Les Allemands viennent placer leurs fonds dans les collectivités françaises

Les banques françaises ont du souci à se faire et elles peuvent déjà s’inquiéter pour leur avenir. A force d’être indifférentes à l’économie réelle, elles vont perdre des pans entiers de marchés. Dans le cadre de mes fonctions de vice-président du Conseil général chargé des finances, il me faut convenir que j’assiste à une offensive en règle des investisseurs…allemands vers les grandes collectivités territoriales françaises. Étrange paradoxe que celui de voir les milieux financiers d’Outre Rhin venir placer leurs fonds dans un pays que leurs dirigeants ne cessent de critiquer pour son laxisme. Et leurs offres distancent nettement celles de leurs concurrents français en matière de durée et de montant des intérêts ! Il n’y a pas photo.
La notation AA+ a certes une grosse influence sur leur attitude, mais de là à les voir débarquer à Bordeaux pour aligner des dizaines de millions à des conditions nettement meilleures que les leaders hexagonaux (Caisse d4epargne, Crédit Agricole, Crédit Mutuel via Arkéa…) relève de la vision surréaliste. Ils veulent absolument prêter à ces entités que, par ailleurs, l’État ne cesse de flinguer car jugées en partie responsables de l’endettement national. Peut-être ont-ils compris que les communes, les départements, les régions, ne sont jamais en déficit et que mieux, ils dégagent collectivement plus de 20 milliards d’excédents appelés « autofinancement » ?
Dans un débat avec des syndicalistes CGT de haut niveau revendicatif, une personne m’a apostrophé : «  pour créer des emplois, pourquoi n’empruntez-vous pas ? ». Il y a des cours de citoyenneté qui ont été manqués… mais c’est normal quand on veut tuer un « chien » enragé de socialiste, suspecté de compromission avec le monde de la finance. Or il s’agit simplement d’une méconnaissance absolue de la nature des endettements de l’État (fonctionnement) et de celle des collectivités (investissements). Les difficultés viennent essentiellement de cette différence fondamentale. Les banquiers de HSBC (EMO), PBB ou de Helaba, offensifs et lucides, savent eux que les collectivités n’empruntent que pour bâtir, aménager ou créer du concret, et que justement c’est une garantie pour leurs prêts… Alors que les États n’offrent pas d’autres garanties que celles de pouvoir emprunter à nouveau à des taux plus faibles pour rembourser les annuités de leurs… emprunts ! Et c’est là que l’on mesure la difficulté pour le gouvernement actuel de relancer une vraie croissance créatrice d’emplois. Tous les efforts consentis par la nation pour éviter des déboires liés à des spéculations hasardeuses n’ont produit qu’un seul effet réel : rendre les banques françaises frileuses, avides de rentabilité immédiate et surtout oublieuses de la notion de risque en faveur de l’économie.
Avec près de 73 % des investissements publics, les communes, intercommunalités, départements et régions représentent une force considérable dans le secteur du Bâtiment, des travaux publics et des achats de produits durables. Il est déjà certain que 2014 (année électorale systématiquement négative) va décélérer considérablement ce niveau, car peu de chantiers seront lancés par les équipes nouvelles auxquelles on donne en général 2 années pour lancer ses premiers projets. La baisse des dotations et plus encore le décalage dans le vote des budgets promettent une vraie dépression économique dans le BTP. Le logement patine, les infrastructures sont décalées, les nouveaux grands travaux inexistants… et pour le Conseil général de la Gironde les perspectives donnent une baisse de 50 % de l’autofinancement et un total d’investissements hors dette en chute libre !
Les banquiers allemands seront venus récupérer les meilleurs clients. Et encore une fois, on parlera doctement du « fabriquer et acheter français » quand l’essentiel est ailleurs. Comment ignorer des propositions étrangères réalistes, solides, massives quand une seule « intéressante » de la Banque Postale couvre 25 % des besoins et que même celles de la caisse des Dépôts et Consignations est dépassée ? Le principal problème en zone euro, et de la France en particulier, n’est absolument pas lié au niveau des taux de refinancement bancaire, ni au montant des liquidités injectées par la BCE, mais à la mauvaise transmission de la politique monétaire à l’économie réelle, en particulier à la périphérie de la zone. Les banques françaises n’ont aucune incitation à prêter, pour des raisons qui tiennent à l’état de l’économie, à des contraintes réglementaires beaucoup trop strictes (Bâle 3) et ils se contentent de prêter à celles et ceux qui n’en ont pas besoin !
En tous cas, la situation est alarmante, désespérante même sur certains points, car les nuages noirs s’accumulent à l’horizon et le mur de l’argent sera, je le crains, encore plus difficile à abattre que celui de Berlin !

Cet article a 2 commentaires

  1. batistin

    Quand le Fond Monétaire international, aidé en cela par le gendarme au service qu’est la Commission Européenne , n’a d’autre but inavoué que de privatiser tout ce qui bouge encore, quelle importance cela peut-il bien y avoir d’être mangé en hamburger ou en choucroute ?
    La Grèce n’est plus aux grecs, et la France n’a plus de consistance que dans sa langue. Langue perpétuée avec force lors des journées de la Francophonie dans le monde, et, heureusement encore pour nous tous, dans quelques beaux textes défendus avec virulence par les chanteur de cité dortoir. Autrement appelés slammeurs.

    L’idée que l’on se fait de sa France, chacun de nous à sa façon, et ce quelque soit notre age, notre culture ou nos origines, est indissociable d’une certaine humanité, d’un certain humanisme. La famille, les collègues, les voisins….

    Les grands argentiers de ce monde aiment la France, et c’est bien encore notre seule chance, une forme de romantisme qui dure …
    Fréderic II de Prusse était un romantique et avait pour ami notre illustre Voltaire.

  2. Raymond VIANDON

    La France ne manque pas d’argent. Les Français sont les champions du monde de l’épargne, même si, aujourd’hui, elle ne leur rapporte que le coût de l’inflation. C’est un état d’esprit très Franco-Français. En attendant, dans un des pays les plus riches du monde, l’argent ne circule pas et les Collectivités (notamment les plus grandes, comme la Gironde et l’Aquitaine) ont des difficultés à en trouver pour assurer le financement de leurs investissements lourds mais nécessaires (et réclamés par les citoyens) comme les Collèges, les Lycées, les Ecoles, les locaux sociaux, les logements, les routes, les ponts, les stades, les salles sportives, les salles culturelles… etc … etc …
    Paradoxe de notre économie qui n’attend que cela pour relancer l’activité et combattre le chômage. On pourra toujours vanter les vertus des emplois d’avenir et autre « outils » destinés à donner du travail à ceux qui n’en ont pas, si on ne soutient pas l’investissement, notamment public, ce ne seront que « coups d’épée dans l’eau ».Ce ne sont pas les entreprises du BTP qui me démentiront.

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