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La République quitte les villages avec les Maires

A part si l’on est particulièrement motivé(e) par une appartenance partisane il est évident que la fonction élective au plus bas de l’échelle, dans le véritable cellule essentielle de la République qu’est la commune, n’a plus grand intérêt. Elle devient même pesante et bien des conseiller(e)s municipaux ont quitté depuis 2014 la table des réunions auxquelles ils sont conviés… et selon l’AFP « usés par leur fonction, de plus en plus de maires jettent l’éponge à moins de deux ans de la fin de leur mandat ». Selon « un calcul réalisé à partir du répertoire national des élus en tenant compte de l’effet du non-cumul des mandats, le nombre de maires ayant quitté leur fonction depuis 2014 est en hausse de 55 % par rapport à la précédente mandature ». Ce constat objectif confirme ce que j’ai ressenti en 2014 et que j’avais expliqué dès le 9 mars 2013 au moment de mon annonce à renoncer à un nouveau mandat de maire (1). Rien ne fait regretter ce choix car depuis la situation a empiré et ne cesse d’empirer chaque jour davantage.
La première des responsabilités en revient à une opinion publique obnubilée par le comportement dévastateur d’un nombre très réduit de « grand(e)s » élu(e)s qui ont contribué de manière angoissante à la dévalorisation de celles et ceux qui avaient bénéficié de la confiance du suffrage universel. Une douzaine de situations médiatisées ont ruiné le respect antérieur que l’on avait pour les représentant(e)s démocratiquement choisis dans une collectivité territoriale. Confondant « indemnité » et « salaire » sur la base de chiffres souvent fallacieux car décalés de toute réalité, accusés de tous les dysfonctionnements d’une société déréglée à tous les niveaux, démunis face à un État de plus en plus exigeant et de moins en moins efficient, écrasés par des transferts de responsabilités croissantes, dévalués par la loi NOTre (2) qui les a souvent contraints à se fondre dans des intercommunalités au sein desquelles ils n’ont plus aucun rôle les maires essuient les reproches d’une population qui leur prête des pouvoirs qu’ils n’ont plus. Ils sacrifient souvent leur santé, leur vie personnelle et surtout leur temps sans d’autres retours que la provocation, la contestation, le dénigrement et parfois l’insulte. Plus rien ne leur est épargné… au nom du fait qu’élu(e) il doive aux autres la résolution immédiate des problèmes individuels ou collectifs. S’ils n’y parviennent pas ils sont vite accusés d’être « inutiles » ou « incapables ».
J’éprouve actuellement la même crainte concernant les conseillers départementaux. Lors de la réunion tenue à Bourg sur Gironde par le Ministre, éminemment sûr de lui, des comptes publics (3), a démontré cette suffisance du pouvoir à l’égard des maires inquiets sur leur capacité à répondre à la pression des administré(e)s sans avoir les ressources nécessaires pour le faire… « Circulez y a rien à espérer » si ce n’est que Bercy vous accordera le droit de gérer votre collectivité comme il l’entend et le souhaite. C’est cette distance effarante entre la vision technocratique insolente d’une France qui serait ruinée par l’inconséquence de ses collectivités locales qui a rend la situation actuelle insupportable. Toute contestation est vécue comme un crime de lèse-majesté « énarchique » et toute crainte sur la disparition programmée des communes est balayée d’un revers de la main. Les maires ou les conseiller(e)s départementaux sont accusés d’être les fossoyeurs des comptes d’une nation en faillite depuis des décennies…et ils en ont assez d’être désignés comme des coupables de cette situation par le niveau national ! L’affaiblissement de la conscience citoyenne est évidemment une formidable opportunité pour un État recentralisateur !
Le fameux « tous pourris » entretenu médiatiquement par la sortie tonitruante de faits divers en tous points similaires à ceux que l’on trouve dans la vie économique ou plus largement sociale est ancré dans les esprits. C’est une véritable souffrance de voir que développer une contestation « politique » au sens réel de ce terme, prend vite des allures de « délit ». L’État étrangle lentement mais sûrement les communes (et même certaines intercommunalités de faible taille) afin de les contraindre à s’éteindre doucement par manque de forces vives. Ainsi le rapport CAP 22 qui profile les réformes à venir indique : « Au niveau maternel et élémentaire, nous préconisons de transférer les compétences scolaires et périscolaires au niveau intercommunal, afin d’assurer une meilleure péréquation et une plus grande équité dans la répartition des moyens sur le territoire ». Cette solution qu’un certain René Monory avait voulu déployer il y a 20 ans signifierait purement et simplement la disparition déjà bien entamée de la République sur des territoires mal en point. Les Maires confrontés à des demandes croissantes de services communaux ou intercommunaux de proximité vont devoir assumer la disparition du seul qui leur restait parfois à gérer : l’école !
Désormais tributaires de dotations décidées dans la loi des Finances il leur restera à subir ou à partir avec le sentiment de s’exposer dangereusement dans une fonction qui reste qu’on le veuille ou non une affaire de citoyenneté active au service des autres. Un boulevard pour le Front National dans le monde rural… qui surfera sur le « sentiment » d’abandon devenu réel!

