Certains parlent de privatisation outrancière des services anciennement publics de notre société sous la pression du monde du profit européen. Depuis l’entourloupe démocratique de l’adoption du traité constitutionnel contre le résultat de la consultation par référendum, tout a été mis en œuvre pour que des pans entiers de ce qui constituait le patrimoine des plus faibles, soit transformé au nom de « la concurrence libre et non faussée ». L’exemple parfait de cette mutation surgit avec l’annonce faite par le groupe Korian sur l’entre-Deux-Mers de l’EHPAD de Sauveterre de Guyenne. Quand on décortique l’opération, le constat est implacable : la rentabilité du quatrième âge exige que l’on efface la dimension humaine d’une décision.
Pour comprendre le système actuel de l’exploitation de la dépendance il est indispensable de se pencher sur le fonctionnement des structures d’accueil des personnes qui en relèvent. Ainsi il existe synthétiquement trois types d’EHPAD : ceux qui ont le statut d’établissement public médico-social ; ceux qui sont gérés par des structures relevant de l’économie sociale et solidaire à but non lucratif sur la même base ; ceux qui relèvent de groupes privés à but lucratif pouvant être conventionnés ou non avec les autorités de tutelle. Les résidents ont des statuts et des tarifs bien différents selon le mode de gestion de leur lieu d’accueil (en Gironde on va de 2 000-public- à 4 000 €-privé intégral).
Pour ouvrir un EHPAD il faut obtenir l’attribution conjointe de « lits » par l’Agence Régionale de Santé (secteur médical) et le Conseil départemental (secteur social). Une structure entièrement privée n’ayant pas officiellement le statut d’EHPAD n’a pas à obtenir ce type d’autorisation et fixe librement ses tarifs et ses modes d’accueil. iLs fleurissent sous des appellations diverses par des appels à investisseurs plaçant de l’argent sur la dépendance.
L’importance dans ce processus reste donc l’attribution des « lits » conventionnés par les autorités de tutelle. Elle permet de revendiquer un « forfait soins » de l’ARS et la prise en compte de l’aide du Conseil départemental aux personnes dépendantes par l’Allocation personnalisée d’autonomie ou l’aide sociale s’il y a agrément sur un certain nombre de places. Or en Gironde sur la base de statistiques par habitant l’ARS n’accorde plus depuis des années de création de nouveaux lits offrant ainsi aux bénéficiaires antérieurs une valorisation de leur porte-feuille. Inutile de se voiler la face c’est pour des problèmes de financement du fonctionnement que cette mesure est appliquée : plus de sous pour l’hébergement (c’est valable pour le handicap aussi) et donc pas de création de places.
Le service public ne réalise aucune plus-value sur leur « patrimoine » mais par contre le secteur de l’ESS (ça existe) ou du privé peuvent jouer avec les lits en les « vendant » au plus offrant. Il est possible par exemple de d’acheter des lits à titre d’investissement avec des taux de rentabilité de 5 à 7 %. Bien évidemment le niveau de profit n’est pas le même selon le secteur d’implantation de l’établissement. D’où le tentation de déplacer les places « officielles » et de créer des marges plus fortes en installant des structures de grande taille (80 lits minimum) et en réduisant au maximum les coûts de fonctionnement. On a vu dans le livre « Les Fossoyeurs » (1) les conséquences de ces pratiques au sein du groupe ORPEA.
A Sauveterre la taille de l’EHPAD n’est pas jugée suffisante pour dégager un profit et même éviter un déficit. Juste avant les dernières élections municipales le groupe exploitant a donc annoncé avoir obtenu le « transfert vers d’autres établissements » de la Rive gauche de la Garonne de la quarantaine de lits exploités en Entre-Deux-Mers ce qui de fait, génère la fermeture du lieu d’accueil actuel pour « restructuration » putative. L’arrêté d’autorisation entraîne en effet le déplacement des résidents actuels recrutéslocalementet la perte de 23 emplois de proximité en zone rurale. Inutile de préciser que dans le monde du profit ces paramètres se règlent avec des artifices financiers ou réglementaires (primes, abbatement de tarifs pour ceux qui acceptent le transfert, reclassement…)
Dans le vase clos d’un territoire départemental de plus en plus concerné par un nombre croissant de personnes âgées dépendantes, cet événement démontre fort bien que dans tous les domaines il ne sera pas possible de maintenir longtemps le principe de la non-ouverture de lits « publics ». L’option du maintien à domicile si elle est à développer aura toujours ses limites notamment pour des maladies type Parkinson ou Alzheimer.
