Dans beaucoup de villages de France des bénévoles ou des élus locaux tentent à leur manière et sans moyens outranciers de maintenir cette fraternité défaillante dans un pays qui s’enlise dans la haine sous toutes ses formes. En allant durant ce week-end d’un endroit à l’autre pour des soirées festives il m’a été aisé de percevoir que souvent la déception est au rendez-vous car cette volonté de rassembler est de moins en moins partagée. L’événement estival local n’attire plus comme antan car il se heurte à l’indifférence. Dans les divers rendez-vous auxquels j’ai participé durant tout ce week-end j’ai souvent retrouvé les mêmes personnes. Les habitués de la convivialité constituent d’un lieu à l’autre le gros du public et le renouvellement des générations a bien du mal à s’opérer comme si lentement s’instaurait un dédain particulier pour les opportunités de rencontre. D’une année sur l’autre les affluences baissent. Et les raisons invoquées ici ou là ne tiennent pas face à la réalité. Pour être clair la crise a bon dos…
Même quand les spectacles sont gratuits ils ne font pas bouger les enracinés du « on n’est bien que chez soi ! ».Les tarifs très faibles d’un demi pression ou d’un repas ne changent rien à l’affaire. S’il est trop faible on n’y vient pas parce « qu’à ce prix là il n’y aura rien à manger » et si il est trop élevé « on n’ pas les moyens de se payer une fantaisie »…Un feu d’artifice ? « Notre pognon foutu en l’air ! » En fait les excuses ne se renouvellent guère sauf à admettre qu’entendre « je ne vais pas passer une soirée avec cette bande de cons ! » constitue une nouveauté. Et pourtant chaque occasion qui conduit à l’échange, au sourire, au changement relève désormais de l’absolue nécessité.
Une vie clanique s’installe et même par certains aspects une forme de communautarisme sans rapport avec celui qui fait la une des médias a gagné les esprits. Le « on est bien chez soi ! » se remplace souvent pas le « on est bien entre soi ! ». On ne sort plus par peur, par angoisse de la rencontre avec d’autres tuant ainsi ces moments forts des agapes simples, fraternelles, modestes dans leur conception mais indispensables au vivre ensemble. Une banda ne fait plus recette, un accordéoniste n’a que peu de chance d’attirer les familles, un bal disco dérange les voisins, un chanteur ne peut pas égaler les DVD des stars préfabriquées. Inexorablement la proximité n’a plus aucun sens pour beaucoup quand justement l’enjeu de l’intégration s’annonce comme capital. En fait on utilise ce mot à toutes les sauces politiciennes alors que l’on n’est même pas capable de l’appliquer avec des personnes ayant à priori la même culture.
L’apéro partagé avec les glaçons et le liquide jaune qui va avec n’existe plus que dans les films rétro ou caricaturaux. On ne trinque plus car c’est devenu certes dangereux pour les points de son permis de mal se conduire mais surtout parce qu’il est indispensable de donner une image de soi se situant au-dessus de ces échanges ordinaires. Le rosé est toujours plus frais dans son pré que dans celui du voisin et le rouge qui fait tache dans le paysage n’a plus la cote. Quand on parle de week-end du 14 juillet populaire on est très loin des réalités actuelles car plus rien ne peut être populaire au sens noble de ce qualificatif. Le peuple n’existe plus ! Il s’est fractionné, parcellisé, fracturé, recroquevillé dans bien des villes ou des villages. Certes il reste encore des îlots de résistance avec des réussites incontestables. Ils tiennent bon malgré l’avalanche médiatique ne parlant que d’une société restreinte occupant ses loisirs de manière ostentatoire. « Faire du social » c’est indiscutablement insister à partager. C’est construire une forme de solidarité proche, c’est donner des Scène à l’été, c’est peu importe le prix construire la fraternité intergénérationnelle. Chaque abandon, chaque atteinte à la tradition, chaque renoncement à proposer le partage se paient beaucoup plus cher qu’on ne le croit. Rendez-vous en 2017 après les avertissements des dernières élections dans ces villages où la joie de vivre ensemble a disparu ! Le FN nécrophage pour la fraternité se nourrit de ces disparitions.
