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Eté ou pas été : la punition prévisible du roi soleil

Il y aura vingt ans dans quelques jours, la France fondait sous des chaleurs que l’on considérait comme exceptionnelles. La première apparition de la qualification de canicule apparaissait dans l’actualité. Elle était méritée tellement son utilisation antérieure paraissait galvaudée par rapport au niveau de température atteinte et plus encore de la durée du phénomène. En effet, durant le siècle passé, notre pays a connu des épisodes de fortes chaleurs comme par exemple lors de mon année de naissance en 1947. Nous avons toutes et tous des souvenirs sur ce que nous pensions être des événements exceptionnels mais qui ne sont pourtant jamais entrés dans l’histoire de la météo.

La chaleur appartenait à la vie quotidienne. Rien d’autre que des artifices naturels permettait d’échapper à cette montée de température que la radio qualifiait de « pics » ou « d’épisodes » hors normes. Toute la journée des statistiques, des records, des conseils basiques, des commentaires aux accents épiques ont inondé l’espace médiatique. Le réchauffement climatique prend forme. L’opinion dominante s’étonne de cette tropicalisation de l’hémisphère nord d’une terre qui brûle.

Sur la place centrale de Créon, rares ont été dans l’après-midi les candidats à la traversée. Même sous les couverts la fournaise frappait comme si elle se vengeait d’avoir eu par ces couloirs ombragés l’outrecuidance de chercher à l’éviter. Incontestablement la minéralisation de l’espace public a accentué l’effet cocotte minute. Au sol la température approchait les cinquante degrés et pas un soufflé d’air n’apportait un zeste de fraîcheur. Les modes d’urbanisation et notamment le choix des matériaux constitueront les sujets essentiels de l’avenir urbain. Il faudra des décennies pour démolir et réaménager sans garanti de résultat positif.

Les maisons en pierre de taille avec des carrelages artisanaux absorbaient une bonne part des humeurs du Roi Soleil. D’ailleurs lorsque les chiens s’étalaient de tout leur long dans les couloirs, les chais ou les caves la jugeote populaire identifiait un lieu opportun pour se mettre un tant soit peu à l’abri de la « canicule ». Leur instinct les guidait vers une protection simple que l’on est désormais obligé de rabâcher aux hommes dans des alertes, des communiqués, des spots télévisés et des mises en garde sanitaires.

Fréquenter l’astre solaire appartient en effet au standing d’une vie réussie. Que ce soit en allant le retrouver où il tape le plus fort à contre-temps ou en le captant au maximum de sa puissance quand il s’installe chez nous, la vacancière ou le vacancier cherche le label bronzage symbolisant les séjours réussis. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu autour de moi dans mes années limonade des gens soucieux du niveau ocre de leur peau. Les seuls qui affichaient des bras dorés jusqu’au plus haut degré appartenaient à la catégorie des travailleurs de l’extérieur. Souvent la trace parfaitement dessinée du « tricot de corps » ou du « marcel » ne rendait pas l’adepte de l’exposition solaire particulièrement élégant.

En revanche ce marquage attestait de la vaillance nécessaire de celui qui le portait. La mutation constatée révèle que le culte des apparences trompeuses a pris le dessus sur la sincérité du bronzage. Rentrer au bureau aussi « blanquignouse » ou « blanquignous » que l’on en est parti ne contribue pas à renforcer l’idée que vos vacances ont été réussies. La canicule complexifie simplement la consommation de soleil sur les plages et au bord des piscines. 

Marcher les pieds nus plutôt que dans des sandales en matière plastique ; me baigner en slip ou à poil dans un trou d’eau improbable de la Pimpine avant le pont de Sadirac ; boire les bouteilles d’eau pétillante des Lithinés sorties du puits où les avait plongées mon grand-père pour qu’elles soient aussi fraîches que possible ; souper en famille le soir dehors à la nuit tombée ; récupérer les fourmis volantes pour aller poser les pièges aux « batales » passereaux dont j’ignore le nom scientifique ; capturer les sauterelles dans les prés récemment fauchés ; boire un simple d’eau bien fraîche remontée du puits : autant de plaisirs que l’Homme et sa canicule grandissante ont condamné aux souvenirs.

Tout s’évalue non plus par le ressenti ou le bonheur procurés mais par la norme. La pratique de la résilience, nouvelle idée surgie des difficultés actuelles, a toujours existé mais elle était pratiquée sans le savoir. La canicule bouscule les certitudes alors l’opinion dominante cherche à la contourner par la technologie.

Tout aujourd’hui, partout où je suis allé la clim était à fond les gamelles. N’empêche que le « galopin » ruisselant de ma fin de matinée au Bar créonnais avait une saveur proportionnelle à la chaleur extérieure. Il avait même un goût de revenez-y, car pour respecter les conseils il me fallait éviter la déshydratation ! La canicule n’a pas que des inconvénients même si la quasi-totalité de l’étape du tour de France ajouté à la chaleur inhabituelle de mon fauteuil m’a fait suer ! Je ne me suis réveillé que pour constater qu’il ne fallait pas que sucer de la glace pour  s’approprier le maillot jaune soleil ! 

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Cet article a 3 commentaires

  1. Pc

    Dans ma maison en pierre plus que centenaire bordée côté sud d’arbres du même âge, il ne fait jamais plus de 25°. Pas besoin de clim donc.
    En d’autres temps, les grosses chaleurs d’été alternaient, environ tout les 8 jours, avec des épisodes orageux parfois violents mais assez rarement catastrophiques.
    Aujourd’hui on peut avoir plusieurs semaines de chaleur sans apercevoir le moindre nuage à l’horizon, qui peut encore contester le réchauffement climatique ?

  2. J.J.

    …notre pays a connu des épisodes de fortes chaleurs comme par exemple lors de mon année de naissance en 1947….
    Je m’en souviens très bien. Il y avait également eu une invasion de grandes sauterelles rouges ou bleues, venues en gros nuages d’outre Méditerranée , dont quelques unes se sont reproduites et ont survécu quelques années, mais ne se sont pas acclimatées.
    Peut être ta « sauterelle bleue » était elle une descendante de ces envahisseuses ?

  3. Laure Garralaga Lataste

    Par ces jours de canicule… j’ai une pensée pour mon cousin Frédo, architecte amoureux des « cortijos andaluces » qui a conçu ma maison… Pas besoin de climatiseur !… En été, les larges avant toits protègent les murs des rayons ardents du soleil. Résultat : 25° dans toute la maison.

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