La santé financière des conseils généraux s’est provisoirement améliorée, comme lorsque les malades ressentent une période de rémission lors d’une maladie incurable. Le pire, c’est que les exégètes patentés des finances publiques vont mettre un point d’honneur à clamer qu’ils l’avaient prévu. Eux savaient que les droits de mutation allaient connaître fin 2010 une embellie, liée à la fin de la crise dans l’immobilier. En cette année, paradoxalement, cette recette non affectée et très aléatoire a généralement retrouvé son rythme des années 2007 ou 2008. Elle va permettre aux exécutifs départementaux de disposer d’un supplément de recettes qui dépassera l’augmentation des dépenses obligatoires liées à l’aggravation de la situation sociale. Dans le fond, heureusement que les acheteurs ont été plus nombreux, car autrement les départements auraient été, de fait, en cessation de paiement. La « chance » de l’Etat repose sur des mesures de « dopages » de l’économie liées à l’immobilier dont on sait fort bien qu’elles vont s’arrêter dans quelques mois. Les « investisseurs », écœurés par les soubresauts de la bourse ou de placements financiers, ont vite exploité les « niches » fiscales, dès le moment où il a été annoncé qu’elles allaient être supprimées ou écornées. En fait, la libération du crédit par les banques, avides de prêter pour se refaire une santé sur le dos des consommateurs, et la loi Cellier, ont redonné facticement des couleurs aux ventes. Les conseils généraux vont bénéficier de ces rentrées complémentaires très provisoires, pour relancer une part des aides qu’ils avaient mises sous le boisseau. Pas de relâchement sur les économies de gestion, malgré les augmentations croissantes des obligations découlant du délestage de l’Etat en matière d’action sociale ou de personnel, mais la mise en place d’un soutien direct et rapide aux investissements susceptibles de maintenir l’emploi.
Encore une fois, alors que pour des raisons politiciennes, le gouvernement va tenter d’étrangler les collectivités territoriales avec une réforme absurde, ce sont ces dernières qui vont montrer l’exemple. Arc-boutés sur des principes déphasés mais idéologiquement porteurs, les adversaires des conseils généraux vont entretenir le mythe d’un discours volontairement pessimiste tenu par les adversaires des réformes. « Vous avez essayé de faire peur aux élus locaux alors que rien ne justifiait cette rigueur dans la distribution des subventions ! » vont exulter les pythies UMP ! A postériori ils expliqueront avec application qu’ils avaient raison, et qu’il fallait gérer de façon inconsciente, à la manière du gouvernement accordant des exonérations tous azimuts alors qu’il répète qu’il n’a plus de ressources pour faire face à ses dépenses fondamentales ! Cette tendance à prétendre que quand ça va mieux, ils l’avaient prévu, et que quand ça va mal, ils l’avaient annoncé, relève de la démagogie la plus pure. C’est du n’importe quoi mais ça marche. Pour ne plus parler des retraites, il faut lancer la supercherie de la suppression du bouclier du profit en le joignant à celle de la disparition de l’ISF, histoire que les plus riches aient encore plus de marge de manœuvre. Aucun problème : les défenseurs pugnaces des boucliers seront demain les chantres de sa disparition. Pas de difficulté : ils se vanteront de l’augmentation des recettes, mais oublieront l’aggravation des déficits liées aux dépenses contraintes. Une sorte de poker menteur permanent qui va finir par révulser les électrices et les électeurs.
A l’UMP personne ne se prive d’exploiter les contradictions. En mars, des candidat(e)s vont par exemple tailler en pièces le Conseil général en explicitant la nécessité absolue de le supprimer, et solliciter les suffrages des gens… pour y siéger. Les verts, par exemple, adversaires résolus de la gestion départementale (pour eux, point de salut ailleurs que dans la région) mais prêts à récolter des voix pour obtenir une place dans une enceinte qu’ils dénigrent en permanence. D’autres, à l’UMP, veulent diminuer toutes les compétences du département, mais s’apprêtent à expliquer qu’ils les gèreraient beaucoup mieux que celles et ceux qui les défendent. Il existera aussi en milieu urbain des gens ambitionnant un poste de conseiller général alors qu’ils ne rêvent que de le voir disparaître au profit du conseiller territorial ! Ils approuvent la création d’une « métropole » omnipotente et veulent aller sur les travées de la collectivité qu’elle détruira. Comprenne qui pourra. Il est indispensable de préciser que toute candidature n’a pour objet que de récupérer les fonds publics liés aux règles du nombre de partants, et ensuite de saborder de l’intérieur le lieu d’accueil.
La politique fiction a de beaux jours devant elle. Elle repose sur des effets de manche, des sorties médiatiques, des interprétations partisanes, des explications tonitruantes, mais surtout pas sur la réalité ou sur le quotidien.
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