(1) https://www.francetvinfo.fr/elections/municipales/video-elections-municipales-en-gironde-le-maire-de-creon-a-le-blues-du-maire_534353.html
(2) J’ai toujours été hostile à cette loi…qui a complexifié encore plus les compétences des collectivités et coûte plus cher au contribuable que la situation antérieure.
(3) Sud-Ouest du 9 juin 2018

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Cet article a 5 commentaires

  1. FLORES Robert

    Bonjour Jean Marie DARMIAN, dont je lis régulièrement les publications et partage souvent les analyses et les valeurs.

    Permettez-moi d’objecter qq points de vue à partir de votre intéressant article, et faisant référence à des choses vécues ou des analyses personnelles:

    Au préalable : la chose politique a été en effet bien abîmée : plusieurs raisons :
    a) les élus n’ont finalement que peu de pouvoir sur le fonctionnement de la société, ce sont les forces économiques et financières qui gouvernent le monde……vers sa perte…..
    b) un certain nombre d’élus, à tous les niveaux, depuis longtemps, ont eu des comportements amoraux ou délictueux, et cela continue……, donc cela a discrédité les fonctions d’élus et dévalorisé la Res Publica…

    C’est pourquoi, dans ce contexte, l’association d’opposition que je présidais à l’époque, avait rédigé, après de longues heures de travail, une charte engageant le futur maire et les élus :

    Projet de charte au 17.02.13 JR/RF

    Les candidats soutenus par l’association L….. Ensemble :

    – appliqueront les principes de défense des valeurs républicaines de Liberté, d’Egalité, de Fraternité et de Laïcité ;
    – considèrent comme autant de délits le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la discrimination suivant des critères d’origine, de religion, d’âge, de sexe ou de culture et le révisionnisme ;
    – rejettent les idées exprimées par le Front National et n’envisagent avec ce parti ou ses représentants aucune alliance tant au plan national que local ;
    – s’engagent à travailler ensemble, dans l’intérêt de la Commune ou de la Communauté d’Agglomération, malgré d’éventuelles appréciations différentes de la politique extérieure à la vie communale ou communautaire ;
    – s’engagent à défendre le pluralisme entre eux et dans l’exercice futur de leur gestion municipale ou communautaire ;
    – s’engagent à une solidarité d’action et d’expression publique durant la campagne et leur mandat ;
    – s’engagent à une totale transparence de leur usage des fonds publics dont ils auront la charge ou le bénéfice ;
    – s’engagent à rendre compte auprès des adhérents de l’association des orientations prises par la municipalité et des réflexions en cours.
    – affirment ne rechercher, à travers l’exercice de leur mandat :
    – aucun bénéfice personnel ou familial ou amical ou autres ;
    – ni n’avoir aucun compte à régler avec qui que ce soit, sur les territoires communal, cantonal, communautaire, départemental, régional, national ou international.

