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Les cours qui dépendent de la bourse des parents

Qui se souvient avoir eu droit aux heures d’études prolongeant l’horaire normal de classe ? Pour ma part je n’avais pas le choix car il m’était impossible d’échapper à al pression des instituteurs qui entouraient ma famille. Georges Vasseur qui fut celui de ma mère, m’infligeait durant toutes les vacances scolaires, des séances « à l’ancienne » de maths ou d’orthographe avec quelques autres Sadiracais ! Au cours complémentaire puis au collège d’enseignement général Camille Gourdon, soucieux de doper les résultats aux examens de ses ouailles, n’hésitait pas à distiller pour celles et ceux qu’il avait sélectionnés un programme de séances d’entraînement. J’y ai eu droit durant deux ans au titre de la préparation du concours d’entrée à l’école normale! 

Cette farouche volonté qui animait ces enseignants d’une autre époque servait leur envie de voir les plus fragiles prendre l’ascenseur social par la réussite scolaire. Il ne s’agissait pas d’éviter l’échec mais de pousser le maximum des élèves jugés méritants à franchir les obstacles que le système plaçait sur leur route. En aucune manière ces « «études » tentaient de gommer les défaillances des apprentissages mais surtout à renforcer les acquisitions et à consolider l’édifice scolaire.

Désormais fleurissent des entreprises spécialisées ayant pignon sur rue pour, moyennant chèque emploi service pour certaines ou règlements directs déductibles des impôts selon la présentation qui en est faite, proposer des cours à domicile. Le monde du profit a vite repéré qu’il y avait un marché autour de l’angoisse des parents face aux difficultés de leur progéniture. La publicité télévisuelle constitue même leur principal support de vente comme pour le camembert, les barres chocolatées, le beurre ou les agences immobilières.

Là encore, comme dans bien d’autres secteurs de la vie sociale, l’inégalité se renforce puisqu’il y aura rapidement celles et ceux qui pourront « offrir » à leur enfant ce type de soutien et les autres qui le regarderont s’enfoncer sans pouvoir financer son « sauvetage ». Ces offres purement commerciales mériteraient une régulation que le libéralisme ne semble pas vouloir imposer. Pour travailler avec des enfants dans un centre de loisirs il faut un BAFA ou des diplômes d’animateur nul ne sait quels sont les critères pour exercer dans le domaine du secours à élève en péril scolaire.

Les aides publiques aux associations qui proposent après la classe une « aide aux devoirs » pour les gamins en difficulté (pas seulement scolaire) diminuent régulièrement pour des problèmes de compétences. Souvent assurés par des bénévoles qui se raréfient ces « accompagnements » ont pourtant une utilité sociale évidente. S’ils sont bien conçus ces moments post-journée scolaire peuvent en effet pallier les défaillances pour de multiples raisons du milieu familial. Un projet pédagogique bien construit autre que celui de « faire à la place de… » permet souvent d’améliorer l’autonomie et la responsabilité des présents désignés d’office (c’est dramatique) ou poussés par les parents.

Dans un contexte de plus en plus compétitif, à l’école comme sur le marché du travail, les familles effectuent de plus en plus des efforts financiers pour améliorer les chances de réussite de leurs enfants. En pratique, on remarque qu’environ 10 % des élèves inscrits à des cours de soutien scolaire sont des collégiens ou des lycéens de niveau moyen. Leur objectif ? Gagner des points pour intégrer une filière particulière ou viser des études supérieures prestigieuses. Paradoxalement, les élèves en grande difficulté recourent beaucoup moins à ces cours car souvent leurs parents n’ont pas les moyens de les payer.

Un lycéen sur trois et un collégien sur cinq suivent bénéficient du soutien scolaire à raison en moyenne de 40 heures de leçons privées par an et par jeunes, c’est-à-dire 1h à 1h 30 par semaine pour un budget total moyen de 1 500 euros annuels par famille avant déduction fiscale. Dans le détail, les tarifs des professeurs en poste (secteur éducation nationale ou privé sans aucune autorisation) varient entre 25 et 35 euros de l’heure, contre 15 euros en moyenne pour les leçons privées dispensées par des étudiants. Le marché annuel de ce secteur florissant est estimé à plus de 2 milliards d’euros. La croissance du secteur est estimée à environ 10 % par an avec un chiffre d’affaires qui progresse pour les plus dynamiques d’environ 5 % depuis 2012.

Cette forme insidieuse de privatisation de l’enseignement reposant sur ses carences s’ajoute à bien d’autres atteintes aux valeurs d’une école républicaine mal en point. Le monde du profit ne prospère que sur les services publics qui ne fonctionne pas. Le danger est réel car les cours individuels déductibles des impôts en sont les signes évidents.

Cet article a 3 commentaires

  1. Thomas

    Si l’on ajoute à cette analyse objective la campagne qui se développe pour l’enseignement à la maison on comprend très bien ce qu’est la philosophie de nos gouvernements. Elle est exactement la même qu’en matière de santé: faire entrer dans le domaine de la marchandisation ce qui y échappait encore grâce au secteur public , à savoir l’école publique et la sécurité sociale.
    Mais comment ne pas « s’étonner » et être triste de voir des enseignants du public s’y associer et ainsi en devenir complice. mais cela n’est pas nouveau

  2. Philippe Conchou

    Il y a malheureusement un « bashing » de l’école publique bien entretenu par les médias.
    Heureusement on peut encore, avec un parcours classique (école communale, collège, lycée, fac de science et doctorat), accéder à un très haut niveau d’études, sans se ruiner et sans aucune aide à domicile.
    Ensuite on part, hélas, faire de la recherche à l’étranger….

  3. Laure Garralaga Lataste

    Personnellement, mon soutien scolaire, je l’ai toujours exercé… gratuitement.

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