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La transmission est plus que jamais un devoir

J’ai l’impression que l’envie de transmettre est ancrée en moi et ne me quittera jamais. Il arrive qu’elle s’éloigne mais elle revient inexorablement à un moment ou un autre. Je crains qu’elle soit le chewing-gum collé sous mes chaussures usées sur les chemins de ma vie personnelle. Comme tous les instits d’une époque révolue, j’ai conscience que parfois cette tendance à vouloir expliquer, justifier, convaincre agace bien des gens que je croise. Dans un moment où la société se contente du bref, du superficiel, de l’éphémère, de l’approximatif, du simplisme outrancier, du hors-sol des parcours et des idées, de l’idôlatrerie politqiue béate la volonté de rechercher la solidité des argumentations n’a plus cours.

Oui, je l’admets je suis instit’ et je le reste avec l’espoir inébranlable d’élever une seule conscience parmi toutes celles que l’action me permet de rencontrer. Et, pour y parvenir la rencontre, l’échange, le dialogue appartiennent aux éléments essentiels de la réussite de cette ambition. C’est ramer à contre-courant, c’est se mettre ne danger, c’est perdre beaucoup des certitudes (si on en ai une !) mais c’est essentiel et passionnant. Bien entendu, cette approche des réalités nécessite d’accepter l’autre tel qu’il est et pas tel que l’on voudrait qu’il soit. Transmettre c’est d’abord écouter, ensuite tenter d’intéresser et enfin donner à prendre et à retenir.

Dans le monde réputé « politique » le doute n’existe pas. Avoir un avenir suppose que l’on parvient à persuader que l’on a raison et que le massage aussi faux, absurde, décalé soit-il, doit s’accompagner d’une bonne dose d’auto-persuasion et d’auto-satisfaction. Il ne s’agit pas de « transmettre » mais de « persuader » en ressassant de telle manière que l’invraisemblable devienne une évidence. Le débat de BFM entre les vedettes de l’Olympia présidentiel en fut l’illustration parfaite.

Une certaine volonté de dispenser des références littéraires, historiques, politiques a contribué à donner l’illusion de la solidité des constats. Rien n’y aura fait, même pas les rectifications précises effectuées par des préposé(e)s redresseurs de torts : à chacun ‘SA’ vérité ! Les fiches (ou même le smartphone) appelées en renfort alors qu’elle sont aussi fiables que la bible ne servent qu’à étayer des théories obsessionnelles. S’affronter sans s’écouter, se confronter uniquement pour exister, se persuader que la réussite nécessite de tout caricaturer : l’évolution du débat conduit la démocratie à sa perte. Tout s’artificialise et devient inutile. 

Transmettre c’est plutôt parler avec ses tripes, sa sincérité, sa spontanéité, ses réalités, son vécu. Rien de pire que de s’enfermer dans le sentiment que ce que l’on sait ou que l’on a appris n’a d’intérêt pour personne. Dans chaque rencontre, dans chaque échange « ordinaire » celle ou celui qui en a envie trouvera des raisons de s’enrichir. J’ai toujours eu l’impression que c’est l’élève qui souvent apprenait au maître. Je n’ai jamais rencontré un être inintéressant. L’approche du métier de journaliste durant deux décennies m’a conforté dans cette idée : l’extraordinaire ne prévient pas et il est indispensable d’être prêt à le saisir.

Aujourd’hui je me lance dans une nouvelle aventure de la transmission qui me tient à cœur, celle des réalité de l’immigration. Parvenir à déconstruire dans quelques esprits ce que j’ai entendu au cours de la visite du « Zemouristan » relève en effet de la mission impossible. Il ne s’agit plus de lire des fiches, de puiser dans les statistiques mais de partager des existences, des espoirs, des craintes, des réussites, des échecs, des haines ou des amitiés. Il ne s’agit pas d’espérer une audience similaire au barnum télévisuel mais d’admettre qu’aucun effort dans ce domaine n’est vain.

Pour ma part c’est un besoin vital. Je suis convaincu que le jour où je n’aurai plus envie de tenter de lutter contre le fléau des certitudes rassurantes, je perdrai pied. Me servir du passé, de ce que je porte en moi, de ce que j’ai appris auprès des miens pour ouvrir des consciences ou pour allumer une flamme dans un esprit réceptif appartient à mes obsessions. Je ne me nourris pas d’illusions mais j’ai constaté depuis des décennies que les souvenirs servent à éclairer les sentiers de l’avenir. En renonçant à les partager par peur qu’ils n’intéressent personne, on laisse la place à l’Histoire officielle traficotée ou aux aberrations des réseaux sociaux. Et on assiste au débat zémouresque !

Les migrations se ressemblent avec la même ossature, les mêmes causes et les mêmes effets. Les système orienté et exploité à des fins politiciennes laisse accroire que le phénomène actuel n’a pas de précédent. Le combat de la transmission de la mémoire débute pour moi à 75 ans. Je ne possède que les mots pour le mener mais peu importe, la force que l’on leur donne les transforme en armes redoutables !

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Cet article a 7 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Merci Jean-Marie pour cet avis sur la transmission. Tu sais combien je le partage ! Et voici mon adage… « Si tu veux savoir où tu vas, apprends d’où tu viens. »

  2. GRENE CHRISTIAN

    Je n’ai pas encore lu le texte de JMD, mais je voulais faire un petit signe à Laure dont j’apprécie les commentaires et lui dire que, grâce à elle, je me suis remis à l’espagnol qui est pour moi la langue des années-bonheur au lycée. Désolé Jean-Marie, je lis Dante à l’envers!

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Christian
      Bravo ! Ma langue maternelle est si belle. Si tu me donnes ton n° de téléphone sur laure.flamenco@orange.fr, nous pourrions converser en espagnol…

  3. Denise Greslard Nédélec

    Cher Jean_Marie
    Ce billet m »a particulièrement donné à penser …… Comme toi, mon passé d’instit me pousse à, sans le vouloir toujours consciemment, vouloir « transmettre ». C’est un mot qui m’a toujours beaucoup questionné…..Au fond, que transmet-on réellement? Quelques fois des connaissances, moins souvent un savoir, et le plus important n’est-ce pas des valeurs, et ce, par nos propres pratiques?
    Raconter, parler inlassablement de ton histoire, de celle d’autres « immigrés-émigrés », c’est transmettre les valeurs de l’altérité, de l’accueil. C’est donner les éléments de compréhension d’un monde ou d’un temps qui nous sont inconnus. Et tu as raison, c’est ce qui fait grandir personnellement et collectivement.
    Merci de nous le rappeler.
    Je t’embrasse.
    Denise

  4. J.J.

    Bien sûr, j’ai attrapé moi aussi la manie, déformation professionnelle sans doute, de la transmission. Chacun son domaine, le mien c’est l’histoire vécue, mais aussi mes expériences et le savoir acquis dans l’observation de la nature. Je suis plus « naturaliste et historien » que politique, mais aussi acharné.

  5. GRENE CHRISTIAN

    Je n’aime pas le mot « transmission » depuis les années 70. Après mes « trois jours » passés à Limoges pour mon orientation dans le service militaire – on ne disait pas encore national – j’avais été déclaré « bon pour les transmissions » à la suite de divers tests à la con (pagnie). Et tu sais ce qu’il advint: je me suis retrouvé avec toi au 31e RG de Libourne. Eh oui! Le Génie…

  6. Darmian-Gautron Christine

    Un arbre sans racine ça n’existe pas un arbre dont on coupe les racines ça meurt
    La transmission c’est comme la sève qui fait vivre les arbres des racines aux feuilles aux graines qui sèment.

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