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Agression…Action… Réaction…Illusion !

La France reste un pays exceptionnel dont la devise devrait être souvent synthétisée dans une formule « action… réaction » qui accompagne tout le parcours des pensionnaires  d’un internat de rééducation pour mineurs, appelé « Fond de l’Étang ». Le film « Les Choristes » illustre l’échec de la forme quand il est impossible de se pencher sur le fond. Ainsi dès qu’un événement émeut l’opinion publique il est inévitable que le pouvoir, quel qu’il soit, s ‘en empare sans se poser la moindre question sur les causes et annonce des mesures répressives ou réglementaires pour répondre dans l’urgence. « Action » des un.e.s et … « réaction », sous la pression, des autres !

C’est le cas après la mort, début août, du maire de Signes qui tentait d’enrayer un dépôt sauvage de matériaux de démolition. Il a payé de sa vie sa seule volonté de faire respecter la loi comme lui en fait obligation son statut d’officier de police judiciaire. Le maire et ses adjoints ont en effet la qualité d’officiers de police judiciaire en vertu de l’article 16 du Code de procédure pénale, rappelé par l’article L.2122-31 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). A ce titre, ils disposent des mêmes prérogatives. Le problème n’est donc pas sur leur rôle mais sur les moyens qu’il a pour agir selon les textes en vigueur. Quand à le mettre en oeuvre c’est une autre histoire ! 

Bien évidemment un Ministre a trouvé la solution qui va changer la donne : « en cas d’agression sur un maire, l’Etat prendra en charge l’accompagnement psychologique et juridique. » Je résume quand l’élu aura été insulté, vilipendé, tabassé, blessé… il aura droit à un avocat payé par l’Etat (signalons que tous les Maires ont une protection juridique par le biais d’une assurance de la commune ou une assurance personnelle) et un.e psychologue (déjà prise en cause avec un certificat médical)… Du foutage de gueule! 

C’est pour l’opinion publique « action… réaction »… mais surtout communication mais plus encore désolation ! On se trouve face à l’absurde de notre système basé sur la négation des réalités et dans l’addition de textes ésotériques sans aucune efficacité car inapplicables. C’est un cautère sur une jambe de bois ! Une annonce débile! 

Selon des statistiques non exhaustives du ministère de l’Intérieur, 361 maires et maires adjoints ont en effet été victimes en 2018 d' »atteintes volontaires à l’intégrité physique ». Près de 60% de ces élus (261) ont été victimes de menaces ou de chantages et 40% (145) de « violences physiques non crapuleuses ». Au-delà de ces atteintes, 178 élus ont été victimes d’« outrages à dépositaires de l’autorité ».

En janvier dernier, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) du ministère de l’Intérieur avait publié des statistiques plus générales sur les violences commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public (policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, agents de surveillance de la voie publique…). Pour 2016 et 2017, la note dénombrait 35.420 auteurs de violences contre ces personnes et recensait 241 cas ayant entraîné la mort…. En 2019 c’est pire !

Le 6 mars 2014 j’ai été violemment agressé à quelques jours de la fin volontaire de mon mandat de maire pour avoir osé tenter d’arrêter le saccage, par un trio de majeurs dans un état second, que je connaissais bien, d’un aménagement coûteux sur un giratoire à quelques dizaines de mètres de mon domicile. Connus pour leurs exactions répétées, ivres (pour ne pas dire autre chose) sur la voie publique, ils m’ont pourchassé, frappé et fait tomber avant de me tabasser devant mon domicile. Heureusement que mon épouse m’a entendu crier à ouvert la porte car elle m’a probablement sauvé.

La Gendarmerie étant indisponible (les seuls gendarmes de service recherchaient à 15 kilomètres une mineure en fuite), n’ayant pas de police municipale j’avais agi, je le crois, en simple citoyen soucieux de préserver le bien public. J’aurais bien pu connaître un sort similaire à celui du premier magistrat de Signes s’ils avaient eu une « arme ». J’en suis toujours persuadé.

Arrêtés 48 heures plus tard en fuite vers l’Espagne pour l’un d’entre eux et en Gironde pour les deux autres ils ont reconnu les faits expliquant que ce n’était pas leur faute mais celle de l’alcool qu’ils avaient massivement absorbée. Ces derniers ont été cités en comparution immédiate au tribunal où je me suis rendu… avec l’avocat de la commune. Ils ont été condamnés (1) mais le troisième qui a été le plus violent… n’est jamais passé en justice ! Le procureur alerté par mes soins m’a simplement répondu avec un imprimé standard que « l’enquête n’était pas terminée » (sic) deux ans plus tard! 

Si le jugement a été prononcé…envers deux agresseurs dont l’un que j’avais sorti de situations délicates, il n’a jamais été exécuté sur le volet dédommagement et réparation touchant ma personne. J’ai été contraint de payer un huissier de ma poche (300 €) pour essayer simplement de le faire respecter. A deux reprises il m’a été demandé d’abandonner mon action car il était impossible de les retrouver alors que je les voyais chaque jour sur la commune dont j’avais été Maire. Pas un euro n’a été versé à la mairie… Si j’avais eu le concours juridique de l’Etat et un.e psychologue tout aurait été différent.

