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La lassitude et la révolte du sapeur-pompier

En une dizaine d’étés girondins où j’assumais la permanence au département, deux incendies (Lacanau en 2012 sur 650 ha et Saint Jean d’Illac sur 600 ha en périurbain en 2015) m’ont permis de mesurer ce que peut-être la situation de ces derniers jours dans le Var. En juillet et août les sapeurs-pompiers déploient une énergie, un courage et une technicité loués dans tous les médias et par tous les responsables politiques. La rentrée passée on oublie aisément leur intense participation 24 heures sur 24 et 365 jours par an à la sécurisation des personnes et des biens. La période n’est jamais plus au calme !

Retrouver Michel, professionnel dans une caserne de l’agglomération bordelaise sur une terrasse enfin ensoleillée permet une nouvelle rencontre d’actualité. En congés depuis peu de temps il apprécie le café symbole d’un répit dans la pression quotidienne qui pèse sur son métier depuis maintenant quelques mois. Rien de nouveau car en Gironde, même sans « catastrophe majeure » le service d’incendie de de secours n’a jamais connu ces dernières semaine de répit. L’augmentation de la population, l’afflux de touristes, la Covid, une évolution des mentalités et les difficultés se l’hopital public plombent le quotidien du SDIS 33; 

« La situation est cet été, extrêmement tendue. Nous sommes à la limite des capacités humaines et matérielles. S’il arrivait un événement comme celui du Var le système exploserait car même sans un tel besoin de moyens nous avons du mal à faire face à toutes les sollicitations. » Michel que je connais depuis quelques décennies ne triche pas. Il n’a jamais cessé de me faire partager son inquiétude objective. « Si rien ne bouge vraiment il y aura un jour, dans des délais plus ou moins longs, un clash social mais aussi probablement de graves soucis avec les moyens disponibles. » Selon lui « seules les pluies récentes et l’humidité ont peut-être évité de mettre en évidence une crise. On dirait que tout le monde croise les doigts avec l’espoir que le pire n’arrivera pas »

En fait quel que soit le caractère dramatique d’un incendie potentiel en Gironde de même nature que celui de Cogolin, Gonfaron ou Bormes les Mimosas, autant de noms qui fleurent bon la garrigue et les vacances, les problèmes se trouvent ailleurs. Chaque jour, en Gironde, le nombre des sorties pour « secours à personne » ne cesse en effet de grimper. « Nous sortons pour tout et n’importe quoi sous prétexte que tout le monde ouvre plus que le parapluie pour éviter une mise en cause potentielle. Tiens, l’autre jour, nous avons été envoyés avec un véhicule de secours pour un enfant qui avait mangé trop de… bonbons ! Les relevages de personnes ayant chuté de leur lit, des individus ivres sur la voie publique et des bobologies de vacances présentées comme dramatiques, représentent près de 40 % de notre travail.» Michel et ses collègues n’en peuvent plus avec ces fameuses « carences » qui relèvent du médico-social et absolument pas de la définition de leur rôle.

Il faudrait un changement des mentalités. Les médecins en vacances (et c’est normal), leur raréfaction en milieu rural, l’absence de vrais services de garde effectuant des diagnostics rapides et des petites interventions comme deux points de suture conduisent alors que la pression de la pandémie est forte, à un engorgement des urgences. «  J’ai attendu récemment plus de deux heures avec un blessé léger dans l’ambulance. Parfois quatre ou cinq véhicules patientent manquant durant ce temps sur le terrain. Rien ne s’améliore car les mesures annoncées ne suffisant pas à combler l’augmentation de sollicitations ». Michel est bien content de ne pas être ce week-end au boulot.