    – affirment vouloir se dévouer à l’intérêt général (étant bien entendu que la somme des intérêts particuliers n’est absolument pas égale à l’intérêt général).

    Nous n’avons finalement pas présenté de liste……mais nous sommes toujours dans le champ politique à travers la citoyenneté active, notamment par le biais de soirées Ciné-débats.

    Pour en revenir à votre article, certes les Maires sont importants, mais plusieurs critiques :

    1) la posture du surhomme nietschéien ou jupitérien de certains d’entre eux ne me convient pas du tout. A la longue, ils oublient de partager avec leur équipe, et mieux encore avec tous les élus.
    2) celle du menteur, tricheur non plus,
    3) celle et méprisant de l’opposition, diviseur, attiseur de rejet et de dévalorisation de l’opposition non plus.

    Autre point plus global :
    4) 36000 communes! Est-ce bien raisonnable? en termes de moyens, de dépenses, et finalement de services offerts à la population, etc.
    L’intercommunalité me semble un bon échelon d’optimisation de ces paramètres, sauf qu’il faut accepter de « perdre son clocher », c’est à dire son « maire omniprésent mais pas omnipotent » (ce qui semble impensable pour nombre de personnes pour qui le Maire représente une sorte de référence suprême), et accepter de perdre le pouvoir total sur son territoire en le partageant à une échelle plus grande.

    Mais on touche là à une donnée psychologique incrustée profondément chez la plupart, à savoir que « je ne serai plus maître chez moi, je vais devoir composer avec d’autres, avec des « étrangers », voire des adversaires ou des ennemis », se posant alors la question de l’altérité : qui suis-je si je suis pas moi tout seul ?

    Et cette donnée se retrouve à tous les niveaux terrritoriaux, jusqu’au niveau européen, où chaque nation a du mal à se penser mariée ou soeur avec d’autres….on veut bien l’euro mais on garde son armée, sa justice, ses prisons, etc.

    Je vous prie d’agréer l’expression de ma considération et reste ouvert à la discussion.

