La première fois que j’ai eu à exercer le métier d’instituteur auquel mes « maîtres » successifs m’avaient formé, j’avais comme séquence de classe à préparer, celle qui débutait la matinée : la morale ! Inimaginable à notre époque, comme peut l’être également le fait que le directeur de l’école normale (1) nous dispensait un cour de « morale professionnelle ». Et pourtant, je mourrai « instituteur » avec tout ce que cela peut comporter de ringardise. Si on ne naît pas « instituteur », on peut sans risque affirmer que l’on peut mourir « instituteur ». Difficile de se débarrasser de la blouse grise ou bleue que l’on a portée, mais plus encore, impossible de se déconnecter définitivement de ce cordon ombilical des valeurs nourricières qui vous ont abreuvé.
Il arrive donc souvent que je sois malade au sens « matériel » du terme, quand je constate des attitudes ou des faits empreints de la plus profonde injustice, quand je constate la malhonnêteté intellectuelle, quand je détecte une fuite de responsabilité, ou quand cette liberté qui est tellement fragile est menacée. C’est viscéral. J’en deviens parfois agressif, car c’est une douleur profonde qui m’envahit. Si je n’arrive pas à convaincre qu’il faut refuser les tristes réalités, je disjoncte ou je me bats inutilement, comme le faisait Don Quichotte face aux moulins à vent, pour dépenser cette rage d’être le dindon impuissant d’une farce tragique. Et mes crises sont de plus en plus rapprochées !
Un Président de la République, qui devrait être un « instituteur » de la République depuis quatre ans, piétine sans cesse toutes les valeurs qu’il est chargé d’illustrer ou de protéger. Personne ne monte sur une Rossinante pour mener les combats. Tout le monte se défile, de peur de se prendre un coup de moulin à paroles dans les gencives. Prudence, silence, décence, sont devenues les vertus cardinales du débat politique. Un pauvre gars (malade soigné depuis des mois) qui a osé se révolter contre le Chef d’un État Français déliquescent (record historique hier de la dette de la France pour assumer son fonctionnement) en fait les frais ! Dans une cité lot et garonnaise, mise en état de siège aux frais du contribuable (il ne proteste pas contre ce déluge de dépenses strictement dévolues à la première phase de la campagne de Nicolas Sarkozy) un non adhérent de l’UMP (tous ceux du 47 avait eu un badge d’accès) alpague quelques secondes celui qui passe toquer les manettes ! C’est fait, la morale républicaine est outragée, et le Pays s’arrête ébahi par une telle indécence.
Ce gars là a failli déchirer un costume sur mesure avec épaulettes et cintrage parfaits, un complet Dior bleu nuit ou noir avec chemise blanche ou bleu ciel, parfois rose, couleurs froides et sobres très consensuelles tout en étant ancrées dans les codes traditionnels de la droite (rigueur, respect des valeurs et de l’autorité)… Imaginez un peu le désordre. Le Président a traversé en pleine campagne. Il aurait pu casser sa montre Bréguet, faire chuter son stylo Mont-Blanc de la poche intérieure du veston ou égratigner ses chaussures italiennes de marque Tod’s. à cause d’un révolté ayant fait, selon la presse généralement bien informée, deux tentatives de suicide.
Son acte condamnable sur le fond a valu à cette « racaille gauchiste » une condamnation à six mois de prison avec sursis, ce qui lui a permis de sortir libre du tribunal. La condamnation a été assortie d’une obligation de soins en milieu hospitalier et d’un stage de citoyenneté de deux jours. Elle est plus clémente que ne le réclamait l’accusation qui avait demandé une peine de 3 mois de prison ferme ainsi que six mois supplémentaires avec sursis… Il apprendra ainsi ce que c’est que la justice républicaine ! Dura lex sed lex !
Il aurait pu se contenter de crier « Casse-toi pauv’con ! », de menacer de « karchériser » le visiteur, ou lâcher « descends si t’es un homme ! » pour éviter d’être sanctionné. C’est visiblement un manque coupable de discernement, qui mérite une telle sanction. On ne touche pas les symboles moralement irréprochables de la République.
Personne ne peut échapper à une justice garante de la morale … et qui poursuit impitoyablement ceux qui manquent de respect pour les fondements sociaux, dans une sorte d’emballement porté par un tsunami médiatique inarrêtable. Un pauvre « glandeur de la République » (c’est lui qui se décrit ainsi) s’en est pris à celui qui représente la « grandeur de la République », et ça ne se pardonne pas… au nom de l’image nécessaire de rigueur. Un fonctionnaire fautif, impossible de rêver pareille aubaine. Un fonctionnaire barbu et pas très bien fringué, c’est pain béni pour se refaire une santé de victime magnanime. L’auteur de ce méfait gravissime a néanmoins encore de l’espoir : il existe des précédents où des personnes condamnées à de la prison avec sursis peuvent effectuer des carrières politiques de haut niveau, ou continuer à exercer des responsabilités administratives. Le défaut, c’est que depuis New-York est arrivée une terrible nouvelle : il arrive que la justice déraille en oubliant que la mesure doit être un valeur essentielle en toute chose. Elle s’est discréditée en voulant afficher une célérité déroutante.
En morale professionnelle, à l’Ecole normale, le directeur répétait sans cesse à des instituteurs en devenir : « une punition pour être efficace doit être juste… ce n’est pas en punissant beaucoup que vous affirmerez votre autorité, mais c’est en punissant à bon escient, et quand toutes les autres solutions ont été épuisées ! Ne confondez jamais autoritarisme et autorité » A méditer sans modération. Mais grâce à ce tribunal agenais, l’honneur de la République est sauf. Du moins certains le croient !
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Et l’histoire ne nous dit pas si , comme dans des cas précédents de « lèse talonnettes », les autorités policières ont été sanctionnées. Car il y a eu incontestablement un défaut dans la cuirasse de la protection du cortège.
Mais il faut cependant louer la célérité des personnels de protection qui se trouvaient juste à proximité du « terroriste », derrière la barrière.
Voilà des gens qui ont du flair, non ?
Enfin, voilà encore un incident qui tombe bien à point, pendant une pré-campagne électorale sponsorisée par le contribuable, un peu comme l’affaire de « human bomb » et autres avatars très clairs…
Saluons la mansuétude pré-électorale.
Excuse-moi, mais ça n’empêchait pas notre cher Directeur de donner ou faire donner des punitions injustes, inefficaces et parfois stupides.
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Il faut bien se résigner à revenir aux aléas de l’humaine conditon : trop de perfection serait jugé comme suspect….
Quand ce n’est pas lui qui agresse, il est agressé, sans parler de la maîtrise qu’il doit déployer pour se contrôler, ni des agresseurs potentiels fort nombreux, on se demande pourquoi ce type persiste à nous coûter la peau du c… à se promener en France, en Airbus.