On en arrive au quotidien à des décisions totalement surréalistes. Compte-tenu du fait que les équipages restent statiques pour des durées imprévisibles il leur a été indiqué par circulaire qu’ils pourraient, s’ils le demandent, « livrés  en repas froids sur place en attendant la prise en charge de leurs victimes ». C’est pour maintenir leur niveau « hydre-énergétique » (sic) car dès qu’ils seront de retour ils devront réarmer le véhicule, le désinfecter éventuellement et repartir ! Michel en sourit. « Je ne vois pas en quoi le fait de pouvoir pique-niquer aux urgences du CHU va améliorer les choses. On pourrait aussi nous porter la nuit des lits de camp ! »

Le café a une saveur particulière car l’été, plus que jamais, devient la saison de tous les excès et toute période de calme est bienvenue. Septembre risque donc d’être « chaud » car la grogne ne faiblit pas. Michel prévient : « nous avons déjà envisagé de demander aux personnels des urgences de se joindre à nous pour dénoncer ce qui ne sera plus supportable pour eux et pour nous ! Peut-être qu’il y aura une prise de conscience. En attendant il vaut mieux que nous échappions à un événement grave ! »

Cet article a 8 commentaires

  1. GRENE CHRISTIAN

    Tant pis, j’ose!
    Var: feu. Vaucluse: feu. Anjou:. feu! Et, pendant ce temps-là, le sapeur Camembert est au Bengale. Pas pour chasser le tigre, non, mais y tirer ses derniers…
    J’arrête là, sinon je vais finir sur le bûcher.

  2. Laure Garralaga Lataste

    Et à tous ces soucis et stress énumérés par Michel s’ajoutent les attaques assassines et indécentes d’individus barjos dont on peut se demander s’ils sont réellement fous ! Ces pyromanes ne sont-ils pas en réalité conscients de ce qu’ils font… ?
    Mais à cela il convient également de souligner l’inconséquence « d’appels… pour un oui pour un non » !
    Jusqu’où irons-nous ? Quel avenir possède une génération d’égoïstes ignares ?

  3. Armand Philippe

    Triste mais ce métier appartient aux passionnés et on en profite il faut que les choses changent courage Philippe

  4. Laure Garralaga Lataste

    Je me suis emportée…! Et mes mots ont-ils dépassé ma pensée ?
    Comment expliquer « ces sanglots longs de l’automne… » qui…  » bercent mon cœur d’une langueur monotone »…

