Les chercheurs ont pour mission essentielle d’aller sur des chemins que le commun des mortels n’empruntera jamais. Ils doiventt donc révéler au plus grand nombre ce qu’il n’a jamais perçu et qui pourtant est évident quand on vous l’explique. J’ai assisté dans le cadre de l’Association des Départements de France à une brève mais dense conférence d’un géographe ! Pourquoi cette invisibilité ? Christophe Guilluy, m’a passionné par ses analyses de la France périphérique, celle dont il se plaît à dire qu’elle : « représente 60% de la population, mais elle est invisible aux yeux des élites » et celle qui lentement bascule vers le Front national car justement elle se sent délaissée. Ce n’est pas celle des « métropoles » ou même des « grandes villes » puisque tous les problèmes du quotidien sont moins lourds moins prégnants et surtout traités de manière massive par des soutiens sociaux. Le sentiment d’abandon devient très inquiétant pour l’avenir de la démocratie. Ila remplacé celui de l’insécurité qui s’estompe face à un manque de reconnaissance touchant les classes les plus pauvres. « On a abandonné « la question sociale » dans les années 80, mais aussi parce que ces catégories vivent dans cette France périphérique éloignée des métropoles d’où proviennent les élites. Loin de Paris, mais aussi des grandes villes qui sont les premières bénéficiaires de l’économie mondialisée et d’une société ouverte. Mécaniquement, les politiques publiques se sont de plus en plus concentrées sur les grandes villes, qui rassemblent désormais 40 % de la population, en délaissant la nouvelle question sociale naissante dans la France périphérique ». Le constat de Christophe Guilluy prend un sens quand on porte sur une carte le résultat des dernières élections européennes et municipales. Le « brun foncé » s’intensifie au fil des scrutins hors des zones urbanisées, celles où le niveau social, culturel et éducatif devient de plus en plus préoccupant !
« Cette France périphérique représente désormais un continuum socioculturel où les nouvelles classes populaires sont sur-représentées » explique le chercheur qui empile les cartes de synthèse avec dextérité et efficacité. « Elles ont en commun d’être des victimes de la mondialisation. Elles habitent loin des territoires qui comptent et qui produisent le PIB national. Si les ouvriers étaient au cœur du système productif et donc dans les villes, aujourd’hui, les nouvelles classes populaires sont au cœur d’un système redistributif de moins en moins performant ». Elles en souffrent en silence et se vengent d’un système politique qui les méprisent et les oublient sauf en réclamant leur soutien électoral.
Par ailleurs la défiance des classes populaires vis-à-vis des responsables politiques gagne maintenant les maires, qui sont considérés comme impuissants face au délitement du territoire et eux-mêmes victimes des décisions et des représentations portées par les élites. Certains l’ont payé cash quand ils étaient trop théoriques, trop distants, trop indifférents aux préoccupations réelles de leurs électeurs. « Politiquement, ces nouvelles classes populaires sont désormais très éloignées des grands partis, c’est pourquoi elles constituent l’essentiel des abstentionnistes et des électeurs du Front national. » ajoute le géographe qui sonne le tocsin avant les élections cantonales et régionales. « Il vous faut créer un rapport de force très vite explique Christophe Guilluy car vous allez droit dans le mur. La réforme actuelle visant à détruire la proximité à travers des territoires régionaux démesurés, la disparition des conseils généraux, la destruction de l’échelon communal constitue une erreur manifeste car elle détruit le seul besoin réel des gens : la proximité ! » On va donc accentuer la sensation d’abandon et renforcer cette révolte conduisant à voter en faveur de ceux qui défendent faussement cette valeur.
Bien que les élus refusent de l’admettre publiquement, les grandes métropoles sont les territoires les plus inégalitaires où cohabitent des classes populaires immigrées et des classes supérieures dominantes. La diversité culturelle participe au brouillage des différences entre classes. « La lutte des classes pour l’égalité sociale laisse ainsi la place à un combat pour la diversité qui quelque part légitime les inégalités. La question sociale se déplace vers la question ethnoculturelle sans être toutefois assumée par les élus qui ont tendance à laisser aux fonctionnaires de terrain le soin de gérer les tensions communautaires ». C’est essentiel pour mieux comprendre l’abstention. Le désert associatif, le départ des élus sur des quartiers, la valorisation des actes de consommation incitent à laisser filer les travers constatés.
Christophe Guilluy a ses adversaires résolus. Normal car il dérange. Il a été reçu par François Hollande qu’il n’a pas visiblement convaincu ! Moi oui ! Malheureusement pour moi !
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Je dirai plutôt comment a t-on sacrifié les classes moyennes pour faire survivre les classes populaires ? Comment a t’on fait pour que le niveau de vie des classes moyennes soit peu ou prou le même que celui des classes populaires?