En lançant le principe d’un retour à des rythmes scolaires plus adaptés aux temps actuels des enfants, Vincent Peillon avait pris le risque de mécontenter tout le monde gravitant d’une manière ou d’une autre autour de l’école. Les enseignant(e)s furent les plus hostiles, les élus locaux grondèrent sur le surcoût de la mesure, les parents perturbés dans leurs habitudes de vie protestèrent et les enfants souvent pris en otages subirent cette somme de vindicte contradictoire. En fait on a même prétendu que François Hollande considérait que Peillon avait inutilement gâché le début de son mandat. D’ailleurs il a eu aucun pitié en renvoyant le Ministre de l’Éducation vers le Parlement européen et vers un exil doré à Strasbourg où selon mes informations il se morfond quelque peu. Courageusement et malgré des campagnes outrancières sur la « fatigue putative des élèves », sur « la ruine annoncée des communes », sur la « déstabilisation du système scolaire », les conséquences « dramatiques pour l’économie touristique » il a avancé. On a eu droit à des mouvements sociaux, des défilés de gilets jaunes, des interpellations véhémentes au Parlement, des « protestations des Maires de France »… et il fallut opiniâtreté de Peillon pour qu’après diverses concessions la réforme soit mise en œuvre en 2013.
En tant que maire j’avais déjà proposé aux parents d’anticiper en expérimentant un aménagement de la journée et de la semaine en 2012. Les parents engagés dans le conseil d’école avaient tenté de être en place une consultation qui s’était soldée par l’hostilité manifeste…des enseignants pourtant associés aux propositions et donc un refus des parents. La municipalité avait donc attendu 2013 que les éléments officiels de la réforme soient presque mis en place pour agir ce qui l’a privée d’une année d’ajustements indispensables. Il n’y eut donc aucune hésitation à relancer le processus selon une méthode qui permit à Créon d’être considéré comme commune « expérimentale » par l’Association des maires de France.
Un comité de 10 parents, 10 élus, 10 enseignants et 10 représentants du monde associatif local travailla sur un projet. Des rencontres citoyennes d’information furent organisées en direct avec tous les gens intéressés. Un gros travail de conventionnement avec toutes les associations fut effectué. Des réunions d’explications détaillées furent tenues. Rien n’empêcha les procès d’intention, les « insultes » (ou même les insultes publiques), les « sondages » approximatifs, les propos honteusement égoïstes, les tracts, les manifestations… mais le conseil municipal décida d’adopter une adaptation du rythme journalier avec… allongement de la semaine de 4,5 jours au mercredi matin ! Des dizaines d’heures de discussion, de contestation, de concertation suivies par les élues nationales et l’AMF.
En fait la mise en place des ateliers correspondaient à une forte volonté politique et ne devait rien à une forme de suivisme de la municipalité : rétablir l’égalité des enfants scolarisés vis à vis des activités périscolaires essentielles à la réussite. Un simple constat : 20 % d’entre eux n’étaient engagés dans aucune association, aucun club, fréquentaient aucun équipement par indifférence des familles, pour des raisons financières ou sociales. Mieux, alors qu’avait été créé depuis une décennie des chèques (Créon +) de réduction pour absolument développer l’engagement associatif l’incitation ne produisait plus d’effets.
La première option consista donc à offrir la « découverte » d’activités locales ou d’espaces publics locaux de telle manière que soit favorisée l’intégration. La seconde consista à refuser tout acte éducatif mais de se limiter à la sensibilisations. La troisième reposa sur la gratuité de l’offre et enfin on rechercha au maximum l’engagement des structures existantes sans faire appel à l’extérieur sur la base d’un tarif conventionnel. Une véritable volonté de placer l’enfant au cœur de son lieu de vie, de l’inclure dans un processus de lien social, de lui offrir de vrais choix d’épanouissement, favoriser la citoyenneté, l’environnement, sans empiéter sur le rôle de l’école
Désormais tout est opérationnel et Françoise Cartron, sénatrice de la Gironde, Vice-Présidente du sénat, chargée de mission pour le bilan et les perspectives de l’aménagement des TAP est venue constater a réalité de la traduction dans les faits de ces options ayant valu des flots de salive à l’échelon local, départemental et national. Les rythmes scolaires sont entrés dans la vie quotidienne et quasiment la totalité des familles (8 enfants sur plus de 300 ne participent pas!) a compris le sens de la démarche. Des dizaines d’ateliers fonctionnent 4 jours par semaine avec des bénévoles, des professionnels, des techniciens et permettent vraiment aux enfants de ne pas être toute la journée des élèves.
Plus de 3 ans après le coup d’envoi d’une opération locale patiemment construite, j’ai eu un immense plaisir à aller de lieux en lieux un peu à l’écart du groupe officiel, à m’asseoir à une table ou à m’inclure dans un cercle ou un groupe pour regarder, écouter, observer : j’y ai vu des jeunes divers, heureux, souriants, vivants, participatifs, toniques, éveillés et… heureux de construire comme à ces superbes moments de la découverte de la clarinette, des maquettistes du jardinage ou de la danse… Je regrette que Peillon, voué aux gémonies, dénigré, viré n’ait pas été là discrètement pour vérifier que seul le temps permet dans une société des apparences de donner raison à ceux qui rêvent encore de mettre l’enfant au centre des préoccupations de la ville. Ah ! J’oubliais le coût net pour la commune de Créon de cette opération est de 1,40 € par enfant et par jour…
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