  2. TRUPIN

    Jean Marie

    je viens seulement de pendre connaissance de ton point de vue quotidien et aussi du commentaire qui en est fait par Robert Florès. Mis bout à bout ces deux textes transpirent de la même veine Républicaine. Le second prône un système idéal dans un monde et avec des hommes et des femmes qui le seraient aussi. Le premier, le tien, apporte l’analyse d’un acteur qui a beaucoup fait, beaucoup vu, qui a pénétré bien des sphères du pouvoir et qui a aussi côtoyé celles et ceux qui sont les chevilles ouvrières de la gestion quotidienne de la France. Je veux parler des maires et des conseillers municipaux, on ne dira jamais assez combien ils sont indispensables, combien leur rôle est important et combien ils sont parfois décriés. L’élu local, celui des petites communes , à l’inverse de celui des grandes villes, doit tout savoir. Du jour au lendemain, après son élection il doit être juriste, architecte, conciliateur,entrepreneur, , pédagogue, gestionnaire …etc…etc? Ces tâches sont prenantes mais exaltantes, nous sommes des centaines de milliers à être fiers de les faire ou de les avoir faites et ce n’est pas le comportement hautement condamnable de brebis galeuses qui me fera changer d’avis.
    Par contre, l’évolution du comportement de certains élus m’étonne. Dans le temps, et il n’y a pas trop longtemps, dans les communes de l’importance des nôtres, être élu était un honneur. On arrivait au conseil municipal avec des idées pour mettre en oeuvre une politique, mais pas souvent pour faire de la politique, bien que l’on a coutume de dire que toute action est politique. On parlait du village, de l’intérêt des gens qui y habitent, c’était l’école, les routes, le sport, l’entretien des bâtiments communaux, les fauchages (!!) l’eau, l’assainissement, les trans ports scolaires, la vie des syndicats intercommunaux et de bien d’autres choses. Lorsque l’on était autour de la table du conseil, maire, adjoints ou conseillers, nous avions bien sûr des mots différents pour le dire, mais tous n’avions qu’un but, l’intérêt de la commune avec une vision réelle de ses besoins. Fort heureusement il arrivait bien que les moyens pour y arriver divergent, mais ce n’était pas de l’opposition pour l’opposition, nous étions tous du même village, beaucoup y étaient nés, d’autres s’apprêtaient à y passer leur vie, le village que nous gérions était notre village tout ce qui se faisait l’était pour nous et nos enfants.Chacun avait sa tâche, le maire assurait une présence quasi permanente, les adjoints et les conseillers avaient un domaine d’action en fonction de leurs compétence et de leur disponibilité…,
    Les choses ont bien évolué, la sociologie de beaucoup de communes s’est modifiée, les habitants ( donc les élus aussi) sont plus mobiles. On ne reste plus « au village » on y habite un temps et il n’est pas rare de voir des démissions dues à des évolutions professionnelles ou familiales. Le mode de scrutin avec l’instauration d’une liste d’opposition et aussi l’intercommunalité ont complètement modifié le comportement de bien des élus. Aujourd’hui on s’oppose par principe parce que l’on est de l’opposition, en oubliant que si l’on est dans cette position c’est que l’on a été désavoués par les électeurs et perdu les élections. A force de n’être pas entendue l’opposition ou bien se rallie au moins sur des projets d’intérêt locaux ou alors s’essouffle et progressivement abandonne la salle du conseil . C’est un peu la même chose avec l’intercommunalité, en transférant des compétences on dilue le rôle des conseillers de la commune qui voient se traiter ailleurs les problèmes de leur territoire. Leur intérêt pour la gestion locale s’estompe et progressivement ils s’éloignent de la table du conseil.
    C’est ainsi, que faute de quorum, on voit se multiplier le report de réunions et que d’importantes décisions se prennent quelques jours après avec un tiers ou un quart des conseillers ou des délégués de syndicats intercommunaux.
    Il y a aussi tous les aléas dont parle si bien JMD, les tracasseries administratives, les coupes budgétaires, les subventions qui se raréfient. C’est un monde d’administration communale nouveau qui s’ouvre. La vie va vite, les critères changent , les périmètres de gestion vont s’élargir, l’intercommunalité est faite pour ça. Les gestionnaires de ce nouvel espace seront aussi des élus de leurs concitoyens, ils auront, comme les professeurs des écoles sont les héritiers des hussards noirs de la République, la noble et enthousiasmante fonction d’être les garants de la République G.T.

  3. JJ Lalanne

    Beaucoup de sincérité dans tous les exposés mais ça n’ empêche pas de frémir quand on voit sur le terrain l’ usage fait de fonds publics et de se poser des questions quand aux limites des compétences techniques. Comment parfois ne pas se demander si certains ne sont pas aveugles pour ne pas voir le comportement de leurs proches à moins d’ en être complices. Je pense plutôt que la sincérité peut parfois, comme un dopage, aveugler par excès d’ enthousiasme. Soutien absolu de ma part aux élus sincères, tout de même.

  4. J.J.

    De dérives en dérives, on peut avoir l’impression que ce gouvernement, dont les membres se font surtout remarquer pas leur incompétence, leur roublardise, leur arrogance et leur mépris envers le Peuple, vont nous ramener au système de gouvernement d’une époque maudite où les maires étaient désignés parmi les « notables (?) par décision administrative.

  5. bernadette

    il s’agit des communes qui ne sont pas une institution republicaine

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