Le retour de la peste illustre la précarité du monde réputé moderne

Il y a des noms de maladies qui font trembler car ils sont inscrits dans la patrimoine durable de l’Humanité. Dans nos sociétés réputées civilisées on n’aime pas « cancer », « infarctus », « Alzheimer », « Parkinson », « rougeole », « tuberculose »…autant de créations récentes de la science et du vocabulaire. Nul ne sait véritablement si ces fléaux actuels existaient réellement avant que l’Homme cause sa propre perte en créant les conditions d’évolution pour qu’ils se développent. Durant des siècles, avec d’autres appellations « variole », « choléra », « famine », « typhus », « peste » le monde a vécu dans la terreur. Le plus terrible des maux reste dans l’histoire « la peste noire » qui durant des siècles a effrayé les peuples. Ce n’est pas pour rien qu’existe « être craint comme la peste » dans le langage commun. Ellle est évoquée dans l’Ancien Testament comme un fléau envoyé par Dieu aux Hébreux. Le roi David est châtié par Dieu et doit faire le choix entre subir sept années de famine, trois mois de guerre, ou trois jours de peste ; il choisit la peste . Les Grecs ont également subi de telles maladies. Sans en connaître réellement les fondements. L’Empire romain connut d’importantes épidémies, en particulier à partir du II° sièclede notre ère. On va assister à des décennies paisibles avant qu’en 1347, des navires infectés abordent en Europe et déclenchent une épidémie dont mourra un quart de la population occidentale en quelques années. Au Moyen Âge, le terme de « peste », ou ses équivalents, ne désigne pas nécessairement la maladie aujourd’hui nommée peste ni même une autre maladie spécifique. Il s’appliquait à toute épidémie importante, toute maladie frappant une communauté – phénomène difficile à expliquer sans le concept de contagion – et rapportées plus souvent à des superstitions qu’à des causes matérielles. Jusqu’au XVIII° siècle, des épisodes majeurs de peste sont encore signalés régulièrement en Europe (Londres, Marseille, Toulouse…). On a associé cette maladie à des périodes d’obscurantisme et surtout la modernité n’a existé qu’avec l’apparition d’outils médicaux susceptibles de combattre des croyances et de redonner des causes objectives à ce qui relevait de la décision divine. Les aspersions d’eau bénite, les sacrifices rituels, les prières à saint Roch ou à Saint Sébastien, les processions, les bûchers pour hérétiques ou lépreux, la bave de crapauds ou le sang de vipère ne peuvent rien contre les piqûres de la puce fréquentant les rats ! Ainsi, la peste noire de 1347–1352 a profondément marqué l’Europe en exterminant 30 % à 50 % de la population européenne. La population française quant à elle chuta de 41 % sur la même période faisant 7 millions de victimes sur les 17 millions de Français de l’époque. L’ignorance totale, le manque d’hygiène, la misère absolue, l’absence de connaissances n’ont fait que renforcer la notion de fatalité !

Et il est extraordinaire que dans notre monde se voulant exemplaire et du risque zéro on retrouve encore et toujours des pays dans lesquels on n’a pas été capable de comprendre que la même cause (la pauvreté la plus terrible) allait ramener des siècles en arrière. Tout le monde pense que la peste est une maladie du passé éradiquée, mais elle ne l’a jamais été. Il n’y a jamais eu de période sans cas de peste dans le monde. Une étude sérieuse indique ainsi qu’entre 2000 et 2009, quelque 21.725 cas de peste et 1.612 décès ont été recensés. L’Afrique est le continent le plus touché, mais il y a aussi des foyers endémiques de peste: Kazakhstan, Chine, Inde, Vietnam, Birmanie, Inde, Kirghizstan, Jordanie, Lybie, Algérie…. Il existe aussi des foyers en Amérique Latine (Pérou, Bolivie, Equateur, Colombie) et sur la côte ouest des… Etats-Unis. Il y a des cas humains de peste aux Etats-Unis tous les ans, une personne en est d’ailleurs décédée ce mois-ci ! Et là brutalement elle émerge sur Madagascar à proximité de La Réunion et de Mayotte !

Cette année, plus que les années précédentes, on assite en effet à une propagation de la peste, qui a déjà affecté 86 personnes. 39 sont mortes, selon le ministère de la Santé malgache. Cette épidémie touche cinq districts de l’île sur 119 -Mandritsara (nord), Soanierana Ivongo (nord-est), Ikongo (sud-est), Tsiroanomandidy (centre-ouest), Ikalamavony (centre-sud). Un médecin de la direction générale de la Santé à Antananarivo a précisé que 90 % des cas prenait la forme de la peste pulmonaire, plus grave que la forme plus répandue, la peste bubonique ou peste noire…. Or il faut rappeler qu’elle est très contagieuse, se transmet par voie aérienne d’homme à homme, par l’inhalation des gouttelettes expectorées par les malades… Au fait voulez-vous connaître la vraie cause de cette renaissance d’un fléau de ce type : le pillage, le saccage, la destruction au nom du profit des forêts malgaches qui ramènent les rongeurs contaminés vers les villes et les villages où les populations vivent dans les pires conditions (monceaux d’ordures, absence totale d’assainissement, eau non potable…). Pas de panique : on va mobiliser aussi rapidement qu’ailleurs les forces nécessaires pour aller combattre ce mal aussi vieux que le monde ! La guerre contre la peste est déclarée…Enfin on peut y croire !

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Cet article a 3 commentaires

  1. Eric Batistin

    Camus écrivit à propos de son roman « La Peste »:
     » La Peste, dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme.
    La preuve en est que cet ennemi qui n’est pas nommé, tout le monde l’a reconnu, et dans tous les pays d’Europe. »

    Aujourd’hui point de romanesque, mais une évidence tout de même,
    le libéralisme intégriste, appliqué à outrance partout dans le monde,
    est surement la cause de tous nos maux.

  2. J.J.

    J’ai entendu « sous entendre » (à vérifier) que la terrible épidémie de grippe dite espagnole qui fit des millions de victimes en Europe, en particulier chez les belligérants de cette guerre que d’aucuns trouvaient « fraîche e joyeuse »értait en réalité une forme de peste.

    On déclara grippe, probablement pour ne pas affoler les foules, le terme semblant plus bénin ( ce qu’il n’est pas en réalité), mais le mal fut aussi grand.

    Et que dire de ces fous irresponsables , qui dans les pays musulmans interdisent les a, provoquant le retour de maladies aussi graves que la polio qui étai presque éradiquée !

  3. Get Smart

    À propos de la grande peste d’Athènes, la formule de La Fontaine « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » convient parfaitement pour résumer les effets délétères de la peste : elle ne tue pas toute la population, mais affecte, très gravement, toute une communauté, lorsqu’elle s’abat sur elle. Périclès en fut une de ses victimes.

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