Les yeux gonflés Olivier vient en fin de matinée prendre le café des jours de repos au Bistrot des Copains. « J’ai terminé mon service de nuit à Guillos. Je ne suis pas encore allé me reposer. Je reprends demain matin » explique celui qui sert le SDIS 33 comme sapeur-pompier professionnel. D’habitude affecté à une caserne urbaine extrêmement sollicité il a été affecté avec d’autres collègues de la métropole en renfort selon les besoins sur les deux sites actuellement en flammes. Il est fatigué.
« Dimanche avec les centres de Bruges et Mérignac nous avons constitué une colonne avec quatre véhicules pour aller à Cazaux. Le lendemain j’ai rejoint le secteur du Sud Gironde pour tenter d’enrayer la progression des flammes. C’était dantesque. La nuit de lundi soir a été d’une grande violence. Les cimes de pins s’embrasaient à des hauteurs incroyables. Les vents changeants ont vraiment bouleversé les plans d’action ». Même avec de longues années d’expérience le professionnel avoue que « c’était une situation hors normes ». Chaque jour aura été différent avec ses heures d’attente dans des positionnements défensifs avec un sentiment d’inutilité immédiate et le lendemain une participation épuisante à ce qui est devenu la « guerre du feu ».
Beaucoup plus que se pencher sur le coté opérationnel, il tient à souligner l’extraordinaire solidarité autour des ces événements dramatiques. « Je n’ai jamais autant ressenti le soutien de la population vis à vis des sapeurs-pompiers. Les habitants sont vraiment adorables. Ils s’évertuent à nous apporter tout ce qui nous permet de tenir. Un élan de générosité populaire qui nous conforte dans notre mission. » Ce phénomène lui semble plus profond dans le secteur de Landiras car les moyens des collectivités sont plus modestes que celles du Bassin d’Arcachon.
Olivier a été touché par des gestes qui paraissent anodins alors qu’ils révèlent un état d’esprit collectif louable face à ces incendies exceptionnels. « J’ai rencontré deux frères agriculteurs qui ont proposé spontanément leurs services. Ils sont venues depuis le territoire de Sainte Foy la Grande avec leurs tracteurs. Ils ont amené les cuves qui leur servent à épandre le lisier. Un trajet un peu compliqué. Ils restent sur place depuis plusieurs jours. Tous les deux ils récupèrent de l’eau bien utile pour ravitailler les camions. Ils aussi préventivement les lisières » Pour le sapeur-pompier professionnel ce type d’initiative n’a rien de mineur. Au contraire. Toutes aussi minimes soient elles contribuent à la lutte contre ce feu qui ne semble jamais s’arrêter.
L’élan de mobilisation n’a peut-être jamais été aussi large. Les renforts en hommes et en matériel viennent de toute la France. « Je crois qu’il y a seulement cinq ou six départements qui n’ont pas envoyé de renforts. C’est extraordinaire de bosser avec autant de collègues motivés. Pour nombre d’entre eux ils ne connaissent pas la spécificité de ces feux de forêts girondines mais ils s’adaptent très vite car les situations actuelles permettent à chacun d’avoir un rôle immédiat. C’est une autre formidable chaîne de solidarité. » Ces soldats du feu de tous les âges avec la canicule sont dans des conditions de séjour aussi satisfaisantes que possible grâce à l’accueil de leurs collègues, des collectivités et des habitants.
Le problème c’est que certains ne pourront pas dépasser une certaine durée de présence en Gironde. Dans 48 heures les premiers retours vers leur casernements d’origine doit intervenir. Une lutte de vitesse pour que les flammes soient fixées débute ? et probablement que la journée sera décisive. La présence des avions Dash et Canadair reste décisive. « C’est un ballet aérien impressionnant. Ils passent et repassent sans cesse sans aucune pause mais ils ne peuvent pas tout éteindre. Je les admire. » avoue Olivier. Eux aussi ne pourront pas rester encore très longtemps compte tenu de la disponibilité actuelle de la flotte. Le nombre des heures de vol s’accumule et il faudra nécessairement effectuer des contrôles, des révisions et des réparations.
Le sapeur-pompier professionnel a déjà participé à des événements de grande ampleur dans le cadre d’incendies urbains mais pour lui il n’y a pas de comparaison possible. « Plus je vais sur le terrain et plus je constate qu’à La Teste ou dans le secteur de Landiras ce sont des catastrophes incomparables dont on subira les conséquences durant très longtemps. J’ai vu à l’aube de nombreux chevreuils, sangliers, lièvres, lapins désorientés fuyant les flammes mais il y en a beaucoup d’autres qui n’ont pas survécus notamment les oiseaux.»
Olivier va reprendre le chemin d’un combat qui pour l’instant reste incertain mais qui sera gagné grâce à l’immense solidarité entre élus, habitants, professionnels, volontaires qu’il a suscité. Comme tous ceux qui sont sur le front d ces incendies, le sapeur-pompier a l’impression qu’il traite en permanence les effets de l’évolution sociale, environnementale, technologique.
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Je compatis à la souffrance des sapeurs-pompiers mais moi, qui n’ai rien d’un Mikaîl Stakhanov, je suis obligé d’aller tous les jours à la mine de… crayon. Vladimir Illitch, réveille-toi! Jean-Marie est devenu feu.
Euh!… Je voulais écrire « devenu fou ».
Jean-Marie, merci pour ton texte qui apporte du positif, et merci aussi pour ton bandeau d’illustration qui montre qu’au-delà des soldats du feu beaucoup se mobilisent pour ouvrir les bandes pare-feu et participer à la partie préventive de la lutte. Je me permets de te « partager » sur mon fesse-bouc.
La vie animale et arboricole seront les principales victimes de ces feux ravageurs !
Un rappel : les terribles incendies de 1949 ajouteront 89 victimes humaines !
Bel élan de solidarité envers les soldats du feu. comme quoi la solidarité existe toujours quand le moment est grave. là, personne ne les a caillassés et heureusement car la riposte aurait pu être violente.
Merci à tous nos pompiers et à tous les bénévoles.
la nature reprendra vie, sauf les animaux asphyxiés et brûlés.
Il convient de saluer ce bel élan de solidarité « instinctive », que j’ai déjà vécu parfois dans des situations plus locales et moins tragiques.
Mais ce que je déplore quand même, pardon de sembler négatif, ce qui n’est pas le cas, c’est qu’il faut des situations de grande calamité pour que la solidarité fasse place à l’indifférence quotidienne.