Cinq ans plus tard plus de nouvelles. Rien ! Mes courriers sont restés sans réponse. C’est oublié. C’est effacé. C’est forclos et dans le fond j’aurais mieux fait de rester chez moi ce soir-là devant ma télé à écouter un ministre expliquer que le « statut de l’élu » allait changer. Action… réaction… illusion !

(1) Les prévenus ont été reconnus coupables et condamnés à 240 heures de travaux d’intérêt général, assortis de cinq mois de prison avec sursis. Peine exécutable s’ils n’accomplissaient pas les heures de TIG. Le troisième individu identifié à la suite de l’agression devait être jugé ultérieurement (sic) . Il était indisponible pour cause de comparution devant un autre tribunal correctionnel. Celui de Foix, devant lequel il devait répondre de vol et de recel de produits stupéfiants.
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Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Consternant !
    Quand on a affaire à une certaine justice, il semblerait qu’il vaut mieux arborer un casier judiciaire qu’un gilet jaune.

    Il y a cependant des maires (et certains autres personnels politiques, nuisant ainsi gravement à la cause des élus) qui bénéficient d’une protection contre la justice aussi efficace que celle des malfaiteurs ; suivez donc mon regard du coté de Levallois Perret….

    1. Laure Garralaga Lataste

      C’est d’autant plus désespérant que la même attitude et les mêmes conclusions sont à déplorer sur les violences faites à d’autres victimes « femmes, homosexuel.e.s, handicapé.e.s… Il faut qu’il y ai « mort d’homme » pour que la justice aille à son terme.

      1. J.J.

        Et encore, ce n’est pas toujours certain, l’assassin de Jean Jaurès n’a subi qu’une minable peine de principe.
        Et où en est-on des conditions de la disparition de Steve dans la Loire ?

  2. LAVIGNE Maria

    Qui fait encore confiance à la justice de notre pays ? Manque de moyens, de formation, enterrement de première classe quand cela gêne la France d’en haut, leurs intérêts. Alors que pèse un élu de terrain, un citoyen lambda face à cela ? C’est d’un grand coup de balai dont nous avons besoin, mais chut, un Bordelais n’est-il pas en charge de réformes promises par Jupiter. Un peu de patience, les élus des territoires, les pauvres, ceux qui ne sont rien peuvent attendre

  3. Jacques C.

    Depuis de très nombreuses années l’exécutif national et malheureusement les représentants du peuple (de quel bord ils soient) lorsqu’ils ont voté comme des béni-oui-oui les lois présentées par les majorités successives dont ils étaient membres ont détricotés avec entrain tous les services et institutions qui les auraient empêchées de détourner en ronds ou de servir l’intérêt général de la nation bien contraire à leurs intérêts où à ceux de leurs mandants (du moins ceux les plus aisés). Suppression des services de contrôle des impôts, du travail, suppression des tribunaux de proximité autorisant ainsi l’engorgement des autres instances juridiques. Votant des crédits budgétaires pour les services juridiques largement inférieurs à ceux votés par les autres pays européens de même grandeur, ce qui fait de la France la première république bananière européenne (37ème sur 43 pour le pourcentage du PIB affecté à la justice- 3% contre 10% en moyenne – source rapport de Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) du 25 octobre 2010). Il n’est pas sûr que ce se soit améliorer depuis.
    D’après ce rapport
    – la France comptait 3 procureurs pour 100 000 habitants, alors que ce chiffre est de 10,4 dans les autres pays du Conseil de l’Europe.
    – la France compte 9,1 juges professionnels pour 100 000 habitants (en 2008, ils étaient 11,9). La moyenne européenne est de 20,6.
    – la France reste classée 39 ème sur 45 au nombre de fonctionnaires alloués à la justice pour 100 000 habitants. Avec 29,1 fonctionnaires de Justice pour 100 000 habitants, l’hexagone est ainsi derrière l’Arménie et la Géorgie.
    La dernière remarque est à mettre en parallèle avec les difficultés dénoncées par Jean-Marie pour l’exécution des décisions de justice. Mais comme il y a toujours trop de fonctionnaires on préférera embaucher toujours plus de contractuels entièrement dévoués à celui qui les nourrit, que de gens soucieux envers et contre tout de l’intérêt général, ou bien créer pour des coût faramineux des comités Théodule qui serviront de bases de recul aux copains à recaser.
    Quand à l’issu du grand débat national, on traduit la forte demande de la majorité des participants d’une plus grande justice fiscale par un soi-disant ras le bol fiscal on comprend de suite les intérêts des français ne sont pas les mêmes que ceux de nos gouvernants et de leurs amis.

  4. Morland

    Oui, écœurant, comment peut-on encore parler de Justice dans ce pays ? Comment une potentielle victime pourrait-elle oser porter plainte puisque sa voix ne serait entendue que par son/ses agresseur(s) ? Comment pourrait-elle ne pas être terrorisée par des représailles ? De plus, vous décrivez les frais à débourser que tout un chacun ne saurait être en capacité de payer… Alors oui, un « mortel » dysfonctionnement de plus dans notre cher pays… J’ignorais ce fait qui vous a touché, et j’en suis écœuré car je connais votre engagement pour autrui et cela me révolte encore davantage même si personne ne mérite un tel outrage.

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