Dès que vous approchez la soixantaine et à fortiori dès que vous la dépassez, il ne vous faut pas espérer convaincre de la qualité de votre réflexion dans une France atteinte du culte du modernisme. Le principe du fameux vers du Cid voulant que la « valeur n’attendrait pas le nombre des années » est appliqué dans tous les secteurs de la vie sociale. N’ayez pas le malheur de perdre votre emploi après 50 ans, ne cherchez pas à valoriser votre expérience dans la politique, ne faites surtout pas référence à votre ancienneté dans une fonction : la mode est à la « juvénilité agissante ». Depuis une décennie c’est particulièrement vrai : tous les « vieux » sont bons à jeter aux orties (sauf Juppé!). Cette prise de position croissante satisfait une opinion publique essentiellement constituée de gens désireux de l’appliquer aux autres mais surtout pas à eux-mêmes. Travailler, œuvrer, gérer en faveur des jeunes reste une véritable mission de salut public dans un contexte où les appréciations portées sur eux sont paradoxalement peu amènes. Il suffit de se pencher sur les annonces de recrutement souhaitant très souvent une « personne expérimentée » possédant toutes les qualifications et qui écartent donc systématiquement les débutants ! La société ne veut plus des vieux qui coûtent chers !
Dans le milieu actuel des pouvoirs on a tendance à considérer que le renouvellement des générations est une absolue nécessité car il faudrait analyser, penser et agir autrement. Une attitude qui remonte tout de même à l’arrivée de Giscard d’Estaing après le remue-méninges de la jeunesse en mai 68 vite étouffé par le retour en force de la ligne gaulliste historique. En fait rien n’a changé avec la contradiction actuelle d’un courant croissant de « bien-pensance » refusant toutes les réformes, traversant les générations dans un contexte où si l’on en croit les enquêtes d’opinion la « modernité » devrait pourtant être la priorité. Tous ceux qui y renoncent seraient à jeter aux orties car hostiles au progrès. Grave erreur et surtout interprétation mensongère d’une attitude profondément moderne consistant à consistant à mettre l’Homme au cœur des préoccupations dans un onde qui l’écrase et le nie !
Au PS par exemple certains des dirigeants (élus ou non élus) qui comptent prônent un vrai renouvellement des idées et des responsables au nom de l’efficacité, du pragmatisme et surtout de l’adaptation des valeurs fondamentales aux exigences sociales. Ainsi la longévité d’un engagement serait une sorte de tare susceptible de détruire la qualité de la pensée ou de l’action. Faire table rase du passé favoriserait par exemple dans le gouvernement, la réussite in-fine de l’action présidentielle. En se débarrassant de tous les oripeaux du système français de vie collective on arriverait selon certains à redresser une situation angoissante. Il faut cependant constater que quand l’on regarde objectivement les résultats des ministres ce ne sont pas ceux qui appartiennent la « nouvelle génération » qui obtiennent les résultats les plus probants. Que ce soit Cazeneuve, Le Drian, Fabius, Royal, Taubira le poids de leur expérience n’a pas constitué un handicap pour l’exercice de leurs missions. Loin s’en faut ! Certes ils sont éclipsés dans le milieu politico-médiatique par Macron, qui enfile aisément les habits du « révoluréactionnaire » pour tenir un discours qui n’a jamais démontré à ce jour son efficacité ! Il lui vaut simplement une notoriété qu’il devrait faire (espérons-le) fructifier lors d’une prochaine échéance électorale en la confrontant au suffrage universel.
« C’est la fausse modernité de s’attaquer aux 35 heures et aux salaires », a déclaré sur France Info Jean-Marc Germain, député PS des Hauts-de-Seine. « Je suis un peu agacé », a-t-il ajouté à propos de la sortie d’Emmanuel Macron au Forum économique mondial de Davos. Le ministre de l’Economie a en effet estimé que le projet de réforme du temps de travail présenté par François Hollande signait la fin « de facto » des 35 heures, « à travers des accords majoritaires ». « Macron sait très bien qu’il n’y aura pas d’accord des salariés pour baisser les salaires », a rétorqué Jean-Marc Germain. « Il faut que les entreprises puissent s’adapter, et là je rejoins Macron, mais il faut en même temps sécuriser les salariés. Non à la précarisation des salariés », a martelé le député PS. « Ressasser » le débat des 35 heures « alors que toutes les souplesses existent déjà, cela n’a aucun intérêt », selon lui. « La vraie modernité, c’est de s’occuper des sujets d’avenir », a souligné le député, citant « l’économie numérique » ou encore « l’ubérisation de la société ». Les vrais enjeux ne sont-ils pas là dans cette mutation profonde ?
Qu’est-ce qui est le plus moderne ? Répartir le travail entre le maximum de personnes ou donner la possibilité à certains de travailler plus sans gagner plus : où est le « modernisme ». Tout tabler sur une improbable « croissance » en sacrifiant les fondements du système social solidaire. Est-ce de la modernité de pensée ? Détruire méthodiquement le poids du politique dans la gestion de la crise pour le remettre aux puissances de la finance. Est-ce moderne ? Accentuer la précarité en créant l’insécurité sociale. Est-ce un concept moderne ?
