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Le temps presse pour sauver le journalisme

La pression sur les médias s’accentue chaque jour un peu plus. La constitution de groupes gigantesques pilotés par des milliardaires cherchant non pas à servir l’information mais de s’offrir de la déformation utile à leurs intérêts trouve son application quotidienne. Le dernier rachat conduit par le groupe CMA CGM propriété du milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé a annoncé avoir signé une promesse d’achat en vue de l’acquisition de 100% du capital d’Altice Media (BFMTV, BFM Business, BFM Régions, RMC Story et la radio RMC). Un achat qui suit des annonces de profits exceptionnels durant la crise sanitaire.

«Cette opération permettrait au Groupe CMA CGM de constituer sur le long terme un Pôle Media de référence avec des contenus d’information, de sport et d’entertainment et dont le projet éditorial, porteur de pluralisme, d’indépendance et d’éthique journalistique, serait tourné vers les grands enjeux de transformation économique, sociétale et territoriale.», précise l’armateur français. Cette acquisition serait réalisée conjointement par le Groupe CMA CGM et par Merit France, à 80% et 20% respectivement, sur la base d’une valeur d’entreprise d’1,55 milliard d’euros. Réputé proche d’Emmanuel Macron, Rodolphe Saadé dispose offre ainsi un canal direct avec le président.

Tous les grands médias sont désormais entre les mains de groupes financiers dirigés par des patrons dont les objectifs politiques ne font aucun doute. Lentement mais inexorablement le monde du profit apporte une assise aux idées de droite ou d’extrême-droite, annihilant toute véritable invitation au débat. Une commission de l’Assemblée nationale se penche actuellement sur le respect de la pluralité sur les chaînes de télévision mais elle oublie l’essentiel : la main-mise sur les rédactions de personnalités n’ayant absolument aucune éthique ou aucun scrupule à intervenir dans le traitement de l’information.

Le Premier des Ministres aurait téléphoné au patron d’une chaîne de télé-perroquets pour se plaindre d’un bandeau de sous-titre qu’il estimait défavorable. Une démarche qui s’est accompagnée d’une menace redoutable formulée au directeur : « tu ne viendras plus déjeuner avec moi à Matignon ». Une terrible punition puisque c’est en général lors de ces repas « officieux » que les rédacteurs en chef apprennent les fameux « dessous » de la vie politique. Ils épatent leurs subordonnés et prennent des notes pour écrire des bouquins démontrant qu’ils étaient dans la confidence sur de nombreux sujets dont… ils n’auraient rien dit !

Un nouvel épisode est encore plus révélateur de cette connivence voulue par les propriétaires entre pouvoir politique et pouvoir médiatique. Pour un titre jugée injurieux pour le « maître des sorties improvisées » sur le terrain, le directeur de la rédaction du quotidien La Provence a été mis à pied. Il aurait simplement validé un titre «  il est parti et nous on est encore là ! ». Jugée scandaleuse cette phrase qui ne reflète que la réalité a agacé l’armateur ayant la main sur ce journal a été fatale à un professionnel n’ayant fait qu’honnêtement son métier.

aurélien Viers a été « mis en retrait » pour une semaine, dans l’attente d’un entretien préalable à un licenciement qui devrait se tenir mercredi prochain. La rédaction a immédiatement convoqué une assemblée générale des salariés. La participation au scrutin a atteint 78 % ; 79 % des votants se sont prononcés pour une « grève illimitée à compter de ce vendredi 22 mars. » Une saine réaction qui n’a pas été endiguée par la précision apportée par les responsables du groupe.  Audrey Letellier, déléguée syndicale au SNJ. A résumé une situation scandaleuse : «Ça n’est pas juste la Provence que cela concerne, mais la liberté de la presse en général». Et il faut la croire.

