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Le stade où il faudra payer les ambiguités du sport professionnel

Pendant les trois dernières années de mon mandat de Maire j’ai suivi le dossier du sport au sein de l’Association des Maires de France (AMF) siégeant par exemple au sein du Conseil National du Sport et dans de multiples organisations dont celle (COGEQUIS) qui avait en charge le financement des grands équipements (stades, ARENA). A ce titre j’ai eu en mains les dossiers des réalisations souhaitées dans les plus grandes métropoles. J’avais signé un engagement sur l’honneur de ne rien communiquer sur ces montages financiers pourtant souvent basés sur l’artifice de résultats sportifs de haut niveau prétendus éternellement rentables dans toutes les villes concernées. 

Une période durant laquelle j’ai découvert la mégalomanie de certains élus prêts à tout pour avoir avant les élections municpales leur « grand stade » ou leur Arena. Des prévisions de fréquentation et de recettes abracadabrantesques ; des « cadeaux » faits avec des fonds publics à des propriétaires privés de clubs n’offrant aucune certitude de pérennité dans leur présence ; des engagements pris sur des décennies à travers des emprunts ; des annonces de manifestations annexes grandioses totalement illusoires ; des frais de fonctionnement minorés et des montages juridiques complexes dans lesquels les seuls perdants ne pouvaient être que les collectivités territoriales. Les exemples ne manquent pas.

Comment le modeste et inconnu Maire de Créon pouvait contester ces énormes dossiers présentés par des « collègues » ayant une stature nationale ? Bien des réunions étaient jouées d’avance avec des interventions au plus haut niveau de l’État. Je me suis ainsi retrouvé le 20 avril 2012 dans le bureau de Douillet, Ministre des Sports pour avaliser, alors que rien ne le justifiait une subvention de 20 millions pour un Arena dédié à un club de basket… Petite précision nous étions à l’avant-veille du premier tour des présidentielles ! J’aurai bien d’autres moments de doute ou de réserve sur ces liens entre le politique, le sport professionnel et le monde des « affaires » qui d’une manière ou une autre se trouve derrière les clubs. 

Le Sénat avait ouvert une mission d’information sur les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel. J’ai été auditionné le 13 novembre 2013 dans l’après-midi pour exposer la position de l’Association des maires de France. Son travail devait permettre « de mieux comprendre les relations financières entre les clubs professionnels et les collectivités territoriales (subventions, taxes, redevances des stades, normes, investissements) ainsi que l’évolution du modèle économique du sport professionnel et ses conséquences pour les acteurs publics ». J’avais plaidé pour une différenciation entre le sport professionnel, qui devrait vivre de son activité, du sport qui dépend des subventions publiques.

Selon moi, lors de cette audition il ne devait plus n’appartenir aux collectivités de financer les club issus de la première catégorie. Sauf que l’exemple bordelais démontre que ces liens ont été maintenus confirmant les craintes que j’exprimais dans le magazine « Courrier des maires.fr du 14 novembre 2013.

Voici l’entretien accordé le lendemain de l’audition et lisez ce jour le papier de Sud-Ouest neuf ans plus tard sur ce qui était prévisible concernant le fameux « grand stade bordelais ».

« Il faut plafonner la participation des collectivités aux équipements destinés au sport professionnel »

« Courrierdesmaires.fr. Vous avez été auditionné par la mission d’information du Sénat. Quelle position avez-vous défendue ?

Jean-Marie Darmian. Mon intervention consistait à demander la clarification des relations entre les collectivités territoriales et le monde du sport professionnel, en suivant deux axes.

Premièrement, il est nécessaire de bien définir ce qu’est le sport professionnel. On a toujours tendance à assimiler le sport professionnel à deux ou trois disciplines alors qu’il recouvre de nombreuses activités. Deuxièmement, on réduit un peu trop souvent les relations économiques entre collectivités et sport professionnel aux seules subventions. Or, ces liens  sont multiples et comprennent la communication, le prêt des espaces d’activités, l’entretien des équipements, l’achat de places, etc. Pour l’instant, rien n’est codifié dans ce domaine-là, d’où l’importance de clarifier tout cela par une loi sur le sport, beaucoup plus précise que celle de 1984.

Comment distinguer sport professionnel et non professionnel ?

