Emile Zola constitue l’exemple même de la personnalité ayant été jusqu’au bout de ses convictions quoi qu’il en coûte. Il reste celui qui après avoir vécu pleinement ce qu’était la misère, va sacrifier sa notoriété et sa fortune en lâchant son indignation dans le fameux « J’accuse… » barrant la une de l’Aurore du 13 janvier 1898. Un acte d’écriture qui demeure l’un des plus courageux que l’époque moderne ait produit. Inimaginable en notre XXI° siècle, que l’on retrouve une telle violence salutaire dans la contestation d’une injustice. Mieux tout porte à croire qu’une telle attitude révolterait une opinion dominante soucieuse de se protéger contre les crises de consciences.
L’indignation est désormais considérée comme un acte marginal, une manière indirecte de ce distinguer, une façon de se transformer en chevalier moins blanc que blanc. Elle ne fréquente plus les esprits se disant éclairés de cette société, embrumés par le consensus mou ou pire le parfum des outrances abjectes. Zola, fils d’un immigré italien, intégré au patrimoine français déchaînerait un tsunami de critiques acerbes du même acabit de celles que provoqua il y a un peu plus d’un siècle son adresse aux gouvernants. Ce serait probablement pire tellement le refus des valeurs fondamentales de la républqiue ne sont invoqués que pour les effets d’estrade et bafoués dans le quotidien.
Tout dans son œuvre s’inspire de cette lutte des classes dont il ne parle pas mais qui constitue l’épine dorsale de ses grands écrits. Chacun de ses livres constitue une confrontation entre les aspirations plus ou moins ambitieuses de ces pans du Peuple méprisé ou oublié par le monde de l’argent ou plus certainement du profit. Observateur attentif de tous les milieux sociaux il saura en traduire les travers ou les émouvantes qualités. Bien de ses personnages ne vivent que d’amour et d’eau fraîche, de sueur et de larmes, d’enthousiasme ou de mépris. D’autres obsédés par le fric et les fracs se prélassent dans les apparences du pouvoir allant jusqu’à la cruauté, la concupiscence, la vanité, l’immoralité et surtout ce mépris qui caractérise les réussites rapides et souvent éphémères.
Il puise dans son approche du journalisme toutes les références dont il aura besoin dans ses romans. Polémiste acéré, Zola va assister avec une certaine jubilation à la chute du second Empire. Courageux, téméraire, imprudent même parfois il s’attaque sans relâche à l’ordre établi avec une pugnacité qui débouchera sur le fameux J’accuse… Il défendra les Communards sans retenue. Il ne se cache pas derrière son porte-plume. On est loin, très loin des tweets anonymes, des posts sans auteurs et des fakenews manipulatrices.
Les romans puisés dans cette fréquentation de toutes les classes sociales vont lui permettre de devenir indépendant grâce aux revenus qu’il en tire. Plus efficace en politique que bien des acteurs de son époque le fils d’immigré va revenir dans l’actualité en prenant connaissance de plus terrible des feuilletons de l’injustice qu’est « l’affaire Dreyfus ». Il ne va cesser de combattre avec comme seule arme celle des mots pour défendre celui qu’il considère comme une victime de la grande tricheuse qu’est alors l’armée toute puissante.
« Il y a une poignée de fous, d’imbéciles ou d’habiles qui nous crient chaque matin : « Tuons les Juifs, mangeons les Juifs, massacrons, exterminons, retournons aux bûchers et aux dragonnades. […] Rien ne serait plus bête, si rien n’était plus abominable. » Il suffirait d’occulter « juifs » et de lui substituer « immigrés » pour que l’apostrophe ait une force renouvelée. A de multiples reprises il avancera à découvert sur le front de la révolte face à l’ignominie des positions des extrémistes de tous poils. C’est ainsi que dans l’Aurore il écrivit le 12 septembre 1899: « « Je suis dans l’épouvante, […] la terreur sacrée de l’homme qui voit l’impossible se réaliser, les fleuves remonter vers leurs sources, la terre culbuter sous le soleil. Et ce que je crie, c’est la détresse de notre généreuse et noble France, c’est l’effroi de l’abîme où elle roule. » N’allons nous pas vers le même destin avec la surenchère effrénée à la mise en cause de la liberté, de l’égalité ou de la fraternité ?
Zola deviendra la cible de la haine, de la bêtise, de la violence d’une partie de ce peuple aveuglé par les discours racistes, qu’il avait pourtant défendu. Déchaînement des journaux réputés patriotes, caricatures humiliantes, milliers de lettres anonymes racistes, menaces de mort directes, manifestations de rues violentes : rien ne lui sera épargné ! Jusque dans sa mort ses ennemis le traîneront dans la fange. D’ailleurs elle n’a rien d’accidentelle mais la résultante d’un assassinat commis par un extrémiste fascisant (1) issu des mouvements d’extrême-droite populiste qui s’en prendront douze années plus tard à Jaurés.
En fait Zola a payé son courage et ces phrases extraites de sa célèbre apostrophe que je trouve tellement significative de ce que devraient être les grands esprits d’une époque : « Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme(…) » Dans les prochains je suis certain, (efin presque) qu’elles inspireront toutes celles et tous ceux qui prétendent défendre la République ! En attendant nous avons les plateaux de CNews et ses débatteurs de caniveaux.
(1) il sera acquitté comme l’assasin de Jaurés
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Bravo et merci Jean Marie, toujours très juste et pertinent, amicalement, Robert FLORÈS.
Merci Jean-Marie,
ta conclusion est sans appel.
Cher Jean-Marie, le drame de Zola n’est-il pas dans cette Histoire qui bégaye… ? ! Comme je l’ai déjà écrit, il m’est IMPOSSIBLE de regarder ces accueils innommables, atroces, haïssables… aux frontières de l’Europe tant je mesure combien » l’Histoire se répète… » !
E.Z. Ces initiales ne laissent pas d’interpeller. On a vraiment changé d’époque!
@ à Christian…
En effet, … ¡ Estimado amigo Christian… !
Le problème qui demeure… reste celui-ci…
Quand a-t-on changé d’époque… ?
Ca fait bien longtemps que l’on a changé d’époque. Les BP, JMD, RF, EM,
RV, ces initiales existent sur des chevalières et sur des docts lus. LGL ok ?
@ à Bernie
Bien lu… et je confirme que nos 4 valeurs républicaines sont en danger…
Lorsque je fais quelque recherche sur un personnage que je découvre, ayant vécu fin XIXème, début XXème, la première question que je me pose c’est : dreyfusard ou anti dreyfusard ?
C’est peut être un peu simpliste, mais pour moi c’est un élément de la plus grande importance.
@ à J.J.
Bien que n’étant pas « un personnage », ma réponse sera… dreyfusarde !
Je m’en serais douté .