  5. François

    Bonjour !
    M’extirper de ma léthargie estivale, c’est ce que tu viens de réussir, J-M, avec ton billet sur ces  valeureux héros (eux aussi!) que sont les soldats du feu.
    En effet, la trame de ce feuillet, bien qu’un soupçon romancé par ta faconde méridionale, est, malheureusement … bien réelle !
    Je ne m’attarderai pas sur les effets déplorables que te signale ce Michel que je reconnais dans tous les pompiers bénévoles ou professionnels c’est-à-dire souvent anciens bénévoles, donc des humains fiers de rendre service mais que nous sommes en train d’écœurer par l’abus facile et inconscient du  « j’ai droit ».
    Pour éviter le remède habituel genre cataplasme sur jambe de bois, recherchons plutôt les causes qui ont engendré ces effets désastreux. Et là, je sens que beaucoup de lectrices et lecteurs (y compris moi-même) vont être contraints de faire leur mea culpa.
    Il faut bien reconnaître que, par trop grande facilité voire par rejet du service à autrui ( ou, dans certains milieux, à son prochain!), nous avons tous tendance à faire appel à ce service d’aide dont, rappelons-le, le but premier est le combat du feu. Comme exemple, je citerai ces médecins qui préconisent à la place d’ambulance privée ce service gratuit …enfin presque car il y a bien sûr un payeur ! Pour les relevages de personnes, conséquence indirecte du maintien à domicile, des secouristes locaux devraient être sollicités surtout que ceux-ci ont reçu une formation souvent gratuite pour d’autres buts mais deviennent souvent autruches quand le service doit être … rendu ! Il est un temps certes un peu lointain où les voisins qui se connaissaient et se côtoyaient : le service était alors vite efficace car vite rendu et … nouait de solides liens amicaux et conviviaux. Maintenant, la clôture du jardin contient plus de briques que l’habitation ! On ne se connaît plus, donc on ne s’entraide pas !
    Quant aux individus ivres sur la voie publique : il y a moyen de faire la fête sans atteindre la cuite mémorable au lendemain douloureux. Laissez donc un autre corps de services, vêtu de bleu se charger de la besogne : ils apporteront la solution de l’efficacité durable …même si les clodos ont toujours existé !
    Un autre exemple, les écoles : dans notre lointaine enfance, l’instituteur connaissait l’usage de l’alcool à 90°, de l’eau oxygénée et du mercurochrome souvent issus de sa pharmacie alors que maintenant, malgré la présence de la trousse premiers secours, l’appel des pompiers est devenu obligatoire par les Normes et…les parents ! Soyons conscients qu’un genou ou un coude égratigné voire une cheville foulée n’ont jamais été mortels.
    Encore un exemple tout récent qui semble être admis par tout le monde : comment peut-on mobiliser des pompiers pour … vacciner contre la Covid 19 ? Je veux bien qu’ils soient les As (exposés) de la lance à incendie mais PAS DE LA SERINGUE ! Là aussi, ils ont autre chose à faire !
    N’oublions pas que, pour répondre au désir des demandeurs, les pompiers ont acquis un tel niveau de diversification que nous les retrouvons partout. Bien sûr, je citerai le feu mais aussi la route, les explosions , effondrements et tremblements de terre, les orages,les épreuves sportives, la sécurité des bâtiments publics, le milieu périlleux (Chapeau le GRIMP pour un chat sur la gouttière ou un chien dans un puits !), les accidents domestiques, les inondations, le cheval envasé ou le serpent échappé, etc, etc. Cette diversification que l’on ne peut que glorifier, bien que doublée d’un solide entraînement, entraîne des surcharges de fatigue qui nuit au bon service de ce corps glorieux.
    Non, Mesdames , Messieurs, ils ne sont pas présents que pour les cérémonies officielles avec tenue d’apparat : ce n’est qu’une reconnaissance bien méritée d’un service …au public !
    Demain, sur la route du retour de vos vacances, n’oubliez pas de leur laisser le passage même si leur sirène trouble vos derniers rêves ensoleillés : ils s’activent pour nos vies, celles de nos proches et pour nos biens !
    Disons leur :
    « MERCI ! »
    Cordialement.

    1. François

      …la trame un soupçon romancéE…
      Avec mes excuses ! !

      1. Laure Garralaga Lataste

        @ à François…
        Je ne vois pas ! Pourquoi ces excuses ?

        1. François

          Bonjour Madame !
           » Pourqoui ces excuses ? »
          Mais Madame l’institutrice … à la retraite (! !), si vous le voulez bien, reprenons le texte avec la correction:
          « En effet, la trame de ce feuillet, bien qu’un soupçon romancée par ta faconde méridionale »
          Sauf erreur de ma part, il apparait que « romancé » est bien un participe passé employé comme adjectif qualificatif de trame et non de soupçon, employé dans le sens « d’un peu ». Donc, selon notre bible certainement commune de M. et Mme Bled, véritable best seller de notre période scolaire, l’adjectif qualificatif s’accorde en nombre et en genre avec le mot auquel il se rattache soit trame donc ….romancée ! D’ailleurs, nous pouvons remplacer romancée par « faite » … du verbe faire, verbe du 3ème groupe.
          Oui ! Je sais bien qu’à l’époque du style SMS, ces babioles sont (ou font ) vieux jeux, que dis-je ringards. J’avourerai simplement que, peut-être, je suis un peu traumatisé par l’astuce de mon professeur de français en école d’agriculture, un ancien instituteur, vous connaissez bien, un de ces hussards noirs de la République ! Je vous transmets celle-ci:
          « N’oubliez jamais que, dans un texte, une faute d’orthographe est une insulte envers le lecteur! »
          À bon entendeur, salut !
          Sans aucune rancune et en souriant !
          Respectueusement

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