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Eté ou pas été : le plaisir de la friture de Dame Garonne

N’en déplaise aux admirateurs du poète chantant Charles Trénet, il n’y a pas que la mer qui affiche « des reflets d’argent » sous le soleil résigné à se coucher. Le large ruban de la Garonne qui frôle timidement en cette soirée d’été le petit port de Cambes, scintille comme si elle souhaitait effacer les jours où elle charrie le limon ocre de ses affluents d’Occitanie. Elle lambine, elle paresse, elle s’étire avant de filer vers la ville où elle passera en courant sous les ponts et le long des quais bétonnés. Ici le fleuve est chez lui. Il lui arrive même parfois de prendre ses aises au grand dam des riverains. Jugée capricieuse ou envahissante la Garonne sait aussi prendre son temps l’été venu.

Les « Garonnades » sont tournées vers le fleuve. Sur l’espace restreint de l’allée bien nommée de la Concorde, un nombre modeste de tables accueille les adeptes du premier soir de la… fin de semaine. Le vendredi vers 20 heures toutes les générations se rassemblent pour un bain de soleil jouant à cache cache dans les voiles d’un ciel de blancs moutons. Pas de musique outrancière. Pas de camions néonisés. Simplement quelques lieux pour des escales gustatives abordables avec comme principal atout, la simplicité.

Si bien évidemment le burger tient la corde et nécessite donc une patiente attente, la halte nautique de Cambes est la seule à accueillir le stand de la pêcherie Montillaud. Tout y est placé sous le signe du poisson ce qui est bien naturel. Impossible pour moi de résister aux barquettes d’éperlans frits ! Cette denrée devenue rare sur les marchés réservée aux amateurs de plats simples mais goûteux. Piocher du bout des doigts dans le méli-mélo de ce menu fretin dédaigné par les amateurs de bouffe standardisée m’offre un plaisir non dissimulé de retour à une vie authentique.

Un humble mélange d’ail et de persil pour seul condiment, ajoute au plaisir naturel du partage car ce sont des ajouts souvent oubliés dans la cuisine actuelle. Ce petit poisson au goût relevé et agréablement iodé à la chair blanche et fine bénéficie d’une réglementation de pêche protectrice et il devient rare comme tous les poissons du fleuve. L’occasion est trop belle de les croquer bien secs avec un verre de rosé des coteaux de Garonne.

S’il reste encore des bocaux de lamproie pêchée dans d’autres fleuves français, un nouveau venu a désormais ses adeptes. Le silure dont on connaît la voracité et la prolifération, termine en effet de plus en plus dans les assiettes. Proposés dans une gangue de pâte à beignets, des morceaux de ce que l’on appelle le poisson-chat méritent la découverte. Comme pour la lamproie il ne faut pas avoir en mémoire les images de ces monstres d’eau douce pour en apprécier leur chair raffinée méritant d’être bien relevée car elle reste originellement fade. Étonnant mais finalement agréable au palais. 

Rien que pour ces retrouvailles ou ces inédits, la soirée aux « Garonnades » vaut le détour. Les moules frites, la paella, les burgers complètent une offre n’ayant rien d’excessif dans les prix. Les crêpes bouclent le menu pour celles et ceux qui ont envie d’une touche de vacances supplémentaires sans souci pour leur ligne. On s’y retrouve dans la diversité des gouts, des saveurs, des odeurs ou des couleurs avec le fleuve pour témoin. Croire qu’il est indifférent à l’animation qu’on lui offre, relève de l’erreur. Il aimerait tant retrouver la vie agitée qui fut la sienne en ce port. Pour une fois que les hommes ne cherchent pas à le dominer, à le dompter, à l’utiliser et à le pourrir, il jubile !

Lentement le soleil abandonne le jour pour aller se réfugier derrière cette mer que certains contemplent en train de « danser le long des golfes clairs » ! Le port coule doucement dans une pénombre seulement éclairée par des guirlandes de bals populaires. La Garonne a perdu de son éclat. Elle attend d’être secouée par le mascaret qui la sortira mollement de sa torpeur dans la période actuelle de marées modestes. L’affrontement n’aura pas lieu. Lascive et anémiée par la sécheresse la « Dame » se résigne à ne jouer qu’un second rôle dans le film des vacances.

Serrées sur le nid douillet de l’ancienne cale de Cambes deux centaines de convives respirent et goûtent à un été paisible, loin des décibels triomphants et de la sophistication de cuisines venues d’ailleurs. Pourvu que les « Garonnades » ne grandissent pas trop vite ! Le clocher à quelques centaines de mètres rappelle que les villages ont un âme pour peu que l’on réveille de temps à autre l’envie de se retrouver qui stagne dans le cœur des gens n’ayant pas peur que le ciel leur tombe sur la tête, s’ils sortent de chez eux.

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Cet article a 9 commentaires

  1. christian grené

    Et dire que Michèle Perrein a reçu le Prix des Libraires 1973 avec « Le Buveur de Garonne »! A Jean-Marie Darmian, le jury de « Roue Libre » décerne son Prix 2023 pour « L’Ivresse des mots ».

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon ami christian qui ne boit pas que de l’eau…

      Je vous quitte pour un repas de mariage… Vous vous doutez que je ne vais pas boire que de l’eau… ! Pour mon chauffeur… Si, bonne conduite oblige !

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon ami Gilbert Soulet… dit de Pertuis…

      Toi 83… moi 84… On tient bon… !

  2. J.J.

    « N’en déplaise aux admirateurs du poète chantant Charles Trénet, il n’y a pas que la mer qui affiche « des reflets d’argent » sous le soleil résigné à se coucher.  »

    Mais voyons, Jean Marie, la Garonne est une mer, et même une double mer !
    Elle est, je ne t’apprends rien, les résultat de la confluence de la Gironde et de la Dordogne qui sont elles mêmes des mers, puisque le territoire qui les sépare avant leur union porte le beau nom d’Entre Deux Mers !

  3. Gilbert SOULET

    Oh, je rassure les sceptiques ! Il m’arrive de boire de l’entre-deux-mers en dégustant les coquillages du bassin de Thau ou ceux des environs de Marseille. Bien à tous, Gilbert de Pertuis

  4. ROCHER

    Notre fleuve GARUMNA en latin GARONA en catalan, occitan et basque est masculin
    Sans doute pour exprimer sa violence. Comme LE Rhône ou LE Rhin

    1. J.J.

      Sans doute comme chez nous, pour montrer la « dangerosité » de la bête, on ne dit pas une vipère, mais UN vipère.

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