La potion à maires n'est plus magique et ils en ont ras le bol !

Maire5En cette fin d’été légale, la préoccupation des partis politiques tourne autour des élections municipales. Les rumeurs se multiplient. Les réunions deviennent agitées. Les comptes se règlent un peu partout. Les équipes d’élus éclatent. C’est ainsi, mais avec le recul il me semble que la situation est beaucoup plus critique que lors des 7 renouvellements que j’ai personnellement connus comme militant. Encore une fois, on dégringole dans la France discrète et ignorée des médias vers une démocratie locale pervertie et surtout de plus en plus faible. La crise morale qui frappe le milieu des élus qui ont pignon sur rue au niveau national pèse sur les élections des villages. Certes on continue et on continuera, semaine après semaine, à pérorer sur les querelles dans les grandes villes, car ce sont elles qui font « vendre » ou qui attirent, mais le mal est profond, inquiétant et durable.

Plus de 98 % des maires ne sont absolument pas concernés par le débat autour du cumul des mandats (en Gironde seulement 4 candidats sur 542 pourraient avoir à se justifier aux municipales par cette situation!) mais rien ne sert de le dire : l’opinion dominante campe sur des idées reçues et ne veut rien entendre. Les « affaires » accentuent le désarroi dans les rangs de ces premier(e)s magistrat(e)s qui sont mis dans le même sac que la poignée de ceux qui ont déshonoré une fonction essentielle pour la République. On sent bien un fort malaise dans les discussions avec des femmes et des hommes qui ont honte de percevoir une indemnité pour leur dévouement et leur investissement. Ils n’osent plus affirmer leur rôle, d’autant qu’ils en prennent plein la gueule dès qu’ils ont des difficultés à répondre aux aspirations individuelles de la population. Quand ils parlent « intérêt général » et « règles collectives », il essuient immédiatement, pour ceux qui sont réellement au contact direct de la population, des salves d’accusations blessantes et injustifiées. Il leur faudrait ne faire que des exceptions au droit pour qu’ils soient estimés. Dans la tourmente de la réforme territoriale, submergés de réunions toutes plus inutiles les unes que les autres, devant faire face à des difficultés budgétaires croissantes, une grande majorité va mettre les voiles vers des rôles sociaux plus paisibles. Une énorme déception monte parmi les premiers hussards de la république. Sur le canton périurbain et rural de Créon (le plus grand de France en nombre de communes) pas moins de 15 maires sur 28 ont déjà annoncé leur intention de se retirer ! Jamais on n’a connu une telle vague de renoncements qui pourrait d’ailleurs augmenter d’une ou deux unités dans les prochains mois. Les raisons de cette désertion sont multiples !

D’abord, il faut bien admettre que si les 400 000 normes que doit appliquer un maire dans sa fonction quotidienne ont un impact sur la vie des villes, elles commencent à terroriser les élus de base. Quels moyens ont-ils pour les mettre en œuvre ? Les services de l’État qui les secondaient ont plié bagage, les laissant seuls face à la réalité. Deux choix : embaucher des techniciens à l’échelle intercommunale ou communale, ce qui surcharge la barque des charges de fonctionnement et donc les impôts locaux ! Impossible. Ils se tournent alors vers des maîtres d’œuvre privés ce qui pénalise leurs budgets et produit des effets plus faibles, mais pourtant, ils y sont contraints. Le maire doit être omniscient dans les communes de base et assumer en direct, alors que dans les villes il est protégé par des centaines voire des milliers de salariés qui font écran entre lui et ses responsabilités ! Rien à voir dans un cas et dans l’autre. Les réunions de chantier, les instructions de dossiers d’urbanismes, les aménagements de sécurité, le montage des dossiers de subvention, les soucis quotidiens d’état-civil, de troubles à l’ordre public… sont des facettes de la fonction inconnues des « grands » maires ! Les « petits » en ont assez, et sont usés par cette pression constante, et surtout par l’incompréhension qu’ils rencontrent dans leur équipe municipale ou plus largement par des « consommateurs électeurs » ou par des groupements d’intérêts particuliers, se réclamant de l’intérêt général !

La fuite tient ensuite à la fin d’une génération d’élus qui se sont engagés dans les années 80 avec l’espoir de pouvoir mettre en place une nouvelle gouvernance locale inspirée par la décentralisation. Au fil des ans, ils ont perdu leurs illusions, puisque la « recentralisation » dans une « décentralisation intercommunalisée » a perverti leur fonction en les transformant tous en auxiliaires de présidents n’ayant aucune légitimité face au suffrage universel. Ils n’existent guère pour un État recentré sur ses enjeux (RGPP, mise en œuvre de directives européennes, reprise en mains indirecte de pouvoirs estompés, réformes incessantes…) et qui ne juge qu’en fonction des positions prises par les élus nationaux, pouvant influer sur la carrière de ses principaux représentants. La politisation de l’appareil durant les dix dernières années a accentué ce phénomène que les élus de base ressentent mais n’expriment pas.

La disparition progressive de la reconnaissance de la population, avide de services « gratuits » ou ne générant pas d’impôts, donc mécontente et incapable de juger avec des repères objectifs par manque d’éducation civique , accentue les départs. On va donc vers un pourcentage de renoncements aux fonctions assez fort, ce qui va accréditer la thèse selon laquelle la cellule communale fondatrice de la république n’a plus de légitimité… Les vocations existeront tout de même, mais sur d’autres bases et dans d’autres conditions. Le Parti socialiste, ayant oublié cette dimension capitale pour son influence électorale, va payer cher ses querelles internes de fans de vedettes nationales et ayant oublié la valeur fondatrice des élus locaux. Il se focalise sur les grandes villes et des enjeux de listes politiciennes, en oubliant que les racines de la démocratie sont gangrenées par l’indifférence. Sur le canton de Créon où 23 maires sur les 28 avaient soutenu les candidats socialistes dès le premier tour aux législatives, on peut espérer avoir… une demi-douzaine de survivants ! Or le FN réalise désormais ses meilleurs scores en zone rurale. On en reparlera donc en 2017 !

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Cet article a 3 commentaires

  1. suzanne marvin

    pas de quoi se réjouir aprés cette lecture……….pour une fois je voudrai que vous soyez dans l’erreur……….

  2. Claude MEFIANT

    Comme tu exprimes bien ce que je ressens !

  3. jean __luc

    Tout à fait d’accord avec la démonstration de la dévalorisation de ce rôle jusque là essentiel du premier magistrat de la ville, qui au fil du temps, voit d’un côté accroitre sa responsabilité personnelle et morale, et parallèlement des fonctions bientôt bridées à un simple « marieur ». Contraste saisissant entre responsabilité et représentativité.

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