Encore une fois toutes les politiques sociales se confrontent dans le contexte actuel sur le mur de l’argent. En étranglant le service public (restrictions budgétaires) en clamant que la solution c’est le maintien au domicile dans des conditions parfois déplorables en milieu rural, on va vers le renforcement des diktats du privé lucratif.
Les investissements publics sont en panne mais surtout les plans successifs de globalisation des budgets du médico-social rendent les fonctionnements problématiques alors que dans le non-lucratif sans contraintes ce n’est même pas à l’ordre du jour. En fermant des accueils accessibles en milieu rural jugés non-rentables il renforce le déménagement du territoire et prive des personnes ayant des revenus modestes de tout espoir réel de finir leur vie en sécurité dans la proximité de leur ancien lieu de vie.
Une manifestation se déroulera ce samedi 7 octobre à 10 heures sur la Place de la République à Sauveterre de Guyenne. Elle dépassera largement le « cas » local car elle posera le vrai problème d’un système libéral qui navigue à vue en profitant de la moindre défaillance du politique. Le chantage à la rentabilité n’en finit pas de progresser au détriment de l’Humain.
(1) Les Fossoyeurs Editions Fayard
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C’est une évidence. Les investissements publics ne sont plus présents. Après avoir donné lors du COVID des sommes importantes dans cette politique du « quoi qu’il en coûte » en le prenant à crédit sur le budget de l’État déjà bien endetté. Il est difficile d’allouer aux départements les aides nécessaires au soutien des personnes âgées dans le cadre de l’APA ou de la création d’établissement public piloté par l’ARS. La porte reste donc grande ouverte au privé et au monde associatif qui optimise ses établissements pour en tirer le meilleur profit. Les restrictions imposées au personnel de ses établissements sont inimaginable pour les familles. Notamment le coût des repas minimisé au maximum. Un autre exemple ,les horaires . Pour ne pas multiplier les emplois , les repas du soir sont servis à 18h00. Et ils sont très légers. Vous comprendrez bien qu’apres une nuit de sommeil et un repas aussi léger,les résidents ont une faim importante. Mais contrairement à leurs besoins, le petit déjeuner n’est pas très important. Quelques biscottes constituent souvent avec la boisson chaude l’unique réconfort de leur estomac.Le repas du midi va t’il compenser cela. C’est moins sûr. Quoique pour garder un poids constant, les cuisines ajoutent de l’huile dans les plats sans trop de retenu. L’huile ne coûte pas cher. Le personnel constate au quotidien tous ces manquements aux soins pourtant élémentaire mais se tait pour garder son emploi. Quand à l’ARS, elle prévient les établissements à l’avance de leur visite pour contrôler le bon fonctionnement de ceux-ci. Vous pensez bien qu’un soin particulier est apporté ce jour là et uniquement ce jour à l’établissement contrôlé. C’est L’ARS l’organisme de contrôle de L’ÉTAT.Il a la main sur l’attribution des lits et du personnels soignants. Car le personnel suivant sont emploi est financé différemment. Pour le personnel soignant (aide soignante, infirmière),c’est l’ARS qui finance. Pour le personnel administratif,c’est l’établissement qui paye.Pour le personnel d’entretien,c’est l’établissement qui paye. Pour le personnel en cuisine, c’est l’établissement qui paye. Il y a donc un pan important de personnel sur lequel la variable d’ajustement est possible directement. Pour le personnel soignant,c’est l’ARS qui décide du ratios par résident. Le foncier est souvent cédé pour l’Euro symbolique par les villes . Car c’est un moyen de maintenir de l’emploi local et de dynamiser autour de cet établissement les services liés aux fonctionnement normal de celui-ci. Les services apportés par les masseurs kinésithérapeutes et les médecins référents sont indispensables. Tout le milieu médical est concerné par cette activité importante apportée lors de l’implantation d’un EPHAD.Il y a aussi les artisans de proximité à même de porter leurs contributions au bon fonctionnement technique de l’établissement (plombier, électricien,etc…). Un établissement EPHAD est donc une entreprise très importante au sein d’une ville et cela d’autant plus en milieu rural car elle permet de maintenir tous les services de proximité pour les habitants grâce à l’activité économique qu’elle génère.Mais le dieu rentabilité est là où toutes ces notions disparaissent au nom du profit.
« Une structure entièrement privée ne s’appelant pas officiellement EHPAD n’a pas à obtenir ce type d’autorisation et fixe librement ses tarifs et ses modes d’accueil. »
C’est ça qu’on appelle « concurrence libre et non faussée » ?
« Quand à l’ARS, elle prévient les établissements à l’avance de leur visite pour contrôler le bon fonctionnement de ceux-ci. Vous pensez bien qu’un soin particulier est apporté ce jour là et uniquement ce jour à l’établissement contrôlé. » …comme lorsque les autorités militaires étaient prévenues que le gégène allait venir en visite. La soupe est bonne !