La « pipolisation » estivale outrancière dans les médias a tué la fraternité ordinaire qui n’a plus aucune valeur ! Les galipettes aquatiques d’une vedette de la télé-réalité, le passage d’un OVNI du show-business dans un lieu où le fric prend les eaux, les déclarations d’un intermittent du spectacle balnéaire occupent la une des quotidiens donnant l’impression de la nullité de ce qui se passe ailleurs ! A Créon vendredi, à Loupes samedi, à Rauzan dimanche, à Croignon lundi, à Sadirac mardi… partout où je suis allé partager ce week-end j’ai trouvé les bonheurs simples de la fraternité, ceux qui lavent le cerveau du désespoir porté par un été de tous les dangers ! Mais chut ne gâchons pas les vacances !
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Comme disait une oléronaise avec son parler savoureux : « I z’étant trot’ hureux ! »
C’est vrai que c’est hélas dans le malheur et dans les catastrophes mais également dans les événements hors du train- train quotidien que les liens sociaux se resserrent.
Je l’ai déjà vécu, dans les bombardements, la Libération, mais également tout près de nous encore, la « tempête de 99″par exemple, ou même parfois une banale chute de neige qui paralyse la circulation.
On rencontre des gens que l’on n’a jamais vu et avec lesquels on lie connaissance. Des personnes qui se croisent tous les jours sans échanger un mot ou un regard se mettent soudain à deviser comme de vieux amis.
Les liens sociaux foutent le camp, c’est vrai. Utilisateur inconditionnel de l’autobus, il y a quelques années, je liais facilement la conversation avec les autres usagers. Je constate que maintenant on ne se voit plus, ou alors avec des regards d’indifférence, voire mauvais.
Le portable par contre y règne en maître, que ce soit pour s’isoler dans son zinzin pseudo musical ou pour converser, en faisant profiter la compagnie d’une partie du dialogue.
Bonjour !
Entièrement d’accord avec ton analyse. Personnellement, j’ai crû que la publicité faite autour du rosé allait inverser cette tendance mais hélas, cela tarde.
Essayons de répertorier les raisons de cette défection.
En premier, l’automobile pour tous est certainement le départ de ce loupé. La fête locale (sous toutes ses formes) est largement supplantée par la plage ou le Tour de France. Souviens-toi de ta jeunesse où la Pimpine était ta plage de l’été. Ces jours-ci, as-tu compté combien de personnes sont parties applaudir le Tour dans les Pyrénées ou ailleurs alors qu’autrefois, la sortie Tour de France ne dépassait pas les 80 km A-R … quand le Tour passait ici. Sinon, renvoi à l’année suivante.
En 2 , la télévision et …. la multitude de plaisirs mis à disposition. Devant cette plétore, beaucoup restent chez eux. Cela peut se comparer à ton métier avec La Journée Pédagogique … annuelle, très prisée par tous tes collégues et leur défection face à la réunionite qui a suivi ( conseil d’école, réunion parents, syndicats, manifs… ).
J’ajoute à ce paragraphe Internet et ses occasions de rencontres …qui, autrefois, fondaient des ménages dans les flonflons de la fête locale !
En 3, un certain ras-le-bol, de la lassitude devant du déjà vu et entendu. Mais là, les recettes des communiquants s’épuisent car le système est à saturation. Effectivement, un feu d’artifice peut être splendide mais laisser un goût amer quand l’aube réapparaît. Dommage que les mairies ou comités des fêtes tombent dans la surenchère du spectacle !
En 4, c’est cette expression favorite d’une jeunesse qui, parfois, t’affole: » C’est nul ! « . »Il n’y a pas de whisky, de vodka, de …, que du rosé ! » Et quand on souhaite les investir d’actions, c’est la fuite ricanante qui éteint toute intergénération ! Là, il faudrait revoir l’éducation parentale.
Comme tu le constate, il faut classer dans la voiture-balai la Crise, la peur du lendemain ou les graves problèmes de la Vie !
Cordialement.