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Le cheval ami de consommation et de passion

Le cheval s’installe lentement dans notre société comme l’animal préféré de toutes les générations. Des milliers de jeunes et de moins jeunes fréquentent les centres hippiques pour des stages, des randonnées, des raids… La passion pour le meilleur ami de l’Homme ne cesse de grandir alors qu’on la croyait oubliée devant la prise de pouvoir du cheval ayant des vapeurs ! Il fut durant des siècles le compagnon indispensable à la vie quotidienne, avant d’être peu à peu sacrifié, au nom de la rentabilité, de l’efficacité et de la rapidité.

Qu’il soit de labour, de trait ou de combat, il avait une vocation utilitaire lui valant l’estime et l’affection de ceux qui l’utilisaient ou parfois l’exploitaient. Mon grand-père travaillait encore ses vignes, il y a une soixantaine d’années, avec l’un de ces partenaires de labeur dont on conserve un souvenir ému. Il l’aimait avec le respect que l’on doit à ceux qui vous permettent de survivre et rien n’était trop beau pour ce travailleur infatigable.

Mon père n’aimait pas évoquer le pire moment de son existence : la mort accidentelle de « son » cheval sur la voie ferrée, au lieu-dit Lhoste Blanc, à Créon, tué par le train. Cette disparition, alors qu’il était encore adolescent et qu’il s’échinait à seconder ses parents dans les travaux de la ferme, l’avait plongé dans un profond désespoir. Impossible de lui tirer la moindre précision sur cet épisode douloureux qui avait rompu une vie commune extrêmement proche, même fusionnelle.

On exigeait beaucoup de la robustesse du tireur solidaire de charrue ou des duos qui « défonçaient » un sol lourd et collant. Il était admis que la « bête de somme » puisse tirer sans barguigner des charrettes débordantes de foin. Il lui fallait ensuite beaucoup d’abnégation et de docilité pour permettre au vigneron d’effectuer la tâche la plus méticuleuse qui soit : le « décavaillonnage » consistant à retirer entre les ceps de vignes la terre laissée par le « déchaussage ». Les rênes autour du cou, les deux mains sur les manilles d’une charrue légère, le « pilote-acteur » devait se faire obéir au son de la voix par son « partenaire », en prenant soin d’éviter de sectionner un précieux pied d’un cépage  noble et prometteur…

Pour avoir eu à pratiquer ce genre d’exercice comme conducteur de tracteur, rarement mais suffisamment pour avoir été marqué par l’habilité qu’exigeait la tâche, je peux assurer qu’il fallait une qualité exceptionnelle des liens entre le cheval et l’homme pour mener à bien cette tâche estivale ! Depuis quelques années, on redécouvre dans les grands crus les bienfaits de ces travaux pas très « chevaleresques » car basiques et ingrats… Drôle de revanche pour des « canassons » méprisés durant des décennies et qui redeviennent « des héros de la viticulture raisonnée ». Un comble !

Si les enfants, (majoritairement les filles) ont tellement de passion pour les poneys ou les chevaux, c’est qu’ils trouvent une alternative à cette société déshumanisée dans laquelle le « contact » physique est prohibé. Un rapport de confiance, un partage obligatoire, une osmose temporaire, conduisent à un bonheur particulier, celui que l’on éprouve lorsqu’ existe la confiance réciproque.

Le secret du rapport entre les chevaux et les hommes repose en effet sur la capacité qu’ont les seconds à respecter les premiers, à ne jamais les humilier, à toujours travailler sur le plaisir pour estomper la contrainte. Il ne faut jamais être indulgent (e) à l’égard de ces pervers qui se prennent pour les maîtres du monde en imposant leur vision de la vie par la force. Les équidés le sentent et le savent ! Le croire, c’est déjà se sentir heureux d’être parmi eux !

De plus en plu rarement une odeur oubliée me ramène à ma réalité : le crottin ! Une «madeleine » odoriférante pour un e enfance heureuse dont l’instant privilégié rarissime consistait à monter sur le dos du brave « Pompon », ravi, j’en suis certain du bonheur qu’il donnait aux enfants  et qui le changeait des efforts obscurs qu’on lui demandait.

Dans le roman « Les 9 vies d’Ezio » j’essaie de faire partager ce rapport privilégié entre une femme seule et ses enfants avec Nero, un robuste équidé qui comme le racontait le héros de ce parcours d’immigré italien « les avait empêché de mourir de faim » en l’absence du père parti à la guerre. Le cheval est devenu un animal de luxe, sélectionné, amélioré, admiré comme les vedettes des salons de beauté.

