Il ne fallait pas agiter le chiffon rouge devant les électrices et les électeurs, car il était susceptible d’en réveiller quelques-uns avant les cantonales. En fait, si les Françaises et les Français se détournent des urnes en général, ils deviennent motivés dès qu’il s’agit de réparer les dégâts politiques de celles et ceux qu’ils n’ont pas eu le courage d’aller condamner. Il a donc été décidé de ne communiquer les mesures de carte scolaire du premier degré que cette semaine… et dans les cantons où on a voté UMP ou FN, on constate les dégâts. Là où on a réclamé des crédits au Conseil Général pour améliorer les locaux scolaires, les représentants de l’Etat suppriment les postes d’enseignants à mettre dans les classes. Chut ! Il ne faut pas l’écrire, car personne ne savait que 13 000 postes allaient être retirés du terrain, et que dans tous les départements, ce serait l’hécatombe. En Gironde on commence, faute d’avoir sorti le bulletin de vote, à déployer les banderoles, et faute d’avoir occupé les isoloirs, on s’installe dans les établissements scolaires pour y passer les nuits. Les syndicats quittent les lieux institutionnels où les recteurs et les inspecteurs d’académie tentent de récupérer, par la différence entre les disparitions et les créations, ces fameux quotas de suppression demandés par le Ministère. Un tour de France d’une journée se résume à un affligeant tableau de chasse.
L’inspectrice d’académie du Morbihan, Marie-Hélène Leloup, a présenté hier les mesures de carte scolaire pour la prochaine rentrée dans le public. Le Morbihan devra rendre 17 postes. 38 262 élèves sont attendus, soit 111 de moins que cette année, et donc 17 postes de moins ! L’inspection d’académie a transmis aux syndicats les propositions concernant la carte scolaire du premier degré dans le Haut-Rhin, à la rentrée prochaine. Le SNUIPP-FSU a comptabilisé 131 fermetures de classes ou de sections, contre 75 ouvertures. « C’est une saignée sans précédent! » À l’issue de leur réunion de travail, hier, à l’inspection académique de Créteil, qui portait sur la future carte scolaire des établissements du premier degré, les syndicats enseignants sont assommés. Pierre Moya, inspecteur d’académie, envisage de fermer 98 classes à la rentrée prochaine, pour seulement… 60 ouvertures… En Gironde, on est sur les mêmes bases avec 51 suppressions de classes et 20 ouvertures ! C’est une litanie qui va s’allonger chaque jour pendant que François Fillon, éminent « collaborateur » du Chef de l’État, s’écharpe avec Jean-François Copé, Rastignac UMP, et que dans les chaumières, noyés sous les flots de paroles de « la » Marine, on se barricade pour ne pas être contaminé par un nuage radioactif immigré ! Voici la leçon essentielle du scrutin de proximité des cantonales ! Les électrices et les électeurs attendent d’être victimes directes de la politique gouvernementale pour réagir, sans se rendre compte qu’ils ont eu l’opportunité (certes, seulement pour la moitié d’entre eux !) de témoigner, par leur vote, leur opposition à cette destruction massive des services publics, pour une privatisation inégalitaire ! Ils refusent de voir la vérité en face, soit parce qu’elle leur fait peur, soit parce qu’il est plus confortable de ne pas avoir à se prononcer !
Les « parents-électeurs » des élèves entassés dans des classes à plus de 30 vont contester rapidement la qualité de l’école publique ! Les « parents-électeurs » d’élèves, indifférents à la des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) mettront en cause ces jeunes professeurs débarquant sans aucun repère pédagogique. Les « parents-électeurs » tenteront de faire rétablir, par des fonctionnaires d’un État décimé par la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques), des suppressions de postes qu’ils ont approuvé par… leur abstention. C’est en effet trop tard, la machine à broyer les principes républicains d’égalité d’accessibilité aux services est en place, quel que soit le territoire, quel que soit le niveau social, quelle que soit l’origine raciale ou la philosophie religieuse. Ce ne sera bientôt plus vrai avec les jardins d’éveil, les écoles « regroupées », les collèges dépouillés des options selon les effectifs… Et bizarrement sort une étude qui démontre que, dans un contexte pourtant moins défavorable que celui qu’il sera demain, 10 % des enfants sont victimes de violences plus ou moins graves. Au total, 12 326 écoliers de huit à douze ans ont été interrogés dans 157 établissements du premier degré, du CE2 au CM2, dans huit académies, de fin 2009 à fin 2010. En moyenne, près de neuf élèves sur dix (88,9%) déclarent se sentir « tout à fait bien » ou « plutôt bien » à l’école. Mais 11,7% se disent victimes de violences physiques et verbales.
