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Les ballons d’or du peuple venu d’ailleurs

La consécration de Karim Benzema a, semble-t-il ravi une part de la France ce qui mérite tout de même un bémol puisque le racisme étant souvent « rentré » il est difficile de savoir la réalité de cet enthousiasme. Bien évidemment à partir du moment où le lauréat affiche sa volonté que cette récompense soit celle « du peuple » de se prononcer contre lui. Pourtant derrière les faux-fuyants politiciens, les déclarations se charognards politiques, les haussements d’épaule et les silences toujours révélateurs il est aisé de détecter une certaine gêne. Les origines du ballon d’or ainsi que ses embrouilles judiciaires pèsent sur sa flamboyante réussite.

Pourtant il faut se rendre à l’évidence, la réussite dans le monde du sport va de plus en plus dans la très grande majorité des disciplines à des immigrés de la deuxième génération et ce dans toute l’Europe. L’intégration par l’activité sportive si elle reste un mythe pour bon nombre de jeunes venus chercher une réussite matérielle fonctionne pour des centaines et des milliers d’entre eux. La victoire au Mondial de 1998 avait largement popularisé l’idée que les enfants de migrants pouvaient dans ce domaine comme dans d’autres contribuer à la notoriété de leur pays d’accueil. Tous de la troisième génération. Tous enfants du peuple. Tous arrivés par leur travail.

Il suffit après la cérémonie du classement mondial des joueurs de constater que les Français couronnés ont tous des origines éloignées de leur terrain de réussite. Les parcours des « vedettes » du football tricolore ayant touché l’or se ressemblent étrangement sans que grand monde l’ait rappelé. Le premier connu sous le nom francisé de Kopa a par exemple ses racines en Pologne. Raymond Kopaszewski était né dans une famille de mineurs Ses grands-parents paternels venus de Pologne en 1919 avait quatre enfants, dont le père de Raymond, François alors âgé de 13 ans.

Ce dernier s’installa à Noeux les Mines entre Lens et Béthune en ayant soin de conserver sa langue maternelle et une forte foi catholique alors que les plus jeunes membres de la famille s’intègrent dans le mode de vie français. Lui, le Polak sera l’un des plus brillants joueurs de ce football qu’il a appris dans la rue en jouant avec un équipe d’enfants polonais, italiens et des Français ! Durant toute sa vie il rappela qu’étant descendu dans les galeries des mine il n’avait jamais considéré « le football comme un travail ».

Le second, un quart de siècle plus tard avait des parents… italiens (Aldo et Anna Platini). Eux-aussi étaient venus chercher l’espoir en France dans les mines de la région de Joeuf baptisée « la petite Italie ». Là encore toute la famille trouvera le chemin de la réussite sociale grâce au sport. Michel conservera l’amour des ses origines piémontaises. La signature à la Juventus constitua pour lui « aussi sentimental que sportif ». Les liens ne sont renoués qu’à l’occasion des séjours de vacances.

Chez les Platini, on ne parle plus italien. Il l’apprend en se rendant avec son grand-père au café des Sportifs où on joue à la scoppa et où sur les murs on affiche les posters de Mazzola ou Rivera, auxquels le jeune footballeur s’identifie une fois la balle au pied. Lui-aussi apprend le football dans la rue dans des affrontements franco-italiens où dit-il il se faisait traiter de « sale rital ». La France le reconnaîtra comme l’un de siens quand il accumulera les exploits sous le maillot bleu ! Son ballon d’or deviendra le nôtre !

Celui d’un certain Zinedine (ce qui veut dire« splendeur de la religion ») Zidane a vraiment aussi été celui du peuple. Son père ouvrier du BTP dans la région parisienne venu du village kabyle pauvre d’Aguemoune Ath Slimane. Il possède la double nationalité franco-algérienne mais bien entendu sa réussite a été annexée par le pays où il a grandi avec quelques attaques racistes venant des même rangs que ceux qui pour raison de dédiabolisation cultivent maintenant la langue de bois et la polémique sordide. Lui aussi a appris ses roulettes magiques dans la rue au bas des immeubles de ces quartiers de Marseille où désormais la réussite a d’autres visages. Lors de la soirée, la remise du trophée entre Zidane et Benzema ressemblait à un passage de témoin.

À la fin des années 1950, le grand-père de Karim, Da Lakehal Benzema, quitte le village de Tighzert pour s’installer avec sa famille à Lyon. Son fils Hafid né au village kabyle de Tighzert épouse, Malika Haddou (montée hier soir sur scène) et constitue une famille de neuf enfants. Lui-aussi, obsédé par la réussite va sans cesse progresser pour atteindre les sommets et se construire un palmarès exceptionnel qui lui vaut contrairement aux autres une reconnaissance à demi-mots comme si justement sa réussite était gênante.

On apprécie mais avec une arrière-pensée masquée tellement perceptible qu’elle en devient bruyant. L’or de son ballon va vite se faner. Tous quatre appartiennent à la troisième génération de cette immigration qui désormais représente le peuple de France au niveau sportif international. Pour réussir ils ont dû encore immigrer. Qu’on le veuille ou non ! C’est une réalité.

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Cet article a 5 commentaires

  1. christian grené

    Or donc, M. Ornicar, Laurent Blanc n’avait aucune chance de remporter de Ballon d’Or.
    Moi, qui ne crois qu’au Pernod L, ne me reste plus qu’à rentrer à la maison si je ne veux pas souffler dans le ballon. Ou y être conduit.

  2. Laure Garralaga lataste

    « …la réussite dans le monde du sport va de plus en plus… à des immigrés de la deuxième génération… » serait-ce une façon pour la France de se faire pardonner ce quelle a fait subir à la première génération ?

  3. Laure Garralaga lataste

    Notre seule façon de réussir…, à nous, enfants d’immigrés de toutes nations, résidait dans ces mots… intégration !

  4. Laure Garralaga lataste

    … « comme si justement sa réussite était gênante… » Ce dernier adjectif est-il approprié quand on sait que sa réussite a été rendue possible par « la sueur de son front et la magie de ses pieds… » ! ?

    1. christian grené

      … Y, de mas, juega en el grande Real Madrid!
      Abrazos de la tarde.

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