« L’espoir s’inscrit dans la démocratie de tous les jours, s’enracine dans la réconciliation de l’action politique et de la vie quotidienne, dans la réconciliation de l’Etat et de la société civile, il tire sa force de la réconciliation de l’instant et de la durée.
Nous vivons sous l’empire de l’image, et d’abord de celle de la télévision. Pas un attentat, pas une guerre, pas une catastrophe qui ne nous soient rendus immensément proches. Pas un événement qui ne nous soit connu dans le moment même où il se produit.
Et pourtant, tout cela reste fort lointain de notre vie quotidienne. Une image chasse l’autre, un événement chasse l’autre. Le rythme politique auquel nous vivons tous, passant de l’élection au sondage, de la petite phrase au coup médiatique, érigera, si nous n’y prenons garde, la myopie en art de gouvernement et rabaissera la responsabilité du citoyen à l’opinion passagère du «sondé».
Une telle paupérisation intellectuelle de la société politique et de l’Etat produit des effets graves dans la conduite de politiques et de décisions qui exigent une vision à long terme.
«Donner du temps au temps», selon la belle expression du Président de la République, c’est retrouver le sens de la durée. C’est savoir ne jamais sacrifier l’avenir et le moyen terme aux opportunités du moment. » Ces propos ne sont pas récents puisqu’ils datent du 29 juin 1998 mais ils sont d’une étrange actualité. Certes, comme toutes les déclarations faites à la représentation nationale ils sont oubliés depuis belle lurette et n’ont valu que des déboires, des railleries, des attaques sur la piètre vision politique qu’ils contenaient. Il était (et il demeure) en effet totalement impossible de ramener à « la réalité démocratique de tous les jours » des gens qui en sont éloignés par les filtres insensés et aveuglants des combines politiciennes ou par des « amis qui ne leur veulent que du bien ».
En fait il suffit d’observer le comportement citoyen au quotidien pour constater que 17 ans avant notre époque l’auteur de ce discours avait deviné la pente glissante sur laquelle s’engageait une société consumériste. Nous vivons dans l’instant sans nous soucier de la durée. Ainsi le débat autour de la réforme constitutionnelle illustre à merveille ce constat puisque quand on évoque dans un débat sain le danger d’une « inscription dans la Constitution » de principes pouvant mettre en jeu les libertés individuelles il est affirmé avec aplomb qu’il faut répondre aux besoins de l’instant ! Les images passées en boucle des attentats sanguinaires, barbares, ignominieux servent cette cause avec la nécessité d’une réponse au caractère immédiat, émotionnel. Irrationnel. La dérive a même atteint le sommet de l’Etat puisque les solutions traitent de plus en plus souvent les effets mais ignorent totalement les causes. Cette dure et triste réalité traverse absolument tous les partis et les conduit à ne devenir inaudibles puisque souvent leurs leaders changent de discours sous l’influence des événements ou des images. Ils se contentent tous de légitimer leurs existence en « passant de l’élection au sondage, de la petite phrase au coup médiatique… » ce qui lentement conduit à la perte des valeurs et de repères qui devraient être leurs seules références.
Nous avons fini par transformer une « prédiction politique » profonde en une dure et irrémédiable crise de confiance. Est-ce inexact que « la myopie a été transformée en art de gouvernement et rabaissera la responsabilité du citoyen à l’opinion passagère du «sondé» » Pourquoi n’a-t-on pas tenu compte de ce qui était annoncé de manière claire et avoir renoncé à relancer une véritable citoyenneté ? Elle est bafouée à chaque seconde par des milliers de « consommateurs » d’autant plus sévères avec les autres qu’ils n’ont, eux aucun respect de la moindre règle du vivre ensemble.
Sur la route, sur l’espace public, dans les comportements sociaux, dans les propos, « la paupérisation intellectuelle de la société et de l’Etat» a atteint un tel niveau que le populisme s’est construit un empire des idées toutes faites. Le Front National y règne en maître et la fameuse « lepénisation » des esprits y pousse comme le chiendent dans les champs mal entretenus. Toutes les alliances, toutes les mansuétudes dénommées « républicaines » n’y changeront rien. Elles mélangent les genres et surtout détruisent les différences fondamentales devant exister dans les forces du progrès humain et celles ouvertement réactionnaires car dévolues au profit.
Ce discours était socialiste et prémonitoire. Il annonçait une dérive qui s’amplifie de jour en jour et qui prend des allures de désastre démocratique. Il ne faut jamais en politique avoir raison avant les autres, autrement vos amis vous le font payer très cher dès qu’ils en ont l’opportunité! Ah ! J’oubliais les propos sont ceux que Michel Rocard a tenu lors de son investiture devant l’Assemblée nationale comme Premier ministre. Il n’a pas été entendu et encore moins écouté par ceux qui se réclament de lui. Mieux il a été oublié…et sera détesté ! Moi je n’ai pas la mémoire qui flanche !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Bonjour !
Quelle excellente leçon de politique Monsieur l’instituteur !
Voici un texte qui mérite plus de visites qu’un certain « coup de gueule » de la veille de Noël car il contient, comme diraient nos amis viticulteurs, les bonnes levures d’une politique …sensée au lieu de la précarité des feux follets que nous connaissons.
Certes, il est basé sur l’expérience et fait appel au recul: relire un livre d’Histoire permet de ne pas reproduire les erreurs de Celle-ci.
Combien de têtes pensantes s’attarderont sur cette page ? Très peu car, chez nous, on préfère le tapis volant de l’aventure. Bien sûr, il y a des trous d’air !
Cordialement.
Bonjour M.Darmian,
Jadis, l’instituteur etait secrétaire de Mairie, il connaissait bien les pères et les maires de ses élèves.
Il reste encore des secrétaires de Mairie comme des Maires qui s’intéressent au vécu sur le territoire communal.
La démocratie commence par la commune vivante. J’ai besoin d’insister sur ce terme « vivante » parce qu’actuellement seule la mort rappelle le passé.
La commune est une personne morale qui est gérée un peu n’importe comment. La population ne peut pas être oubliée tant au niveau sociologique qu’économique.
Si la violence est présente c’est parce qu’il n’y a aucun lien entre les habitants et les autorisés.
Tu restes à l’aube de 2016 le même, adepte et fidèle défenseur du PARLER VRAI qui pénalise parfois (Rocard en a fait les frais, toi probablement aussi…) mais qui ne bluffe ni ne trompe. Vas y mon pote ! Et sois en remercié.
j’ai apprécié cette lecture vraie <comme toujours ..plus calme après la tempête de la déception et des graves décisions nécessaires pour une reconstruction utile pour les personnes qui te suivent depuis toutes ces années .
Michel Rocard serait content de lire cet article.. lui qui a été si décrié et si méprisé .. Pourtant un homme de grande qualité qui prévoyait cet avenir sombre qui nous entoure . LE PARLER VRAI est devenu obligatoire pour réveiller les citoyens et assainir un mode de vie devenu la destruction de notre civilisation .Aller toujours plus haut quand les moyens n'existent plus ..la descente aux enfers est bien engagée , la violence à tous les niveaux se remarque partout .. les paroles ..les actions ..les actes ..les résultats sont connus de tous . Tu as toujours défendu les faibles les injustices et les mafieux . Tu dois continuer de parler vrai même si cela déplaît .