L'été de toutes les images de l'histoire de France

L’Histoire telle qu’elle a été enseignée il y a quelques décennies avec ses images colorées des livres évoquant des dates de batailles ou des personnages ayant joué un rôle particulier dans la vie sociale ou politique reste présente dans les animations estivales. Bien des villages tentent ainsi de reconstituer un événement ou un pan de ce qui a pu marquer leur passé. Le site vendéen du Puy du Fou ne désemplit pas… On y recherche des références que l’on a emmagasinées dans son parcours scolaire et que l’on souhaite voir s’animer, vivre, revenir dans le présent. Et le paradoxe c’est que les volontaires pour des jeux de rôles, pour des jeux vidéo, pour des spectacles sont de plus en plus nombreux. On se transforme en « chevalier blanc », en « nobles damoiseau », en princesse, en roi ou en reine, en soldat d’antan, en moines (un grand succès), en sorcière mal-aimée, en jeteuse de sorts, en paysan, en marchand ou en simple quidam afin de participer réellement ou virtuellement à un rendez-vous avec les autres. Le changement d’identité afin de participer à la réincarnation estivale de personnages ayant existé n’a rien d’une coïncidence.
En effet le retour sur l’Histoire tient du phénomène de société car il permet de concrétiser une passion pour des « grands » d’un temps passé, pour des périodes réputées plus intéressantes que celle qui ne vit que de fric pour les uns et d’eau fraîche pour les autres. De très nombreux éditeurs survivent grâce à des romans historiques u des sagas familiales basés sur des faits avérés mais transformés par la magie du récit en aventures épiques. Durant l’été les ventes atteignent d’ailleurs des records. On aime se plonger dans les secrets d’alcôve, les successions familiales, les complots politiques ou des combats plus ou moins honorables. Parfois l’envie de passer de l’autre coté du miroir du temps est tellement forte que l’on se trouve un costume dans lequel couler sa passion pour une époque.
Les gens du peuple adorent incarner ces moments magnifiés par les manuels d’autrefois . On a vu récemment des milliers de figurants se masser pour reconstituer la bataille de Waterloo. Un Napoléon plus vrai que nature, des généraux et des maréchaux en grande tenue, des grognards ventrus ou moustachus…ont tenté de perdre avec les honneurs un combat dont l’issue appartient à l’Histoire. Quasiment toutes les périodes ont leurs retrouvailles avec des « imitateurs » plus ou moins doués. Souvent le costume a revêtir est beaucoup plus important que le rôle lui même. Les rêves de robes de princesse ou d’armures chevaleresques ont leur importance dans le volontariat des voyageuses ou voyageurs de l’Histoire. Ils sont même essentiels !
Les reconstitutions estivales se raréfient cependant en raison de leur coût. Sans aller vers du Cecil B. deMille la production d’un tel rendez-vous devient prohibitive car la technique a lentement submergé la simple envie de faire partager son envie de retourner collectivement dans le passé. Effets spéciaux, lumière étourdissante, son ébouriffant, musique d’époque…le public a envie d’en avoir pour son argent et donc de retrouver une aventure justement hors du temps car totalement artificielle. Il ne peut pas y avoir de vérité dans ce qui n’est qu’un pastiche d’un événement dont on ne connaît souvent que des bribes ou des narrations partisanes. Dans le fond la vulgarisation des faits historiques plaît davantage que l’étude universitaire sérieuse. Alexandre Dumas a fait beaucoup plus pour Richelieu, Louis XIII, Anne d’Autriche ou Charles de Batz-Castelmore dit d Artagnan que tous les chercheurs sur le XVII° siècle. La bataille de Castillon avec Talbot n’ont conquis leur place dans la chronologie de la guerre de 100 ans que parce que Robert Dumont instituteur au grand talent d’écrivain a décidé un jour de transformer l’affrontement franco-anglais en récit populaire. Une bonne soixantaine de spectacles plus ou moins fastueux, de fêtes médiévales sont au programme de l’été en France malgré la disparition de quelques-uns d’entre eux. Ils se déroulent dans des parcs, des châteaux, des musées, des sites naturels, les rues ou les places de cités… pour que les petites histoires fassent avancer dans les esprits les grandes.
En été pour le plaisir des touristes des citoyen(ne)s redeviennent des sujets ; des défenseurs de la liberté se muent en despotes plus ou moins éclairés ; des intellectuels s’escriment à se transformer en artisans ; des archiduchesses sans chaussettes croisent des révolutionnaires culottés ; des artistes de la renaissance éclairent le quotidien des rois soleils ; des chevaliers de toutes les tables ripaillent avec des pèlerins pressés ; des soldats pacifiques meurent à plusieurs reprises dans la même semaine ; des fées quittent leur logis enchanteur pour affronter des sorcières virtuoses du balai, des mendiants sollicitent le trésor du laboureur ; les marchandes d’une saison se mettent en quatre ; les jongleurs ou les acrobates défient la pesanteur ; les musiciens jouent sur des instruments oubliés… Et tout ce monde entre à sa manière dans le livre de notre histoire l’espace d’une soirée !

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