosières. Alors il se lance dans un paragraphe allégorique : « je fais la donation de quinze mille francs dont l’intérêt devra être remis tous les ans à la plus digne, la plus age de des demoiselles de Créon qui devra être couronnée rosière depuis l’âge de seize ans. Elle devra être couronnée le dimanche le plus rapproché du 18 janvier chaque année. Ces quinze milles francs ne serviront que pour cet emploi devront être à l’intérêt sur l’État de 5 %. le conseil municipal devra en avoir la direction. C’est lui qui devra aussi proclamer la rosière après délibération celle qui aura obtenu le plus de voix. Monsieur le Maire devra en être président. La même demoiselle ne pourra pas recevoir deux fois cette somme. » Bertal est satisfait. Il a donné des signes forts de son engagement en faveur de la jeunesse. Son fils est décédé à sept ans ! Il bouclera en paix après de dizaines d’autres dons son testament. Il décédera le 2 janvier 1895. Les membres de sa famille attaqueront le testament en justice.

Les débats judiciaires durèrent 5 ans avant que Waldeck-Rousseau Ministre de l’Intérieur et des Cultes par délégation de Emile Loubet le 28 mai 1900 autorise la ville de Créon à percevoir le legs. Il n’en reste plus grand-chose. Le musée a disparu. Les tableaux se sont envolés ou ont été confiés à d’autres musée. Le Rosier a été supplanté par la rosière. Comme quoi les bons sentiments ne sont pas toujours préservés par la puissance publique ; Le jour où Bertal en a rêvé est révolu. Mais c’est une autre histoire

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cette publication a un commentaire

  1. JJM

    J’attendais la fin de ce magnifique récit avec impatience,désireux d’en connaitre l’issue heureuse pour la cité de Créon. Dommage car le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort.

Laisser un commentaire