Etre et avoir été… tous les jours au contact de nombreux élu(e)s ayant volontairement ou par chute imprévue au suffrage universel, le constat reste le même : il est vraiment difficile de quitter ce que l’on pense être le devant de la scène. Pour des raisons bien différentes ils assument plus ou moins bien une situation les mettant hors du jeu du rôle qu’ils tenaient dans la vie publique. En fait aussi maigre, aussi illusoire soit-il, le pouvoir demeure une drogue dont il faut se désintoxiquer.
Dépression plus ou moins avouée, spleen dissimulée sous le fard d’une attitude bravache, difficultés matérielles inédites, emploi du temps sonnant creux : une rupture souhaitée ou subie provoque bien des vicissitudes. En quelques semaines les relations familiales ou amicales se modifient ou se rompent si la transition n’a pas été préparée. Dans l’hypothèse où le retrait est dû à une défaite électorale, le sentiment d’injustice occulte tout le reste. Il conduit aux pires excès.
Une femme ou un homme politique sortant désavoué par le suffrage universel a bien du mal à admettre sa responsabilité ou celle de ses compagnons d’infortune dans l’échec. « J’en voulais à la terre entière durant quelques semaines explique Bernard battu alors qu’il se pensait invincible. D’abord on ne comprend pas et le résultat défavorable paraît compréhensible. J’avais selon moi tout fait pour le mieux et j’ai été pendant des semaines dans l’impossibilité d’avoir une analyse objective. Des erreurs ? Moi ? C’était inimaginable ! »
Dans bien des cas, le statut d’opposant(e) ne convient pas longtemps. Les listes battues se délite en quelques mois. On ne se revoit plus et la solidarité promise vole en éclats. Bernadette a vite démissionné, a vendu sa maison et a quitté sa commune où elle avait été un temps promise à un bel avenir. « Les circonstances de la vie font que je suis contrainte de déménager mais je ne crois pas que je serai restée » avoue-t-elle . Dans l’ordre des candidatures, les remplaçantes ont renoncé, signe que la motivation n’était pas aussi solide qu’espérée. Il arrive que quinze mois après l’élection il n’y ait déjà plus aucune des « têtes de liste » présentes au sein de l’assemblée communale et les survivant(e)s n’effectuent que des apparitions.
« Je me rends compte à quel point les relations que je pensais solides se délitent vite. Quand je me rends à une manifestation et que je croise des personnes avec lesquelles j’ai beaucoup travaillé me confie Aline les regards se détournent. Je vois bien que je ne compte plus car je ne peux plus rien pour elles. La vitesse à laquelle les gens oublient est foudroyante. J’ai partagé des initiatives, des organisations avec certain(e)s durant une vingtaine d’années mais les « nouveaux » m’ont vite remplacée dans l’esprit de gens qui me doivent beaucoup . Pour me consoler je me dis qu’un jour ce sera à leur tour! » L’amertume se perçoit dans le regard et les propos : « je finirai par m’y habituer ! » lâche-t-elle.
Le repli sur soi, l’enfermement dans un tour plus souvent en béton qu’en ivoire, la crainte de se montrer et surtout les difficultés à se projeter sur d’autres objectifs menacent celle et ceux qui n’ont jamais pensé qu’un mandat n’est qu’un « contrat à durée déterminé ». Un briscard qui a tenu longtemps dans son fauteuil analyse cette situation qui n’existait pas à son époque : « ils font de leur engagement citoyen un engagement professionnel et abandonnent leur boulot ! Il n’y a rien de pire car pour eux l’échec électoral a un retentissement fort sur leur équilibre personnel ! Retrouver du travail après un ou deux mandats relève de la sinécure »
Ces dernières semaines, dans les rencontres on sent bien un autre phénomène : la désillusion des nouveaux élus locaux face à la situation particulière née de la crise. Les illusions s’évaporent avec les temps. Des conflits internes aux équipes majoritaires apparaissent fissurant les promesses de loyauté. « J’ai l’impression de ne servir à rien » Eric, conseiller municipal de base se demande « s’il va rester ». Il s’accorde quelques mois dans un contexte plus proche d’un fonctionnement normal avant de se décider à partir. D’autres n’ont pas attendu !
Tout se complexifie et se crispe dans ces « cellules républicaines » de base que sont les communes. Dans un compte-rendu d’un conseil municipal publié récemment par l’hebdomadaire le Résistant il était conté qu’au moment où Madame la Maire effectuait le points ur tous les efforts consentis par son équipe pour que la rentrée scolaire se déroule dans les meilleurs conditions l’un de ses opposantes a pris la parole. Elle a dénoncé le fait que « l’on ait servi au restaurant scolaire de la ratatouille ce jour là alors que des pâtes ou des frites auraient été un meilleur choix pour le moral des enfants ! ». A ce niveau là le démocratie locale a du souci à se faire !
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« Des pâtes ou des frites à la place de la ratatouille (de saison) », c’est de la santé des enfants et non de leur moral qu’il faut s’inquiéter…
@ à Philippe
Bien dit !
Les vrais amis sont peu peu nombreux. Quant aux amis de pacotille, ils se comptent à la pelle…
Une collègue, ancienne élue, m’a dit lorsqu’elle a appris que j’étais candidat : « Pour pouvoir faire quelque chose, il faut être maire. » J’ai pu constater qu’elle avait raison. Mais je suis content du fond de mon placard (à 300 € par mois) d’avoir vu fonctionner une mairie de l’intérieur. Heureusement il y a eu les 13 mariages et le parrainage civil que j’ai célébrés qui resteront comme les meilleurs moments de ces 6 ans.
Aujourd’hui, dimanche, nous sommes tous et toutes condamnés à relire le « Roue Libre » du samedi…
Pour avoir moi aussi été élue, je peux affirmer qu’en tant qu’adjointe à l’emploi et à la formation (il y a de cela très longtemps…), j’ai eu l’occasion d’apporter une aide à des jeunes et à des femmes sans formation qui rencontraient d’énormes difficultés à trouver un emploi… Je crois bien avoir fait œuvre utile !