Pour ma part je ne crois qu’aux vertus de la fidélité aux valeurs humanistes afin d’adapter le monde à des enjeux nouveaux. Aucune d’elles n’est en effet démodées ou obsolètes. Si les femmes et les hommes passent, les valeurs qu’ils doivent prôner traversent le temps. Etre moderne c’est défendre les libertés, développer la fraternité, surtout ne cesser de se battre pour une vraie égalité et défendre la laïcité face justement des comportements réputés nouveaux mais peu en phase avec ces principes. Enfin ce que j’écris… Moi je suis vieux !
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….tous les « vieux » sont bons à jeter aux orties (sauf Juppé!).
Il faudrait citer également parmi les rescapés, l’inoxydable colonel Drucker, la momie d’Elkabbach et le citoyen Macron, qui, bien qu’étant « légalement » jeune, est déjà à classer dans la catégorie des vieux croûtons rabâcheurs.
Bonjour Mr. Darmian,
Comme je vous comprends, c’est à chacun de nous à définir sa vie politique. Il me semble que le rapport que chacun de nous a du politique est rompu.
Si on definit un temps de travail avant de définir le contenu du travail, c’est une ineptie.
Il en est de même pour la robotisation. A t’on vraiment besoin de cette innovation robotique ?
Très bonne journée et merci encore pour cet espace conversationnel.
Les grands esprits rencontre souvent une farouche opposition des esprits médiocres
bonjour,
et oui vieux moi aussi je suis consterné par les actions et inactions des vieux qui nous ont précédé. les modèles économiques sont aussi vieux et périmés que ceux qui les ont énoncés. Des vieux modèles dans un vieux monde qui va s’effondrer faute de vouloir changer nos modèles. Imprégnés des modèles anciens les jeunes loups qui profitent du vieux système vermoulu refusent eux aussi la remise en cause. Et pourtant les voyants du tableau de bord sont de plus en plus rouges et le ressentiment des laissés pour compte de plus en plus grand. Ce vieux monde craque de toutes ses coutures et nous regardons pudiquement ailleurs… Encore quelques minutes monsieur le bourreau. Telle est la politique des banques centrales (FED, BCE, BPC, BoJ…) avec le QE « Quantitative Easing » on s’est dit : « On va créer de l’argent. Cet argent va se répandre dans l’économie et ça va relancer l’économie », mais ce n’est pas ça ce qui s’est passé : cet argent est resté calé dans les milieux financiers qui ne savaient pas quoi en faire, parce que l’économie n’est pas en bon état. Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas en bon état ? Parce qu’il n’y a pas de pouvoir d’achat de la part des consommateurs. Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de pouvoir d’achat ? Eh bien, c’est parce qu’on les vire de leur boulot ou bien on essaye de faire baisser leur salaire, ce n’est pas comme ça qu’on crée une masse de ce qui constitue la demande. Et on retombe dans le discours des « vieux » politiques qui dit : « Faut créer l’offre et la demande se fera automatiquement » une vieille idée du XIX éme siècle. Encore une fausse modernité qui consiste à mettre la charrue devant les bœufs. Ce n’est pas comme ça que ça marche, non : les produits doivent être achetés. Évidemment, ils doivent être produits aussi, ils doivent être fabriqués, mais si il n’y a personne pour les acheter, il ne se passe rien et c’est ce qu’on voit. Hors les financiers ont besoin de cash pour se gaver et redistribuer aux actionnaires et aux dirigeants, alors comme il y a beaucoup de liquidités produites par les QE les entreprises cotées empruntent pour masquer leurs résultats discutables et distribuer des dividendes. Et comment font les entreprises pour masquer les mauvais résultats? Ils compressent la variable d’ajustement càd les emplois! Les emplois se réduisent du fait des robots dans l’industrie et du fait de l’informatisation dans les services. Il en résulte qu’ il est de plus en plus facile de faire pression sur les salariés parce qu’ils sont nombreux par rapport à un nombre d’emplois qui est en train de diminuer. Pas de pouvoir d’achat = pas de consommation, trop de liquidités = bulle spéculative monétaire, ralentissement économique = baisse du prix des matières premières ( pétrole…), chute des indicateurs économiques = baisse des cotations boursières ( CAC 40 à 4900 1/12/2015 et 4321 aujourd’hui), encore un effort et ça va péter mon colonel.
Au sujet des QE voir ici http://www.lopinion.fr/edition/economie/patrick-artus-si-bulle-obligataire-eclatait-apres-avoir-dure-annees-94733
au sujet de la chute des bourses mondiales voir ici les explications limpides de PJ http://www.pauljorion.com/blog/2016/01/25/la-bourse-a-la-gueule-de-bois-le-16-janvier-2016-retranscription/
Artus un vieux et Jorion encore plus vieux en bref des références de vieux qui nous prédisent que le pire n’est pas encore là… Vivement que les jeunes s’emparent de l’avenir pour un monde nouveau où la modernité rimera avec égalité . On peut encore rêver ça ne coute rien.
Salutations républicaines
Mr Darmian (j’ai plus de 60 ans) merci pour ce point de vue …je souris car il permet à chacun de s’exprimer …même si parfois les commentaires sont bien éloignés du sujet que vous abordez…
Je suis d’accord avec vous… mais les faits sont sacrés et els commentaires sont libres..
La dette de la France est colossale, elle croît de trimestre en trimestre. Cette dette inquiète Bruxelles et m’inquiète aussi.
L’économiste Jacques Sapir préconise de sortir de la zone euro pour diminuer cette dette. Selon vous Mr Darmian que preconisez vous ?.
Bien à vous