Une commission parlementaire devrait auditionner aussi les patrons de ces holdings qui rassemblent presse écrite, radios nationales, télévisions diffusées sur la TNT. Comme pour la télé sous surveillance pour les dérapages volontaires ou pour des refus d’inviter un tel ou un tel…il devrait ya avoir une autorité susceptible de prendre en compte ce type d’interventions indiscutablement orientées. Il n’y aura plus bientôt que des journalistes cireurs de pompes ou se soumettant à une autocensure constante par peur de perdre leur job.

La précarité règne dans le milieu du journalisme rendant l’exercice du métier extrêmement difficile. Le nombre de pigistes détenteurs de la carte de presse a augmenté de 145 % en dix ans (1980 à 1990), contre + 60 % pour le nombre global de journalistes. La proportion des pigistes dans le total des journalistes croît sans cesse : elle est de 8 % en 1960, passe à 9,6 % en 1980, à 14,7 % en 1990 et à 16,8 % en 1995. Et ces chiffres minimisent la précarisation : un nombre croissant de journalistes, n’ayant pas le revenu suffisant, n’ont pas la carte de presse et ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques de la profession. L’évolution est inquiétante mais dans le fond les citoyens ont l’information que mérite leur indifférence.

Cet article a 6 commentaires

  1. christian grené

    Il est loin le temps où Jean-François Lemoîne dirigeait « Sud-Ouest » comme un journaliste et non comme un affairiste. Nous avons eu la chance, Jean-Marie, de travailler au service de cet homme qui avait pignon sur la rue de Cheverus où s’est installé désormais un centre commercial. Pas étonnant qu’on retrouve des salades aujourd’hui dans le canard…

  2. J.J.

    « Il est parti et on est toujours là  »
    Il , on sait de qui il s’agit, mais le NOUS, qui désigne t-il ?
    Dans ma grande naïveté, je pensais que le « nous » désignait la population locale, toujours dans la m… après le passage du petit sachem, ce qui re constitue qu’une banale constatation.. Apparemment d’autres ont pu en juger autrement, ou encore, « qui se sent morveux … ».

    Anastasie a semble t-il encore frappé. Dans ma revue de presse quotidienne, la plus large possible , de l’Huma au Figaro (je consulte rarement Valeurs Actuelles ou le nouveau JDD, faut pas exagérer !) j’avais inclus RT, qui a ma grande surprise ne semble pas diffuser davantage de propagande que les journaux occidentaux. Maintenant il ne diffuse plus rien, Censuré ! Ah mais (à moins que la diffusion soit victime d’une opportuniste panne.

