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Instits soient-ils… s’ils sont motivés et heureux de l’être !

Lorsqu’en 1963 c’est à dire dans des temps immémoriaux, j’ai rejoint l’école normale d’instituteurs de la Gironde après une troisième « spéciale » de préparation du concours, avais-je la vocation pour ce métier ? Je ne le sais vraiment pas car à 16 ans il est extrêmement difficile de se positionner autrement que par rapport à ce que les adultes attendent de vous. Tenter le concours d’entrée à l’EN ne relevait pas de mon choix mais de celui d’une succession de personnes qui avaient effectué ce choix pour moi. L’avais-je vraiment ? J’en doute puisque la poursuite des études vers le lycée aurait nécessité un effort financier que mes parents avaient eu bien du mal à assumer. La vérité c’est que la gratuité du parcours vers le bac en internat avec la certitude d’entrer dans la vie active avec un métier assuré l’emportait sur tout le reste.

Le recrutement des instits reposait sur le principe du renouvellement d’une profession essentiellement basé sur l’ascenseur social et qui reposait sur le mérite. La notion de concours avec rang d’entrée illustrait la volonté de la République d’offrir à des enfants du peuple une opportunité de démontrer leur valeur. La vocation viendrait après avec une formation constante durant les trois années précédant le bac et lors d’une ou deux années de mise en situation avec accompagnement serré. La vérité m’oblige à écrire que parmi les 69 normaliens de ma promotion toutes et tous n’avaient pas un goût très prononcé pour la pédagogie.

La preuve est assez facile à apporter puisque un tiers des entrants de 1963 n’ont pas fini leur carrière face à une classe. Certains de ces « fuyards » durent pourtant s’intégrer dans la fonction publique puisque l’engagement de servir l’État durant dix ans en compensation de la gratuité des études les y contraignait. Si je reprends ma carte de promo je trouve seulement seulement une vingtaine d’instits, une vingtaine de professeurs avec un grade plus ou moins élevé et autant dans le système éducatif dans des métiers dérivés. Quant aux autres, ils n’ont pas vu d’élèves trop longtemps car ce n’était pas leur volonté et leur choix !

Préfet, directeur d’hôpital, major instructeur de la garde républicaine, chef de service au ministère de l’Agriculture, inspecteur d’académie, chercheur au CNRS, professeur de golf, directeur commercial d’une grande marque de matériel sono, directeur de service dans un département : ils ont bifurqués pour sortir des rails sur lesquels on les avait installés. En définitive l’école normale n’aura été qu’un tremplin vers des professions. En est-il de même actuellement ?

Les observateurs notent que jamais la fuite des enseignant(e)s vers d’autres professions n’a jamais été aussi élevé. En fin d’année scolaire 2008-2009 on comptait 364 démissions en France selon les statistiques du Ministère de l’Éducation on en compte plus de quatre fois plus en 2020-2021. Même si ce nombre reste marginal il n’en est pas moins révélateur d’un malaise. Mais le pire c’est le manque d’intérêt pour les concours de recrutement. Les concours d’enseignants n’ont pas fait le plein cette année.

Seuls 816 candidats sont admissibles au Capes externe de mathématiques, pour 1 035 postes, contre 1 706 admissibles l’année dernière. Même constat pour les professeurs d’allemand, avec 83 admissibles pour 215 postes, soit moitié moins que l’année dernière. Cette situation, particulièrement marquée dans certaines disciplines, touche également des académies bien précises comme celle d’Ile-de-France pour le premier degré. À Versailles, il y a 484 admissibles pour 1 430 postes de professeur des écoles.

Face à une pénurie caractérisée qui se profile le recrutement s’effectue désormais non plus par un concours formaté mais par des entretiens au cours desquels en trente minutes un cadre évalue « l’amour » que porte son interlocutrice ou son interlocuteur à la transmission du savoir. Est-ce un scandale comme le prétendent les syndicats ? Pa certain si l’on considère qu’aucun système de recrutement garantit que le(la) sélectionné(e) saura affronter (je choisis volontairement ce verbe) une classe dans le contexte social actuel. Ce mode d’intégration dans les écoles a toujours existé.

Les « suppléant(e)s éventuel(le)s » ont été d’excellent(e)s enseignant(e)s dans les années 60 à 80. Les « auxiliaires » qui mettaient parfois des années avant d’être titularisés n’ont jamais dévalorisé le métier de prof. Ai-je eu le sentiment que seulement titulaire du bac et sans passage à l’université dans ma vie d’instit j’ai été plus mauvais que les professeurs des écoles bac + 3 de notre époque ? Pas sûr !

La motivation, la conviction, l’innovation, la capacité à détecter les capacités de réussite de réussite pas seulement scolaire d’un enfant, le respect et l’empathie qu’on lui témoigne compte autant que les cours théoriques ou le niveau de diplôme. Regardez deux films : « l’école buissonnière » et « Etre ou avoir » et vous comprendrez !

Cet article a 8 commentaires

  1. Instit’, c’est bac+5 maintenant !
    Tu sais Jean-Marie, en ce moment je fais le tour des établissements pour remettre les prix des concours AMOPA, et je suis toujours heureux de voir que les collègues ont toujours la foi. A chaque fois je repars plein d’espoir.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Bernard P S
      Si l’espoir fait vivre… longue vie !

  2. Laure Garralaga Lataste

    Instit un jour… Instit toujours !
    À 83 ans… « la réserve » va-t-elle me faire un rappel ? ? ? ! ! !
    Faut-il rire ou pleurer de cette lamentable situation !

    1. christian grené

      No olvidar Laurita mia. Leer « Les institutrices durant la Seconde République en Espagne dans l’univers de Josefina Aldecoa ». Un essai de Lucie Hochard difficile à trouver, donc à se faire envoyer pour quelques pesetas… Franco ce porc.
      Abrazos de amistad.

  3. christian grené

    Et J.J. n’a encore rien dit?
    Mais si, mais si! Ecoutez un peu: « On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir: on n’enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est ».
    (Jean Jaurès – « L’Esprit du socialisme »)

    1. christian grené

      PS: En écoutant jPC et un média FM, j’ai entendu des citations un peu plus fraîches même si elles datent du siècle dernier.
      « Le corps enseignant est la plus grande armée, après l’Armée rouge » (1985).
      « Etre enseignant, ce n’est pas un choix de carrière, c’est un choix de vie » (1989).
      J.J. aura sûrement reconnu Jean-Pierre Chevènement et François Mitterrand.

  4. J.J.

    Merci Christian pour avoir répondu à ma place, alors que j’étais descendu en mon jardin, non pour y cueillir du romarin, mais pour semer quelques graines.

    Semer des graines ou semer du savoir ? Si je n’avais pas vraiment la vocation, j’avais la conviction de l’importance de ma mission et j’ai tenté de faire de mon mieux.
    Entre ton « temps », Jean Marie et le mien, les choses avaient déjà changé : tous mes copains de promo ont fini dans l’enseignement, et c’était la coutume. J’ai assisté au changement ; quand nous allions en formation à l’EN, nous discutions avec les normaliens ( espèce éteinte !) qui souvent nous déclaraient , même avant d’avoir jamais enseigné, qu’ils n’avaient pas l’intention de finir leur carrière dans l’enseignement.

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