Depuis des mois avec une assiduité seulement perturbée par les aléas estivaux, la bande de cruches sadiracaises ne se prenant pas au sérieux tente de monter une soirée destinée à récolter quelques subsides pour une action de solidarité de proximité (1). Venus de tous les horizons socio-professionnels ils se lancent dans une série de moments distrayants dont ils sont les actrices ou les acteurs. Il fut une époque où ces rendez-vous étaient fréquents dans la ruralité ou les quartiers. Ils constituaient même de véritables événements rassemblant un large public. Le théâtre, la chansonnette ou les sketchs y tenaient une place de choix.
Du « made in village » grâce à des amicales laïques, des patronages ou des associations théâtrales apportaient un zeste de culture populaire joyeuse et authentique. On attendait impatiemment de découvrir des personnalités locales dans des rôles inédits ou dans des postures comiques qu’elles assumaient sans aucun problème. En fait ces « spectacles » s’inscrivaient dans l’héritage séculaire des troupes de tous niveaux et de tous genres qui parcourraient le pays pour s’installer sur les places publiques les jours de foires ou de marchés.
Sur les planches d’une scène sans moyens techniques démesurés on retrouvait toutes les catégories sociales. Se produire en public reste un acte délicat dans une société des apparences et de artificialisation de tous les « produits culturels ». Il faut en effet affronter le regard et l’appréciation des autres. On apprenait dès le plus jeune âge ce qui constituait un apprentissage de la relation entre ce que l’on est capable de produire et un « public ». Les grandes kermesses avec leurs « séquences par classe », les groupes théâtraux dans les collège sou les lycées offraient des opportunités de se familiariser avec le spectacle.
A la fin du siècle dernier dans les écoles, des opérations de rassemblements grâce au chant choral ou la constitution d’orchestres ont permis de relancer la meilleure des sensibilisation culturelle, celle de la pratique collective. S’ils subsiste quelques lieux où se prolongent ces initiatives (1), la démarche a lentement disparu. Toute action solidaire en matière culturelle a cédé le pas au syndrome d’une éducation limitée à ce que l’on définit comme essentiel. La réussite artistique ne constitue absolument pas une priorité alors que toutes les études démontrent qu’elle génère une nette amélioration des résultats strictement scolaire.
Alors quand malgré l’âge et les soucis du quotidien, comme le font les « cruches », retraités, actifs, enfants se lancent dans l’aventure de la scène la crainte de l’échec plane. Comment peut-on attirer des spectatrices et des spectateurs hypnotisés par les écrans et obnubilés par les vedettes ? Comment persuader que tout ce qui relève du spectacle « vivant » avec ses imperfections a un intérêt pour le lien social ? Le contexte actuel n’incite plus à sortir et ce n’est pas une question de prix d’entrée mais plus prosaïquement une histoire d’envie qui n’existe plus !
Le courage, la volonté, le partage, l’effort sur soi-même, la simplicité ont ainsi triomphé durant des années à Sadirac sur une scène installé dans un hangar à tabac ou dans l’arrière-salle d’une auberge. Une salle des fêtes avait ensuite été construite pour ces retrouvailles annuelles. Elle afficha toujours complet ! Mon père sur scène. Le receveur des postes à ses cotés. La meilleur amie de ma mère au cœur de l’intrigue d’une pièce improbable de Labiche intitulé « on purge bébé ». Des souvenirs impérissables que la télé n’offre pas !
C’est cette ambiance qui manque dans la vie locale. Aller au spectacle c’est bien. Bâtir un spectacle c’est encore mieux. Partout la vie collective se délite faute de participation désintéressée. Les structures associatives qui subsistent ont beaucoup de peine à survivre surtout si la seule finalité de leur action reste la solidarité et le lien social. En fait comme dans bien d’autres situations le plaisir d’offrir constitue le ferment du succès.
(1) Soirée sur réservation le samedi 5 novembre (10 € avec entrée, apéritif, assiette des cruches) Contact pour réserver au 06 21 88 32 28
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Le déclin a commencé avec la disparition des « Kermesses de l’école primaire » qui avaient l’art de mobiliser tous les savoir-faire et toutes les bonnes volontés…
Bonjour J-M !
Mon bréviaire matinal (qu’aujourd’hui, je découvre à la sieste!) me renvoie soixante ans en arrière, à une époque «que les moins de vingt ans ….» !
Reculant ma chaise à roulettes et m’appuyant au dossier rembourré , je clos mes paupières. Alors apparaissent des images en noir et blanc ( symbole du rêve ). Je me retrouve soixante ans en arrière avec mes grands parents et ma tante réunis sous un chapiteau bicolore de plus de deux-cents places face à une scène au rideau tremblant, agité par le vent d’hiver qui s’invitait … au théâtre Ferranti (1). C’était une troupe de comédiens ambulants qui plantait son lieu de vie sur le parking de la cave de la bastide voisine. Ainsi, les samedis soirs, durant deux bons mois, le petit peuple ( et le grand aussi !) des environs venait dévorer quelques pièces célèbres et un spectacle de clôture genre variétés. C’était le théâtre à la campagne ! !
Dans mon village, de 1950 à 1965, un peintre en bâtiments aidé de quelques jeunes (et moins jeunes !) gens du pays avait créé une association « le groupe théâtral ». Celui-ci, deux fois par an, montait des pièces à succès avec des décors peints par cet artiste. Quelques noms reviennent au bout de mes doigts : Don Camillo (plusieurs versions), Le Comte de Monte-Cristo, Rendez-vous sur le banc … Le village se retrouvait alors dans une salle de bar, puis sous la halle et enfin dans le foyer communal. Le spectacle, donné le samedi soir et le dimanche A-M faisait salle comble en ravissant petits et grands et dégageait un bon pécule pour financer des voyages-découvertes. C’était l’éducation populaire …d’alors ! ! !
Sortant de mon rêve d’antan, il y a quatre mois, j’ai pu « déguster » un spectacle d’élèves CM2 avec leur instituteur …pardon… professeur des écoles, intitulé « le tour du monde en 80 jours ». Cette évocation m’a montré un « Monsieur » devenu l’ami de ses élèves qui, vu les larmes des « au revoir » a réussi sa transmission du savoir.Il m’a rappelé Patrick et sa fibre du métier. C’est l’éducation nationale … d’aujourd’hui ! !
Aussi, J-M, au vu de ces quelques lignes (trop longues et…trop courtes!), tu comprends aisément que je puisse prêter des oreilles et des yeux attentifs à cette version « éducation populaire modèle 2022 » que tu nous narres! ! ! C’est avec plaisir et fébrilité que je te fais confiance pour me réserver une place milieu de salle, latéral droit ou gauche ( pas de la politique mais tu le sais, je suis encore grand ! ). Ainsi, j’apprécierais mieux les réactions, donc l’impact sur le public que nous vous souhaitons tous très nombreux.
Amicalement.
(1) Tapez théâtre Ferranti – cause du poulailler sur votre moteur de recherche : j’acquiesce entièrement au descriptif et commentaires