Du traitement calamiteux des enfants dans les crèches, à la maltraitance scandaleuse des résidents des établissement pour personnes âgées, entre autres attaques à l’intérêt des citoyens, on prend vraiment conscience que la catastrophe humanitaire annoncée par le traité de Lisbonne, refusé par une majorité de français et approuvé par d’autres pays qui n’ont pas pris la peine de consulter les citoyens(pas de risques inutiles), se réalise sur un axe vertical selon des plans bien établis.
Un seul but, et qu’importent les moyens : rafler le pognon.
Je comprends que Christian n’ait pas fait d’humour ce matin. C’est bien trop triste ce sujet parfaitement exposé et complété par les deux commentaires postérieurs…
Et j’ai bien peur que la manif en vue pour sauver l’EPAHD de Sauveterre ne suffise pas!
Allez bonne journée quand même.
Bien vu, Gilou!
Amitiés lycéennes
Qui sème le vent récolte la tempête ! Cette expression biblique exprime bien ce que nous sommes en train de vivre.
Nous, du 3e âge et plus, avons du souci à nous faire… depuis que les responsables politiques ont fait le choix d’abandonner le service public des EPAHDS aux ogres de la finance… Korian et autres compagnies! Quand la soupe est bonne, les convives sont nombreux… Je mesure les risques que je prends à vivre trop longtemps ! Mais on arrête pas facilement « una guerrillera »!
Bonsoir,
la prison de retraite le cauchemar de mon avenir, que voit-on en arrivant à la prison de retraite? Le portail avec ses digicodes. Que voit-on lorsque l’on pénètre dans la prison de retraite ? des fauteuils roulants dans TOUTES les chambres c’est pratique pour déplacer sans perte de temps les vieux comme des encombrants! Pas de chance pour ceux qui ont encore leur mobilité trop lente et coûteuse pour l’institution… Mais pas de soucis comme ils ne sollicitent plus les organes locomoteurs ceux-ci régressent immanquablement et le fauteuil roulant devient indispensable. Et les séances de kiné c’est pas pour les chiens!
Depuis que je visite toutes les semaines mon voisin (qui a 97 ans) je mesure à chaque fois un peu plus la privation de liberté que subissent les résidents. Par un quasi miracle et l’aide bénévole de proximité mon voisin a réussi à échapper au confinement répressif des prisons de retraite pendant la COVID . Comment expliquer le contournement des principes constitutionnels par des directeurs d’institutions qui décidaient du droit de visite pour les vieux pensionnaires ? Tout cela est un véritable scandale qu’aucun politique n’a eu le courage de dénoncer!
La nourriture est un problème récurent et il n’est pas rare que dans les établissements les horaires de visites n’incluent pas les horaires de repas. Ce n’est pas un hasard!
Comment peut-on expliquer qu’un(e)e nutritionniste soit rémunéré(e) et que les diabétiques ont exactement le même repas que les autres ? J’ai personnellement posé la question au personnel soignant et la réponse a été » on préfère que les diabétiques aient un taux élevé ça les protège d’une anémie » défense d’éclater de rire!!
Tout est du même tonneau! Des études récentes ont révélé que de nombreux résidents d’EHPAD reçoivent des traitements inadaptés à leur état de santé. Un constat troublant qui soulève de nombreuses interrogations. Les chiffres sont éloquents. Selon une étude récente, près de 50% des résidents d’EHPAD seraient concernés par la surmédication. Un chiffre alarmant qui témoigne de l’ampleur du problème.Déclare prudemment SOS ehpad.
Je serai moins prudent en écrivant ici que les professionnels libéraux opérant dans les établissements considèrent plus la rentabilité que l’intérêt des résidents. Et puis c’est tellement plus confortable lorsque les vieux « râleurs » dorment dans le fauteuil roulant, ça fait désordre d’entendre geindre aux heures de visites. Je sais je pousse la mémé un peu trop loin et pourtant… Où est passé le consentement éclairé du patient à refuser un traitement? Certainement pas dans la course effrénée du personnel soignant comprimé ( c’est le mot) par le manque de personnel. Ni dans le dialogue avec le médecin qui signe les ordonnances à la chaîne sans même voir les personnes concernées.
TOUT dans ces établissements public ou privé est géré en terme de rentabilité.
TOUT est à revoir dans ces institutions et ce n’est pas qu’ une question d’argent.
Dans notre (beau) pays la corruption est partout et elle lézarde murs et fondations de nos institutions. Pas de problème nos gouvernants vont terrasser les punaises de lit ! Manquerait plus que les touristes boudent les JO.
Dormez bien braves gens le guet veille.