Les élus kleenex des déchets

L’association AMORCE regroupe des centaines de collectivités territoriales et des opérateurs privés autour de deux préoccupations actuelles : les déchets et l’énergie. Plus de 35 millions de Françaises et de Français sont, dans un secteur ou un autre, concernés par les positions prises par les membres du conseil d’administration de ce groupement qui travaille d’arrache-pied pour surveiller les évolutions réglementaires ou techniques. Certains élus locaux extrêmement compétents suivent des dossiers depuis de longues années, ce qui leur permet de participer à de multiples instances nationales ayant en charge ces dossiers complexes. Ayant été élu, dans un scrutin d’ailleurs « animé », comme administrateur d’AMORCE et, par ailleurs, pouvant participer depuis maintenant 18 mois aux négociations nationales (comme représentant de l’association des maires de France) qui se sont achevées mardi sur la problématique de la collecte et du traitement des emballages ménagers, je commence à prendre conscience de l’ampleur de ce sujet, présenté de manière courageuse et exacte par l’émission « Pièces à conviction » sur France 3. La société va, dans l’indifférence générale, vers d’énormes difficultés dans ce domaine, devenu une immense source de profits. Elle se réveillera trop tard. Une fois encore, une « réforme » interviendra dans la douleur !
Au cours de l’année écoulée, dans de multiples réunions se tenant à Paris, j’ai été assommé par le système mis en œuvre et qui se voulait une « commission de concertation ». Un désatre tant sur le fond que sur la forme. J’ai eu l’occasion d’intervenir devant le conseil d’administration d’Amorce et de dire (encore une fois !) ce que je pense de ce qu’aucun élu local ne pourrait se permettre sans courir le risque d’être mis en difficulté réglementairement, politiquement, socialement, alors qu’au niveau national, tout est possible.
Sur le fond, la référence pour n’importe quel Français reste la loi votée par une majorité de Parlementaires. Quel maire, quel président de syndicat intercommunal, quel citoyen peut se permettre d’ignorer la loi ? Par principe, personne. C’est ainsi que les alliés objectifs que sont les grandes multinationales et le pouvoir actuel s’affranchissent de ces textes dits du Grenelle, pourtant votés à l’unanimité ! Les références de la loi qui disent que l’on aidera la collecte sélective à 80 % du coût optimisé pour atteindre 75 % de collecte des emballes, ils s’assoient dessus. Un mépris total pour la lettre et l’esprit de la loi. Leur organisme monopolistique, qui finance les conséquences de la mise en marché ‘payée par le consommateur’ de millions de tonnes de déchets d’emballages, trop souvent inutiles, négocie en sous-main, dissimule, influence et finalement décide.
Les élus locaux sont totalement méprisés par le gouvernement et ne constituent que des exécutants d’une volonté virtuelle de préserver l’avenir. Depuis 18 mois « Eco-emballages », qui a joué avec ses fonds sur des placements pour le moins hasardeux aux îles Caïman, sans s’attirer la moindre remarque de l’Etat présent au conseil d’administration. connaissait le résultat de fausses négociations. Des heures et des heures de réunions pour préparer un cahier des charges qui ne sert absolument à rien, puisqu’il n’y a, en fait, que Eco-emballages qui peut y répondre. Et en plus, pour que tout se déroule au mieux, les représentants de cette organisation qui rassemble les vedettes du Cac 40, s’offrent le luxe de siéger au sein de la commission pour pouvoir influencer les prises de position. Les élus présents ne sont que des empêcheurs de « s’arroser » en rond, et ils ne méritent que le mépris ! Alors que les Maires ou présidents d’intercommunalités présents ne faisaient que poser des questions fondamentales :
Les lois sont telles applicables ou non ? Par qui et pour qui ?
Qui doit payer pour éliminer les déchets produits ? le « consommateur-acheteur-inconscient » ou le « Citoyen-trieur-motivé » ?
Existe-t-il une transparence réelle dans les choix politiques faits par l’Etat ?
Les élus locaux ne sont-ils que des supplétifs, engagés dans des combats que d’autres ne veulent pas mener ou payer ? Doivent-ils assumer, vis à vis des contribuables, de n’être que la variable d’ajustement des lobbies ?
Considérés comme des quantités négligeables, nous avons été chaque fois contournés de telle manière que nous soyons présentés comme des pinailleurs. Des exempl es de ce mépris réel : le 12 novembre quelques fonctionnaires concrétisent alors que tous leurs ministres ont déjà quitté les lieux un arrêté qui fixe le montant d’une contribution devant être décidée le 16 ! Une sage précaution au cas très improbable (les planches à subventions avaient bien fonctionné) où une faible majorité mette en péril les accords secrets conclus depuis des semaines. Sincèrement, j’ai eu l’impression d’être berné… et je ne supporte pas cette attitude qui constitue un déni de démocratie ! Mieux, avant que le barème ne soit calculé et voté, Eco-emballages avait conçu un logiciel permettant d’en vanter les mérites auprès des élus en responsabilité et mettre ainsi en évidence le bien-fondé de ses positions. Mardi matin, une mascarade a confirmé les modalités du versement de la contribution, alors qu’Eco-emballages l’avait déjà mis en œuvre depuis des semaines. Allez, une dernière pour la route : une campagne de communication de millions d’euros a été lancée en début de semaine dans toute la presse régionale, histoire de calmer les ardeurs contestataires de quelques médias… Du théâtre, de la mystification, de la poudre aux yeux, du « foutage de gueule intégral », du mépris pur et simple. L’arrogance du pouvoir autorise tout. Les arrangements, les manipulations, les collaborations, les pressions, finiront par tuer la démocratie. Rassurez vous, les élus locaux deviendront rapidement les déchets ultimes d’une démocratie gangrenée par la seule loi qui compte (et qui sait compter), celle du profit ! Et là, au milieu, j’ai du mal à surnager !

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Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Et on continue allégrement (je ne l’ai pas faite exprès celle là…)à nous bassiner avec le réchauffement climatique, dont bien sûr nous sommes directement responsables et les principaux acteurs (comme les pelés et les galeux de la fable)!

    Comme le disait fort justement Isabelle Autissier dans l’émission de France 3 que tu cites, la planète elle même ne craint pas grand chose, par contre il n’est pas exclus que ses habitants ne ressentent bientôt de façon tragique les effets de cette désinvolture environnementale.

    Notre Terre digérera sans peine dans le futur tous les déchets que nous lui offrons généreusement (ou que l’on nous force à lui ofrir…): qu’est-ce que 400 ou 500 ans à l’échelle des temps géologiques ?

    Mais d’ici là il est fort à craindre que toute forme de vie humaine ou même de vie tout court risque de disparaître du globe.

    Question pesimiste : Même si l’on agissait immédiatement (et ça n’en prends pas le chemin) n’est-il pas déja trop tard ?

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