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Les critériums permettent d’écrire l’épilogue de la légende

Je ne compte plus le nombre de mes participations au Critérium cycliste de Castillon. J’ai accompagné comme journaliste, comme invité, comme spectateur, comme élu la bataille sur la côte de Belvés avec toujours le même plaisir, celui de plonger dans cet univers intouchable habituellement du sport spectacle. En envahissant durant des heures les écrans de la télévision les coureurs du Tour attisent les envies de milliers de gens de les approcher, de les faire passer à la réalité quand ils ne les ont vu qu’en images. Il n’y a que dans le cyclisme où l’on avait encore la possibilité, lors de ces tournées parfaitement programmées, de ces fêtes populaires où peu importe le résultat pourvu que l’on ait l’ivresse d’une rencontre à raconter aux autres.
Les vedettes d’une année ne sont pas nécessairement celles de la suivante ce qui donne toute sa saveur à la chasse aux autographes. La notoriété conférée par une compétition mondialisée n’est souvent qu’éphémère mais elle peut atteindre les sommets. Surtout pour celui qui a su les vaincre qui ? lorsqu’il apparaîtra dans son maillot ridicule à pois rouges, déchaînera les passions. Il existe une mythologie du vélo savamment entretenue par les organisateurs du Tour et les médias. La grande idée repose sur la création des maillots distinctifs de couleurs parfaitement identifiables qui vont permettre à absolument tous les gens aimant le cyclisme de retrouver des valeurs populaires : la volonté, la vaillance, la ténacité, l’audace ou la solidité. Les porteurs de ces tuniques se voient déifiés et parés de vertus traversant le temps et les modes.
Dans le fond la déliquescence sociale actuelle permet à tout un chacun de se rassurer en trouvant dans les coureurs du Tour les repères qui manquent dans le quotidien. Quand on n’a plus confiance en rien il est bon de se raccrocher à des icônes « vivantes ». Les critériums avaient cette vocation et ils servaient à renforcer la popularité au sens propre que ne leur procuraient pas les médias. L’Equipe ou Miroir Sprint magnifiaient leurs exploits ou leurs défaillances et ces pseudos courses démonstrations donnaient du corps et du cœur aux photos !
A Castillon il n’y aura pas de bataille sportive. Entre Warren Barguil et Romain Bardet l’affrontement sera celui de la notoriété. Le premier l’emportera sans conteste ! Arnaud Demare et son maillot tricolore sera d’autant plus approché qu’il a conjugué la victoire et la faiblesse. Et quant au jeune Lilian Calmejane il constatera qu’une étape même gagnée ne suffit pas à s’installer dans la légende des cycles. Le succès d’estime sera pour Thomas Boudat, le jeune et talentueux Girondin, qui a terminé sa première grande boucle… Tout le monde tiendra son rôle dans un scénario convenu destiné à donner la joie simple à des milliers de gens de tous les âges.
Ce quarantième rendez-vous castillonnais pourrait être le dernier. Il entrerait alors dans les mémoires comme tant d’autres puisqu’il fut une époque où une quarantaine de critériums permettaient aux coureurs d’arrondir des fins de mois sans commune mesure avec celles de 2017. Il n’en reste plus qu’une dizaine… puisque l’appétit médiatique a englouti les besoins publicitaires des sponsors. Ces derniers n’ont aucun intérêt pour ces spectacles car leur rentabilité de leurs investissements se calcule en tant d’exposition sur les télévisions. Là on court pour le plaisir. On vient voir courir pour le plaisir. Les grands-parents viennent pour le petit-fils ! Les nostalgiques attendent Poulidor ! Les cyclotouristes viennent pour se persuader qu’ils ont le niveau de ceux qui passent devant eux ! Les femmes aiment bien ces gringalets moulés dans des tenues bigarrées. Tout le monde tentera sur la ligne de départ ou dès l’arrivée pour récolter une signature griffonnée à la hâte sur une photo qui vaudra son pesant de gloire à la maison, au bureau ou dans la cour (de plus en plus rare!).
J’aime bien le critérium de Castillon par l’enthousiasme simple et sincère qu’il génère. Ces gens installés en famille avec le pique-nique commentant les passages successifs d’un peloton à échelle humaine me ravissent. Cette grande kermesse campagnarde au cœur d’un vignoble splendide avec ses touristes, ses fans, ses curieux, ses connaisseurs ou ses charlatans occupe une place particulière dans l’été girondin. On est loin des « grands » stades vides. Ici on partage l’illusion de passer derrière l’écran pour devenir un privilégié pouvant côtoyer les « dieux » du vélo installés au sommet de l’Izoard ou défilant sur les Champs-Elysées !

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Cet article a 2 commentaires

  1. TRUPIN guy

    je partage pleinement ce plaisir de voir évoluer « en vrai » ces forçats de la route et dans ces critériums peut importe qui gagne, le les ai vu de prés. On est bien loin du foot et de ses vedettes, ou supposées telles, souvent micro, plutôt qu’au top, faisant deux fois le tour du stade pour célébrer un but. Le foot pro me lasse souvent par sa médiocrité. Je retrouve cependant un certain plaisir a suivre un match de foot féminin, c’est parfois un peu approximatif, il n’y a pas encore de grosses têtes mais c’est vrai et cela rappelle le foot de nos communes, de notre enfance pour les plus anciens, où l’on jouait pour le maillot et non pour le fric.

  2. BELLEINGUER

    Merci Jean Marie pour Castillon, les castillonnais, et ce cyclisme populaire à la portée de tous. Merci pour ton très joli coup de plume.

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