L’église de Créon fut le premier bureau de vote permettant l’élection des conseillers départementaux en 1790…Ce fut la seule et unique fois ! Vous découvrirez cette scène ce samedi 16 mai à partir de 21h 30 sur la place de la Prévôté de Créon lors du spectacle gratuit…
« (…)les propriétaires électeurs arrivent déjà de Blésignac, Créon bien entendu, La Sauve, Madirac, Saint Genés de Lombaud et Saint Léon et sont accueillis par un autre Mathurin Geynet, le fils du maire, avocat à la cour en tenue. On trouve aussi les 3 prêtres en activité : Déjean à… Sadirac, Micheau à Saint Genés de Lombaud et Bordes à Blésignac venus soutenir l’abbé créonnais qui sera candidat. Deux soldats de la garde nationale sont en faction à l’entrée de l’église au cas où il y ait des incidents !
De partout la population arrive pour assister à ce qu’elle n’a jamais vu : une élection en direct ! La foule se rend devant l’église pour attendre le verdict des urnes ! Jamais on n’avait vu pareille curiosité autour de l’église. Plus de 500 propriétaires votants s’entassent en effet dans l’édifice religieux ! Le doyen d’âge a bien du mal à faire l’appel et à installer un bureau. Il vad’ailleurs falloir des heures et des heures pour faire voter tout le monde. Les plus heureux sont les citoyens aubergistes Béchade, Causserouge, Maurèze, Montion, Singes car il y aura des dizaines de repas à servir puisque le scrutin va durer des heures.
Mathurin Geynet père en grande tenue est proclamé président après de longues opérations de vote car bien des électeurs ne savent pas écrire et il faut qu’ils obtiennent l’assistance des assesseurs pour remplir leur bulletin. Vers 19 heures on se sépare pour se retrouver à… 7 heures le lendemain matin sans avoir avancé un seul candidat en dehors du président du bureau de vote! Toute la journée a été consacrée à l’appel des noms et au serment individuel répété inlassablement par les électeurs. Les gens entrent et sortent de l’église pour aller conter les nouvelles dans les auberges où se retrouvent les candidats répartis selon leurs tendances. Le vin coule à flots car les comptes de campagne n’existent pas encore.
Il faudra attendre le lendemain et encore une vingtaine d’heures de palabres et de scrutins infructueux pour qu’un trio bénéficie enfin d’une confiance majoritaire. Il était en effet… 5 heures du matin le mercredi 26 mai 1790 quand le citoyen Bertrand proclama les résultats. Les premières femmes avec leurs œufs, leurs volailles et leurs légumes arrivent pour le marché quand on apprend que l’avocat Mathurin Geynet fils a été élu conseiller départemental avec 163 voix ! C’est le premier mais il a eu sa majorité à l’usure puisque le corps électoral a fondu dans la nuit. La Sauve a pris sa revanche comme le veut la tradition séculaire en obtenant l’élection de Pierre Collineau marchand et de Laurent Bergerie maître arpenteur.
Il reste donc encore deux postes à pourvoir. Nouvelle convocation mais cette fois pour le dimanche 30 mai dès 8 heures pour le énième tour. On retrouve 355 votants et si le Tiers-Etat s’est imposé lors des premiers jours la noblesse retrouve des couleurs avec l’arrivée au sein du conseil départemental pour le canton de Créon de Jean Cassagne de Plaignac seigneur de Blésignac ! Un autre sauvois Pierre Bertrand complète la délégation. Il a fallu une semaine pour obtenir ce résultat démontrant que la ville bastide a déjà du mal à imposer ses élus sur les communes voisines.
Créon avait vécu sa toute première campagne électorale qui avait fait la fortune de ses aubergistes et de ses viticulteurs. Son église avait été le premier bâtiment dans lequel on avait voté en si grand nombre au suffrage uninominal. Elle avait obtenu son premier conseiller départemental démocratique. Il n’ira qu’une seule fois à Bordeaux pour siéger dans la cathédrale Saint André afin d’élire en 1791 …l’évêque métropolitain de Bordeaux.
En fait cette expérience démocratique aura servi de leçon puisque quelques mois plus tard les Créonnais mieux organisés raflèrent 4 des 5 sièges avec le notaire Mathurin Lannoy, le chirurgien Pierre Pinaut, le médecin François-Thomas Rey et l’abbé Delpuech qui avait prêté serment à la constitution civile du clergé et était devenu encore plus révolutionnaire que ses collègues. En politique on savait déjà s’adapter surtout quand on peut haranguer les foules dans la salle de vote. Le département était né pour plus de 2 siècles !
On arrosa longuement succès dans l’église parée de tricolore sans qu’il y ait besoin de vin de messe !
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« »l’abbé Delpuech qui avait prêté serment à la constitution civile du clergé et était devenu encore plus révolutionnaire que ses collègues. « »
Nombreux en effet furent les ecclésiastique qui, délivrés de leur hiérarchie, devinrent ce qu’on a appelé plus tard les « curés rouges », certains déclarant même ouvertement leur Athéisme.