Après un mariage non consommé à Bordeaux, Louis XIII et sa nouvelle épouse passent une nuit agitée à Créon sur la longue route de retour vers Paris (suite)… Vous les verrez entrer en ville bastide le samedi 16 mai à 21 h 30 grâce au grand spectacle gratuit mis en scène par Jean Luc Delage…
(…) La vingtaine de kilomètres depuis Bordeaux a été un véritable cauchemar. La traversée de la Garonne en bateaux au moment du Mascaret avait été déjà mouvementée. Un récit très précis sous forme de poème a résumé ce qui faillit être une catastrophe pour la cour déjà très malade pour avoir bu un peu trop de vin nouveau fraîchement soutiré !
« Nous étions sur la rivière
Quand chacun fit sa prière
Craignant le péril des eaux
Et nous tremblâmes de crainte… »
Le voyage débute on ne peut plus mal malgré une halte à Sadirac au Maine de Labadie propriété du Sieur Sarrazin auquel le jeune roi accorda pour récompense de sa réception le droit de placer une fleur de lys sur la façade de sa bâtisse ce qui l’exonérait à vie d’impôts et surtout lui conférer le droit de fabriquer de la faïence ce qui allait faire la fortune des potiers sadiracais !
Arrivé à la nuit tombée dans la bastide le convoi royal ne fut pas aussi bien accueilli si l’on se fie au compte-rendu de l’époque. La population était pourtant massée, contre son gré, sur la Place et le Prévôt en grande tenue attendait avec sa garde le jeune souverain encore meurtri par ses déboires matrimoniaux. On avait inventé les foules des voyages officiels ! Pourtant ce fut un vrai fiasco !
« A Créon notre couche
La cour fut bien empêchée
Nous n’avions ni pain, ni vivre
Et sans Parfait le bon homme
Ma foi nous mourions de faim…»
Parfait l’intendant de la cour portait bien son nom puisqu’il avait déniché dans la ville tout ce qui n’avait pas été vendu comme victuailles au marché de la veille. Tout fut saisi, pillé même, car l’histoire ne dit pas ce que mangèrent ce soir là les accompagnants affamés, transis et fatigués ! Le village a subi les exactions de la troupe et des serviteurs en grand nombre. On fit bonne figure mais les dégâts furent considérables tant les habitants furent mis à contribution par ces visiteurs exigeants et sans vergogne. On réquisitionna toutes les chambres, toutes les tables, toutes les écuries pour tenter de recevoir le « cœur même de la cour ». Quand on connait le caractère de Marie de Médicis ce ne fut certainement pas une sinécure.
La petite cité ne permettait vraiment pas un accueil digne des fastes bordelais. Elle n’en avait ni les moyens humains ni les moyens financiers. La cour en prit ombrage et le récit est à l’image de sa déception :
« nous n’avions ni laquais ni pages
derrière étaient nos bagages
chacun était déconfit
Et sans le Roi, nos deux Reines
couchèrent dans un même lit »
Ouf ! l’honneur fut sauf la belle-mère et la nouvelle épouse dormirent ensemble faute de lits de qualité ! A Créon donc Marie de Médicis fut contrainte de s’installer avec sa bru pour une nuitée épouvantablement agitée dans une maison donnant sur la Place de la Prévôté. La bastide ne fut jamais paisible et l’animation causée par cette arrivée royale accentua le tapage nocturne d’où le récit suivant :
« Enfin logés près de la halle
sans avoir coffres ni malles
Nous eûmes toute la nuit
L’aubade des volontaires
qui nous firent un beau bruit »
Les soldats massés sur de la paille sous la halle du marché décampèrent à l’aube pour filer sur Libourne afin de préparer l’arrivée de cette cour extrêmement déçue par son passage à Créon. Les habitants mobilisés sous les ordres de Ronan avaient apportés des tonneaux faute de pouvoir rassasier ces dizaines de ventres affamés. La nuit fut très froide, très courte, courte et très agitée. Si à l’époque on ne parlait pas de gastro-entérites il faut nécessairement évoquer les conséquences de cette beuverie sur la santé des consommateurs de vin nouveau comme le raconte le « reporter » d’alors dans son récit du voyage !
« Cette année 1615 fut une année de grande abondance en vins comme jamais vu (sic). Beaucoup de personnes de la suite de la cour étaient mortes à Bordeaux ou moururent en chemin. Et le bruit commun était que les vins doux de Gascogne qu’ils buvaient trop fraîchement et sortant de la cuve causaient les maladies. » Dramatique pur la réputation du clairet local !
La cour se réveilla donc dès l’aube de méchante humeur. Parfait convoqua le Prévôt royal et Ronan son assistant pour leur signifier le mécontentement général sans que pour autant des sanctions soient prises. Dans la prison de la Prévôté on avait récupéré les poivrots habituels et il allait falloir plusieurs jours pour se remettre de cette visite royale. Il ne restait plus rien en ville. Tout avait été bu et mangé !
Toute la cour sortit par la route dite de Libourne se partageant en deux colonnes dès la porte franchie pour franchir le Dordogne soit à Branne pour les serviteurs et les accompagnants soit à Libourne sur des ponts de bateaux pour les personnalités.
Le voyage de noces ne fut donc absolument pas idyllique. La nuit créonnaise ne permit pas d’effacer les déceptions des jeunes époux séparés et surveillés. La réconciliation « sexuelle » entre Louis XIII et Anne d’Autriche n’eut pas lieu à Créon c’est une certitude ! C’est une certitude ! Il fallut en effet attendre le 25 janvier 1919 pour que tout soit consommé… et la nuit en bastide était très loin, oubliée comme le passage du Roi et de la reine !
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