Il n’occupe parfois une place de choix éphémère dans la vie des cavalières ou des cavaliers. On compte officiellement 1 024 000 équidés en France dont : 68% de chevaux de selle et de poneys ; 18% de chevaux de trait et d’ânes ; 14% de chevaux de course.Tous n’ont pas le privilège d’avoir quelqu’un qui leur murmure à l’oreille des mots tendres.

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Cet article a 5 commentaires

  1. christian grené

    M’sieur, j’avoue ma faute. Je me suis beaucoup moqué au travail de mon vis-à-vis: l’inénarrable Ducrottin, Un héros de 39-45, si j’en crois l’honnête André Noguès, distingué journaliste d’une fine équipe à laquelle tu as appartenu cher Jean-Marie.
    Ce Ducrottin aurait été de la bataille de Monte Cassino. « Sud-Ouest » en a fait un « Mystero », le pronostiqueur des pages épiques. Euh!.. hippiques.

  2. Gilbert SOULET

    Bonjour à tous et Merci Jean-Marie !
    Cette passion du cheval me conduit à vous inviter à venir galoper en Camargue au coucher du soleil sur un cheval blanc, au coeur d’une nature sauvage, les sabots dans la mer.
    Gilbert de Pertuis au bord de la Durance et à 50 km de la mer, ou même de venir, porte du Luberon, dimanche 17 septembre pour la bénédiction des chevaux sur le parvis de l’Eglise.

  3. J.J.

    Pompon ! Le nom du cheval par excellence.
    Il y a longtemps que certains ont regretté la disparition du cheval dans l’agricultures. Je me souviens d’une relativement vieille image où l’on voit un agriculteur saintongeais, penché sur le moteur récalcitrant de son tracteur qui déclare : « Du temps d’Pompon o y avait d’besoin d’y buffer dans l’ghiclleur ». Traduction : « Du temps de Pompon il n’y avait pas besoin de lui souffler dans le gicleur.  »
    Comme je ne suis pas vraiment au courant des progrès de la mécanique agricole je me demande si les tracteurs ont encore des gicleurs(peu probable avec le gaz oil, probablement des injecteurs), et si le échéant leur utilisateurs peuvent y accéder.

  4. François

    Bonjour J-M !
    Si le chien partage avec le cheval la place de meilleur ami de l’Homme, le grand quadrupède herbivore est certainement la plus noble conquête de l’ homo sapiens comme Lascaux nous le rappelle.
    Tes remarques sur l’attachement de ton grand-père envers SON cheval font émerger de beaucoup de cranes blancs aux yeux embués, qui ont connu cet animal de la ferme, des souvenirs familiaux… avec nos excuses pour les lecteurs de la ville ! ! !
    Et oui, Mesdames-Messieurs les J.A. : qui abandonnerait un instant le repas de famille ou entre copains pour aller donner une fourchée de luzerne ou de regain au compagnon de labeur ? Certes, une fois la clé de contact tournée, les chevaux-vapeurs s’endorment sagement pour le week-end … à moins que, le lundi … la carte informatique … ! ! !
    Mon grand-père s’était fait un honneur pédagogique pour m’apprendre à treize ans comment harnacher le cheval : «Ça te servira, petit (sous-entendu, tu vas m’économiser mes rhumatismes !) ».
    Je ne sais point si vous connaissez le poids d’un collier ( Non, Mesdames, rien à voir avec le bijou ! ! !) à placer sur les épaules de l’animal … quand celui-ci n’en veut pas ! Quant au mors et aux harnais en gros cuir … vraiment une bricole ! ! !
    J’avoue avoir pris du plaisir à travailler avec Tarzan en apprenant l’effort mais aussi le dosage de l’effort car le respect du serviteur demande des pauses !
    C’est peut-être ce qu’a ressenti envers moi cette jument de Lescun. Libérée après avoir reçu des soins de sabot, elle vint droit sur moi ( à 50 m!) … chercher une friandise automnale. Mon sac de rando s’allégea d’une pomme coupée en quatre et servie dans la main à plat … pour ne pas être mordu !
    Le lendemain, en parcourant le sentier d’ Ansabère, un hennissement perça la forêt : c’était Elle !
    Merci Tarzan pour ce que tu m’as appris !

    Amicalement

  5. Gilbert SOULET

    Bravo François,
    Très joli billet souvenir.
    Gilbert de Pertuis qui se souvient du détachement du cheval de l’écurie pour qu’il se rende seul à l’abreuvoir rejoindre les autres …

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