Rien n'est plus dangereux que les héritiers en politique

« Place aux jeunes ! » A quels jeunes ? le slogan est aussi… vieux que l’organisation sociale surtout quand la situation exige des solutions innovantes. Le « jeunisme » frappe de plus en plus dans un monde où on aime bien proclamer un besoin très fort de réformes faites par des femmes et des hommes neufs quand au même moment on bascule dans la « réaction » dans tous les domaines en reprenant des idées oubliées. Il faut des « nouvelles têtes dont la valeur n’attend pas le nombre des années » comme le veut le célèbre vers du Cid sans même se poser la vraie question : sont-elle réellement prêtes à affronter la tempête ? La montée en puissance du besoin de « renouvellement » s’applique même dans les structures qui fonctionnent parfaitement bien et qui satisfont le plus grand nombre. En fait les porteurs de cette démarche visant à pousser vers la sortie des responsables atteints par ce que l’on considère comme la limite d’âge sont en politique de plusieurs catégories. Pour ma part je n’ai jamais vu d’autres fractures dans la vie publique que celle qui sépare les « héritiers » des « conquérants ». Regardez bien autour de vous, tracez sur une feuille blanche simplement deux colonnes ne portant pas surtout la mention « gauche » et « droite » mais « héritiers » et « conquérants » et dressez la liste !

Le comportement de Brutus est on ne peut plus répandu dans l’Histoire puisque l’impatience de récupérer l’héritage est vraiment très forte. Il a traversé les siècles et il permet à bien des « jeunes » de poignarder celui qui les a conduits dans les arcanes du pouvoir. L’impatience de se glisser dans le costume de chef cause parfois des réactions mortelles car le temps du complot passé on se retrouve vraiment face à la réalité. Souvent soutenu par celles et ceux qui espèrent remplacer les califes eux-aussi atteints par la date présumée de péremption les le « plus jeune » que le « plus vieux » ne tient pas la route dans les situations de crise. C’est en effet souvent la négation d’un principe ancien voulant que l’exercice de tous les pouvoirs nécessitent un apprentissage réel et plus encore une expérience dans la réaction face aux difficultés. Brutus n’a pas tenu très longtemps après l’assassinant de César et n’a jamais pu accéder au gouvernement de Rome ! Quand on est « héritier » il est parfois prudent de patienter et de laisser faire le boulot aux autres ! Chirac était expert en la mat et ère, Sarkozy n’a pas été mal du tout alors que le gouvernement actuel possède ou a possédé une légion de « présidentiaricides » exprimant leur qualités pour prendre le poste élyséen.

Il existe aussi parmi les « héritiers » des Borgia à la petite semaine. Ils instillent le poison du doute autour du « vieux » et ils attendent que les doses répétées fassent leur effet unique manque pas de se produire. La technique de l’isolement a démontré son efficacité en maintes assemblées et elle ne se détecte pas facilement car elle produit une sorte de « tache d’huile » qui envahit les esprits les plus malléables. La tentation de Venise finit tôt ou tard par s’emparer de celle ou celui qui comprend que l’avenir ne lui réserve rien de bon. Il laisse sa place sous la contrainte car il ne sait plus soutenu surtout quand les temps sont difficiles. En général l’héritier présomptif ne se montre pas trop dans cette période et il laisse agir un tiers réputé crédible afin de ne pas être sur le banc des accusés.

Parmi les dépositaires de l’héritage convoité on trouve aussi des Volpone. Ils se disent proche du renoncement, de la « mort » pour tester les réactions de leur entourage. Réputés agonisants ou au minimum mal en point ils écoutent, scrutent, les yeux mi-clos mais l’esprit éveillé pour préparer leur résurrection au dernier moment. C’est aussi un peu le scénario du film « le viager » car jamais la place se libère et aucun « accident » se produit permettant aux « héritiers » de s’installer. Le temps paraît alors bien long et beaucoup d’entre eux abandonnent ou se résignent en chemin. C’est alors que l’âge constitue le seul argument pour tenter de se faufiler vers le sommet.

« Trop vieux » rime souvent avec « dépassé »… et quand on est jeune bien entendu la formule de de Gaulle voulant que « la vieillesse soit un naufrage » constitue un argument de poids. Le seul problème c’est que la « frontière » permettant de juger de l’arrivée du naufrage n’a jamais cessé d’être repoussée au fil des siècles. Il fut une époque où on était vieux à 30 ans alors que désormais ma mère qui a 88 ans considère que l’on commence à être trop vieux à 90 ans ! La capacité à bien exercer le pouvoir dépend surtout des choix que l’on fait pour son entourage. Il n’y a plus aucune décision, dans tous les milieux qui ne soit pas le fruit d’une réflexion collective avec des amis, des gens de confiance ou des collaborateurs de tous les âges car c’est la diversité des générations qui permet de constituer les équipes les plus solides! Le nombre d’années du capitaine n’est surtout pas alors un défaut si son équipage est à la hauteur. Bien au contraire ! On le voit dans les entreprises ou dans bien d’autres domaines.

La vraie difficulté vient quand les conquérants sont installés au pouvoir et qu’ils découvrent qu’ils doivent très vite se méfier de celles et ceux qui se placent derrière eux en héritiers… En politique le mieux c’est de rester toujours en danger car a ni comme héritiers ni comme conquérants ainsi on n’a pas le temps de se préoccuper de la marche supérieure ! Surtout répéter que l’on n’a rien vu, rien su et rien entendu évite déjà bien des ennuis et évite que l’on soit classé dans l’une ou l’autre des catégories. C’est certainement la voie la plus sûre!

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