La lutte du pot au lait blindé et du pot au lait dépendant

Pendant près de 60 ans les rares producteurs de lait du Créonnais n’ont jamais été confrontés aux problèmes actuels des producteurs de l’Ouets de la France et eux-aussi d’ailleurs. En effet souvent aux alentours des années de lé décennie débutant en 1930 ils s’étaient réunis en coopérative laitière comme c’était le cas pour le vin. Celle de Créon avait aménagé ses propres locaux et assurait la collecte auprès de ses adhérents chaque matin. Les bidons étaient déposés au bord des routes dans des endroits abrités, ramassés et remplacés par les mêmes propres. Chaque mois selon la qualité et la quantité du lait collecté le producteur recevait sa rémunération. Ce système a fonctionné parfaitement jusqu’à ce que l’Europe déboule avec ses normes et ses contraintes liées à la loi du marché commun. La traite du soir avait en effet parfois bien du mal à rester à bonne température et surtout la vente de lait cru non pasteurisé en direct fut lentement présentée comme très dangereuse pour la santé des consommateurs. Tous les éleveurs de vaches laitières effectuaient en effet la vente de détail comme le faisait à une grande échelle la coopérative.
Sans être Perrette, bien des enfants allaient ans la soirée chercher à l’étable, un pot au lait en aluminium à la main, le précieux breuvage du petit-déjeuner du lendemain. Mousseux, encore chaud, il était immédiatement bouilli sous surveillance étroite afin qu’il ne débordât point, afin d’être purgé de tous ses ingrédients dangereux. L’opération débouchait quelques heures plus tard sur l’apparition à la surface de la casserole d’une couche de crème plus ou moins jaune selon la saison qui battue avec du chocolat en poudre faisait le régal des écoliers à leur retour au bercail. En fait la coopérative entretenait directement ou indirectement un circuit court intéressant pour les producteurs et les acheteurs. Bien moins cher que celui pasteurisé vendu en bouteilles de verre, le lait constituaient pour de petits exploitants l’argent du quotidien des femmes. Elles récupéraient avec quelques animaux des sommes régulières assurant les dépenses de la famille. En plus sa transformation en de nombreux sous-produits et l’abattage d’un veau (les autres étaient vendues et les velles gardées) accentuaient un fonctionnement autarcique intéressantes permettant de procurer des ressources.
Rapidement tributaires des achats effectués par des transformateurs les coopératives ont lentement périclité ou sont devenues de pseudo-structures de l’économie sociale et solidaire entrées dans le marché des produits laitiers. Incapables de s’adapter elles ont disparu (comme à Créon) surtout avec l’arrivée des centrale d’achat et des normes sanitaires drastiques. Les « micro-troupeaux » et même les « petits troupeaux » ont été vendus et l’arrivée des quotas laitiers a accentué cette déprise de la production de proximité. La Scandinavie est championne dans la catégorie lait. Les Irlandais en ingurgitent quelques 142 litres par an ! Ils sont talonnés par les Anglais (106 l) et les Lettons (95 l). En comparaison, la consommation française paraît modeste avec ses 66 l. Pourtant, le lait est ancré dans les habitudes : 6 enfants sur 10 et 4 adultes sur 10 en boivent quotidiennement. Les Français aiment particulièrement le beurre, ce sont eux qui en mangent le plus sur le Vieux Continent (7,4 kg/an/pers). Et ils sont surtout, avec les Grecs, les plus gros amateurs au monde de fromages. Ils en engloutissent quelques 26,2 kg. Il faut dire qu’avec plus de 1000 variétés disponibles, le choix ne manque pas ! Mais ce sont l’emmental, le camembert et les chèvres qui se positionnement dans le tiercé préféré des Français.
En fait la vrai problème actuel est dans la structuration de cette consommation car sa grande majorité est constituée par des produits de fabrication industrielle. C’est donc des entreprises qui ont supplanté les coopératives et Lactalis devient l’illustration parfaite d’un monopole de fait sur une région de production. C’est en effet ce véritable empire familial (famille Besnier) pesant 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires qui commercialise une flopée de marques célèbres (Bridel, Président, la Laitière, Lactel, Salakis…) et compte quelque 75 000 «collaborateurs» dans le monde. Il étrangle les producteurs d’autant plus facilement qu’il est le seul acheteur potentiel après avoir détruit l’ancien réseau de petites laiteries. Ses produits finis sont solidement installés sur le marché. Lactalis fait jouer à fond la fameuse concurrence libre et non faussée contre laquelle les pouvoirs publics sont impuissants malgré les grandes déclarations des Ministres !
Le prix des 1000 litres a atteint son niveau le plus bas… et les profits de Lactalis le niveau le plus haut ! Il est assez extraordinaire de constater que des électrices et des électeurs ayant souvent voté pour le libéralisme extraverti et triomphant (et s’apprêtant à le refaire) réclame que l’État casse la spirale infernale de la loi du marché. Ils veulent revenir au prix plancher fixé par le gouvernement ce que l’UE forte du Traité européen n’acceptera jamais ! Tout le monde le sait mais le débat ne porte pas sur le fond mais sur la forme… puisque toute évolution ira vers davantage de libéralisme et surtout pas vers une vision dirigiste de ces filières ! Les négociations sont rompues et Lactalis attend sereinement la suite ! On demandera donc au contribuable directement ou indirectement de maintenir les profits de ce groupe très compétitif. Ce constat devrait inciter le milieu agricole à s’émanciper de ces circuits contraints désastreux ! Oui mais n’est-ce pas trop tard ?

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Cette publication a un commentaire

  1. bernadette

    Il y a 60 ans, les difficultes existaient pour les producteurs agricoles mais les politiques preferaient ne pas les regarder en fasse. La politique agricole commune existe depuis 1957.
    Sauve qui peut…..

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