J-M. D. Selon moi, une structure de sport professionnel est une entreprise qui vit de l’activité de ses sportifs. Pour être clair, certains clubs, même s’ils ont le statut professionnel au regard des ligues, ne vivront jamais de l’activité de leurs sportifs. Si l’on prend l’exemple du sport féminin, il compte très peu de clubs professionnels, pourtant ils participent à des compétitions professionnelles. Le critère devrait être celui des ressources. Une structure professionnelle devrait au moins acquérir par son activité de quoi couvrir ses dépenses salariales, par exemple. Ce n’est pas le cas pour de nombreux clubs qui, sans les subventions des collectivités seraient condamnés, d’autant plus qu’ils n’ont pas les revenus de la télévision.

Cette dichotomie entre les clubs de sport devrait-elle guider les subventions des collectivités ?

J-M. D. Oui. Les véritables structures professionnelles n’ont pas besoin des subventions des collectivités. Elles sont réputées vivre de leur activité. Ce n’est pas aux collectivités de les financer.

Pourtant, aujourd’hui, les clubs professionnels reçoivent des subventions publiques…

J-M. D. Non, ils reçoivent des subventions indirectes : pour leurs centres de formation, par l’achat de places, par des contrats publicitaires, par l’entretien des terrains, par des exonérations de taxe sur les spectacles… En fait, ils ne reçoivent pas beaucoup de subventions en volume. On peut parler d’un total d’un milliard d’aides directes et indirectes provenant des collectivités.

Au sujet des équipements sportifs pour lesquels clubs professionnels et ligues ont de plus en plus d’exigences, coûteuses pour les collectivités, quelles sont vos préconisations ?

J-M. D. L’investissement dans les équipements est un gros sujet. Si le sport professionnel souhaite des investissements, il doit en être le maître d’ouvrage. Il appartient aux clubs et non à la collectivité d’être maîtres d’ouvrages, sauf si l’équipement n’est pas exclusivement réservé au sport professionnel. La mission sénatoriale ne veut pas interférer avec les élections municipales, elle ne déposera ses conclusions qu’à la rentrée prochaine, en septembre ou octobre”

Par ailleurs, il faut plafonner la participation – sous toutes ses formes – des collectivités aux équipements sportifs destinés à l’exercice d’un sport professionnel. Les sénateurs proposent 50 %. L’AMF prône aussi le plafonnement mais sans position précise sur son niveau.

Qu’attendez-vous de la mission d’information ? Qu’elle nourrisse une proposition de loi ?

J-M. D. Le problème, c’est le contexte actuel. Le ministre des Sports est en train de préparer une loi de refondation du sport. Mais j’ai appris hier que la mission ne voulait pas interférer avec les élections municipales et qu’elle ne déposerait ses conclusions qu’à la rentrée prochaine, en septembre ou octobre. Ses membres ont réalisé qu’il serait difficile de faire des enquêtes dans les communes sans risquer de mettre en évidence des dysfonctionnements… Tout le monde est échaudé par l’affaire du Mans et du stade Aréna,.

Etes-vous pour ou contre la taxation à 75 % des revenus des sportifs professionnels ?

J-M. D. Je suis pour. Je considère que ces contrats ont été signés sur des bases parfois déconnectées de la réalité sociale actuelle. En tant qu’ancien journaliste sportif, je sais bien que les joueurs et les clubs signent des contrats « impôts payés ». Quel salarié peut s’offrir ce luxe ? Je n’en connais pas… Sans compter tous les arrangements qui font que, souvent, les joueurs perçoivent des sommes payées à l’étranger, avec des contrats d’image ou autres. Je ne crois pas par ailleurs au fait que ce soit vraiment une surprise pour les dirigeants des clubs. Ils savent fort bien que dans la plupart des contrats, les grandes vedettes ne payent pas en fait leurs impôts car ils exigent des salaires nets d’impôts. »

C’était en novembre 2013…. et je ne retire rien et j’en suis fier…

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Cette publication a un commentaire

  1. Gilles JEANNEAU

    J’attends impatiemment les commentaires de Christian car il s’y connait mieux que moi pour avoir cotoyé Bez et Cie …
    Pour ma part, je pense qu’il y a déjà un bon moment que le foot pro (et bien d’autres domaines économiques) marchent sur la tête avec des montages financiers du genre que ceux que tu cites pour les stades…basés sur le principe de la privatisation des profits et de la « nationalisation » des pertes.
    Chaque jour amène chez moi une désolation morale de voir l’évolution de notre société qui dérive chaque jour un peu plus … et pourtant, n’est-ce pas Sénèque qui disait: Il n’y a pas de bon port pour un bateau qui n’a pas de cap.
    Mais je doute que nos élites aient correctement assimilé la culture gréco-latine.
    Bonne journée quand même.

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