Dix-sept pour cent des élèves affirment avoir été frappés, souvent ou très souvent, par d’autres élèves. À leurs dires, les écoliers du primaire ont été quelquefois (26,9%), souvent (7,5%) ou très souvent (8,7%) affublés d’un surnom méchant. Avec moins d’enseignants, toujours moins de surveillants, toujours moins de crédits, toujours moins d’encadrement, le Ministre a proposé de créer la énième commission dont on sait à l’avance que son rapport finira dans les cimetières aux études, puisque pendant ce temps, la démolition continue.
S’en prendre à la politique, en refusant de voter, c’est se condamner à subir, à sempiternellement subir, et à courber l’échine. Une suppression de classe ne relève pas, en effet, de la nécessité de gestion, mais de la décision « politique » au sens noble du terme puisque c’est un choix gouvernemental… assumé par les Ministres en place. Les auteurs de l’étude sur les violences soulignent toutefois, face à ce phénomène, qu’ « on est loin du catastrophisme affolé qui s’est emparé des représentations communes de l’école française». Alors, tout va bien… on attendra la prochaine étude, dans un an, avec la certitude que tout ira mieux puisque, bien entendu, en 2012 les parents et plus encore les grands-parents d’élèves mécontents ne connaîtront les mesures de carte scolaire qu’après ne pas être allé voter !
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Bonjour Jean-Marie,
Combien est noble ton billet!
N’oublions pas Danton qui, se rendant à l’Assemblée, prononça un discours célèbre, dont on a surtout retenu :
« Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la Patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée! »
Et bien les ennemis de la Patrie sont ceux qui tuent l’EDUCATION en supprimant les postes; Ensuite,les mêmes versent des larmes hypocrites sur ce qui se passe aujourd’hui à l’école.
Alors, il nous faut de l’Education, encore de l’Education, et toujours de l’Education;
Le civisme renaîtra chez les petits et les grands pour s’exprimer aussi dans les Urnes.
A bientôt,
Gilbert de Pertuis en Luberon
Devant l’école voisine où je je suis allé voter dimanche, les parents d’élèves ont opportunément accroché aux grilles des pancartes indiquant leur refus de fermeture d’un autre poste :
NON A LA FERMETURE D’UNE CLASSE,
NON AUX CLASSES DE 35 ELEVES !
MENACE POUR L’AVENIR DE NOS ENFANTS !
Certes, cet affichage, que certains ont probablement jugé intempestif, aura peut-être été décisif pour certains dans le choix du candidt à élire.
Malheureusement cette contestation n’a touché que le trop faible public qui avait pris la peine de se déplacer pour faire valoir ses droits de citoyens.
Pour la plupart cette information n’a prêché que pour des convertis d’avance.
Dommage, mon cher JMarie, que tu rejettes la responsabilité sur les parents-électeurs qui seraient indifférents. Car si j’en juge la campagne dans mon canton, aucun candidat des partis de la gauche officielle (PS, PCF, Verts) n’a pris position pour soutenir les parents d’élèves de PUGNAC qui voulaient que les enseignants soient remplacés! Les cantons vont disparaître, mais les mêmes n’ont pratiquement rien dit là-dessus, ni réclamé l’abrogation de la loi scélérate de « réforme territoriale ». Pour ne pas engager les leurs en cas de retour aux affaires? Etc… Alors, où sont les responsabilités? Comment s’étonner que les électeurs soient restés chez eux à plus de 50%?
Les parens-électeurs forment une catégorie parmi tant d’autres (mais ce n’est pas leur seule « casquette »).
Si l’on a attiré l’attention sur ces électeurs là, c’est comment dirais-je, probablement par « déformation professionnelle ».
On peut refaire le même exercice avec tous les autres usagers des services publics qui sont restés indifférents et passifs.
Mais il y a certainement quelques parents d’élèves qui sont allés voter(en bien petit nombre, comme dans les autres classes sociales !).