Incontestablement été après été, les étoiles montantes de la fête deviennent les « rosés ». Il faut en effet utiliser le pluriel puisque désormais l’offre se décline de multiples manières allant même jusqu’à dénaturer totalement le concept de ce vin plaisir. Pour certains, il s’assimile à un blanc très légèrement teinté afin de s’adapter à la mode, quand d’autres tendent vers le clairet ancêtre historique du Bordeaux. N’empêche que dans les années futures la grande vedette de la période estivale risque bel et bien d’être l’eau. La vraie, la belle, la fraîche qui constitue un élément essentiel à la vie. Elle a perdu de son éclat durant les décennies précédentes car elle n’avait aucune attractivité économique. Ses substituts artificiels estivaux n’ont jamais effacé son importance et rapporte beaucoup plus.
L’eau nécessite un soin tout particulier. Elle participe au bonheur pourvu qu’elle soit utilisée à bon escient et au maximum de ses qualités. Par exemple, peu de personnes savent qu’associée à un Pastis elle elle joue un rôle essentiel ne souffrant pas la médiocrité. Selon la marque et le lieu, les préparatifs seront en effet différents. La pratique la plus classique consiste à mettre dans un verre spécial assez réduit pour concentrer les effluves d’anis, environ 10 cl de la matière première. Pas plus malgré les demandes des gosiers rompus au « jaune » ! L’eau placée au réfrigérateur dans une carafe en verre (et pas une bouteille en matière plastique) pour qu’elle soit fraîche, mais surtout pas glacée, sera versée à raison de deux à cinq fois (très grand maximum dans un grand verre !) le volume du Ricard.
Les puristes vous diront qu’il ne saurait être question d’utiliser l’eau du robinet mais une autre de source aussi simple que possible. Si l’on se contente de 20 cl toujours versés en premier il devient indispensable d’ajouter deux glaçons qui augmenteront l’ajout en fondant. Pas plus ni moins. Un pastis se déguste avec seulement cette dose de glace. Au-delà les parfums et l’arrière goût sont dénaturés. Il existe aussi un vision très élaborée de cette prise d’apéro consistant à mettre les verres au réfrigérateur à la même température que l’eau ce qui évite les glaçons. Il ne saurait évidemment question d’inverser le processus décrit ci-dessus en versant le Ricard dans l’eau. Une hérésie que seul parait-il seuls les gens du pays du pain au chocolat pratiqueraient par défi ou par ignorance.
Rares sont les enfants qui se contentent désormais d’un menthe à l’eau, d’une grenadine ou d’une citronnade. Il ne leur en vient pas l’idée puisque les tentations portent d’autre noms rabâchés par une publicité outrancière. L’artificialisation des goûts a atteint son apogée reléguant le plus naturel des breuvages à un rôle subalterne. Souvent au bistrot le seul verre d’eau que sollicitent les clients adultes, demeure celui qui accompagne leur café. Il arrive aussi que les cyclistes fassent une halte pour obtenir le plein de leur bidon afin d’étancher leur soif sur la route qui les attend. L’eau a perdu toute sa valeur sauf quand elle vient à manquer. Ce ne fut pas toujours le cas.
Lors de l’été 1971 dans un stage volontaire de formation à ce qu’à l’école moderne nous appelions « l ‘étude du milieu » j’ai probablement effectué la plus belle rencontre que l’on puisse faire avec un appréciable verre d’eau. Nous étions dans un village « perché » de la région de Vic Fezensac pour analyser le déclin de la population. Le maire nous avait ouvert les archives de la petite mairie de Roquebrune. Bien qu’au frais nous ressentions les effets d’une chaleur que l‘on qualifierait pas les temps actuels d’inflation verbale, de caniculaire. Gaston Laroque, un premier magistrat du cru d’une exquise gentillesse nous proposa d’effectuer une pause rafraîchissement. Il sortit à notre étonnement quatre verres et un seau.
Le septuagénaire se dirigea vers un puits installé sur la grande place enherbée dominant la vallée en nous demandant de le suivre. Il nous expliqua l’importance du lieu depuis des siècles durant les périodes troublées où le village avait été assiégé. En accrochant le seau luisant en aluminium au crochet du treuil il nous raconta que l’eau se trouvait à plusieurs dizaines de mètres de profondeur dans ce trou precé dans la roche par des ouvriers s’étant sacrifiés pour l’intérêt général. En se penchant au dessus de la margelle on devina au fond une « flaque » dans laquelle plongea bruyamment le récipient de collecte. Grâce à un grande roue, notre hôte le remonta lentement pour éviter d’en perdre l’essentiel. Au contact de l’air ambiant le seau se couvrit de buée.
Gaston nous ramena à la Mairie, sortit d’un tiroir de son bureau d’une autre époque, une fiole d’alcool de menthe Ricqlés. Il nous servit avec une grande précision un grand verre de cette eau pure qu’il agrémenta de trois gouttes de sa petite bouteille et nous invita à trinquer. »Goûtez-moi ça! » ajouta le « barman ». Le partage se révéla exceptionnel. Jamais une eau vivante et parfumée ne me parut aussi agréable ! Le puits de Roquebrune ayant sauvé tant de gens avait la force de la simplicité.
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…quand d’autres tendent vers le clairet ancêtre historique du Bordeaux…
« Quand je boys du vin claret… »https://youtu.be/E-3Cpy22-10
J’eusse écrit le même papier que mon maître d’école en y ajoutant un paragraphe: « Et si l’eau venait à manquer, mettez du rosé dans votre Ricard. Mettez le tout dans un thermos et direction la banquise où les icebergs ont désormais la taille de nos glaçons »…
@ à mon ami christian…
Pauvre banquise qui va disparaître… et nous avec !
En tout cas, il vaut mieux l’eau d’ici que l’au-delà!!!
Elle est usagée mais je l’aime bien.
Allez bonne journée quand même…
@ à mon ami Gilles…
Une chose est sûre… l’au-delà nous est promis…!