  3. facon jf

    Bonjour,
    Le programme du CNR, adopté en 1944 sous le nom « Les jours heureux », annonçait notamment « la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression, la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères, la liberté d’association, de réunion et de manifestation ».
    Ce programme est la principale source d’inspiration des ordonnances de 1944.
    La liberté des médias est un bien précieux qui constitue l’un des fondements de notre démocratie. déclare solennellement la la commission d’enquête sénatoriale relative à LA CONCENTRATION DES MÉDIAS EN FRANCE
    Depuis la loi du 29 juillet 1881, la presse jouit en France d’un statut spécifique qui reconnaît son rôle éminent pour la vitalité démocratique du pays. Les entreprises de médias sont soumises à des règles particulières et à une régulation dont le principe fait toujours l’objet d’un large consensus depuis la loi du 30 septembre 1986.
    Pour autant, leur modèle économique a été profondément bouleversé ces dernières années, au point de susciter des craintes quant à leur capacité à faire vivre le pluralisme et notre souveraineté culturelle.
    Comme on pouvait le craindre la montagne ( pas le journal) a accouché d’une souris. Aucun progrès ( pas le journal) à attendre sur le contrôle des merdias par les milliardaires.
    Les milliardaires apatrides Saadé (franco-libanais) s’approprie les jouets de Drahi ( franco-israélien) profitant du début d’effondrement de la pyramide de Ponzi injustement nommée empire Drahi.
    Et au milieu de la bataille un journaliste se retrouve entre le marteau et l’enclume, sans doute tiraillé entre sa conscience et l’esprit d’entreprise (hihi!) ce benêt a commis un irréparable outrage au Méprisant.
    Déjà en 2014, juste avant son décès, Benoît Duquesne ( chargé du magazine complément d’enquête) subissait de fortes pressions de la part de LVMH alors que le journaliste Tristan Waleckx travaillait sur Bernard Arnault et son empire industriel pour Complément d’enquête. Le livre de Jean-Baptiste Rivoire, L’Élysée (et les oligarques) contre l’info (Les Liens qui libèrent, 2021) éclaire d’une lumière crue les méthodes barbouzardes de la famille Arnault ·
    Si on ajoute au tableau que le milliardaire Niels (l’OBS, Le Monde, La Vie, Télérama, Courrier international) est marié avec la fille de Bernard Arnault (Le Parisien, Aujourd’hui en France, Les Échos), le tableau prend forme. On peut rappeler aussi au passage que Delphine Arnault épouse Niels habille gracieusement en Vuitton Brigitte Trognieux épouse Mac-Ronds. Pour être complet on peut aussi dire que Yannick Bolloré PDG d’Havas fils du breton Vincent Bolloré ( Canal +, Cnews, C8, Télé Loisir, Gala, GEO, Capital, Voici, Femme Actuelle) et de Sophie Fossorier a épousé Chloé Bouygues, nièce de Martin Bouygues( TF1). Le « grand » monde est bien petit.
    Yannick Bolloré a cofondé la société de production H2O Productions avec l’animateur Cyril Hanouna, étonnant non?
    Les citoyens peuvent-ils compter sur les syndicats de presse ou sur l’esprit confraternel des journaleux? hélas non, lorsque le reporter indépendant Taha Bouhafs a filmé Alexandre Benalla, adjoint au chef de cabinet du président de la République Emmanuel Macron, étranglant puis frappant à terre deux manifestants, ses collègues se sont désolidarisés et le qualifient de « journaliste militant » ou d’ « activiste ».
    Alors que reste-t-il aux citoyens pour s’informer en dehors des merdias officiels? Il ne reste aujourd’hui que les supports alternatifs d’internet faisant de la réinformation. Pour contrer ces sources, les journaux de Niels ont tenté de discréditer les alternatifs avec les opérations décodex du journal le (im)Monde et autres prétendus décodeurs du journal l’ aberration, pardon je voulais écrire Libération. Heureusement le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton s’emploie à Bruxelles pour faire taire les vérités qui dérangent.
    « Une presse n’est pas vraie parce qu’elle est révolutionnaire. Elle n’est révolutionnaire que parce qu’elle est vraie. »
    Albert Camus
    Bonne journée

    1. J.J.

      « l’ aberration, pardon je voulais écrire Libération. » On trouve aussi l’Immonde, le Pasrisou, l’Aureur, etc..
      Il y a aussi le Gorafi, mais c’est une autre histoire.

      « Le programme du CNR, adopté en 1944 sous le nom « Les Jours Heureux »
      Le CNR, une horreur absolue à abattre, dont les initiales ont été honteusement reprises pour baptiser le « machin », tenant de l’usine à gaz et de la coquille vide, du nom de « conseil national de la refondation »(avec ses gros sabots, dondaine).

  4. Gilles Jeanneau

    Merci facon jf pour ces petites histoires qui expliquent l’Histoire… et tout ce qu’on ne sait pas.
    Bonne journée quand même aussi

  5. Alain.e

    Tant qu’il n’y a pas d’ OPA sur roue libre , nous pouvons lire tranquille….
    Si j’ étais né plus tôt , j’ aurais pu me lever à l’ Aurore pour lire le Matin , ou l’ inverse , mais dans ce monde pas diplomatique , je lisais le Canard ,celui enchainé évidemment .
    Un jour , à une noce dans le sud-ouest, j’ ai consulté le Figaro avec mon pote Charlie .
    Avec ce qu’on lit , on a envie de se faire Hara kiri des fois .
    Merci à Facon jf pour ce complément d’ infos , seul bémol , Taha Bouhafs condamné pour injure raciale envers Linda Kébab.
    Cordialement.

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