Plus socialiste que lui tu meurs !

Nicolas Sarkozy, chantre il y a peu du libéralisme exacerbé et de la libre concurrence non faussée, vient de recevoir les recommandations d’une commission, présidée par le prix Nobel américain d’économie Joseph Stiglitz, qu’il avait mise en place en février 2008, et qui est composée de 22 experts, tous plus bardés de titres les uns que les autres. La commission préconise l’élaboration d’un « système statistique qui complète les mesures de l’activité marchande par des données relatives au bien-être des personnes », ce qui devrait, vous en conviendrez, améliorer le pouvoir d’achat quotidien des plus démunis, et faire peur aux banquiers !

En effet, ils auront découvert avec satisfaction que les effets du calcul du Produit Intérieur Brut (PIB) n’est pas des plus fiables ! « Le PIB n’est pas (…) erroné en soi, mais utilisé de façon erronée », notamment quand il est présenté comme « une mesure du bien-être économique », dit le rapport, qui recommande d’enrichir la mesure de la croissance en y intégrant, par exemple, des activités non-marchandes comme les travaux domestiques, le bénévolat… Depuis des années, je ressasse, de réunion en réunion, que la qualité d’une gestion ne se mesure pas par des ratios comptables mais par le rapport entre le bien-être proposé aux habitant(e)s (services, loisirs, qualité environnementale, déplacements…), et les sommes engagées pour qu’il se construise au quotidien.

Dénonçant la « religion du chiffre » (sic), qu’il a toujours soutenu (profit, rentabilité, marchandisation…), Nicolas Sarkozy vient d’être frappé par la grâce divine des Prix Nobel, et rêve d’introduire dans les statistiques « les services que l’on se rend à l’intérieur d’une famille, le loisir » ou « la qualité du service public » (sic). Il se rend compte, tout à coup, que « pendant des années, les statistiques ont affiché une croissance économique de plus en plus forte (…), jusqu’à ce qu’il apparaisse que cette croissance, en mettant en péril l’avenir de la planète, détruisait davantage qu’elle ne créait ». Et alors, cerise sur le gâteau crémeux de la mauvaise foi, il a ajouté sans rire : « le problème vient de ce que le monde, la société, l’économie, ont changé, et que la mesure n’a pas assez changé ».  Diantre, c’est un président de la République élu, par un peuple enthousiaste, préoccupé par la grippe A, qui s’aperçoit tout à coup qu’il a eu tout faux depuis des années et des années ! Même à Pékin du temps de Mao, on n’a pas vu pareille repentance ! Il découvre que pour éviter la fièvre, il faut changer le thermomètre.

Il lui aura fallu une étude pour s’en apercevoir, alors que, depuis des années, certains ne cessent de le dire, de le redire et de tout faire pour en persuader les citoyens devenus des consommateurs aveugles et sourds ! Il est même allé jusqu’à l’autocritique en clamant : « c’est un fossé très dangereux, parce que le citoyen a fini par penser qu’on le trompe »… Dommage qu’il ne s’en soit pas aperçu plus tôt, car question tromperie… il en connait un rayon !

Il en devient même plus socialiste que les moins frileux des socialistes, en reprenant une des thèses favorites du Sieur Stiglitz, selon laquelle le marché… ne peut à lui seul tout résoudre. C’est une révolution libérale, une conversion à la régulation du marché par des mesures politiques, et vous pouvez imaginer que le MEDEF va immédiatement sortir dans la rue ! La bourse va s’effondrer. Les traders se suicider, comme les employés de France Télécom. « Le marché, dans lequel je crois, n’est pas porteur de sens (…), de responsabilité (…), de projet (…), de vision. Les marchés financiers encore moins », a-t-il insisté devant Christine Lagarde, subjuguée par autant d’audace révolutionnaire. Allez, encore un effort, et il appelle Besancenot à Bercy !

En fait, on sait fort bien que les banques recommencent, de par le monde, à spéculer, qu’elles ne jouent aucun rôle social, que le milieu économique reste attaché à ses ratios de rentabilité, et que les salariés voient le « bien-être » d’une drôle de manière en ce moment. Ce n’est pas un rapport de plus ou de moins qui changera la réalité des lois inexorables du marché et du libéralisme !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 3 commentaires

  1. Une bouscataise

    Coup de colère :

    Mauvaise humeur, coup de colère :
    Un artisan boucher au Bouscat (banlieue bordelaise plutôt aisée), et dont je suis cliente depuis de nombreuses années
    Le type est encore jeune, moins de 40 ans, dégouté au point de se penser salarié sous peu
    Le commerce était jusque là florissant ; l’homme est installé depuis 16 ans, travaille seul, fournit un travail de qualité
    Il est « propriétaire » des murs, moyennant un emprunt qui s’achève dans 4 ans
    Crise « aidant », le compte bancaire de l’artisan vire au rouge, au noir depuis « 38 jours »(agios)
    Les anciens du quartier, fidèles clients, quittent notre monde peu à peu
    Le verdict du banquier est à présent sans appel : combler le déficit (10 000€) dans un délai de 2 mois
    Conséquence : il faudrait vendre les murs et/ou le fond de commerce pour éponger
    Impact : encore un commerce de proximité qui fout le camp, un lien social, un savoir faire qui se dissout dans le libéralisme ambiant
    Les banques disposeraient de fonds versés par l’état (nos impôts…) pour soutenir ces (toutes) petites entreprises
    Qu’est ce que je peux répondre à mon petit boucher lorsqu’il est écoeuré, désespéré par le système ?
    Il fournit un travail de qualité, ne compte pas ses heures, au détriment d’une vie de famille qui lui échappe quelque peu
    Il ne s’agit pas d’un cas isolé : une jeune femme de mes connaissances a le même souci
    Son gendre est boucher aux Chartrons ; ses charges (dont celles de personnels) le mènent lui aussi dans le noir
    Et pourtant sa clientèle fait la queue sur le trottoir
    Pour ma part, fonctionnaire, je me sens abritée de ces revers là. J’en suis néammoins + qu’affectée
    Au-delà du service rendu, il y a un engagement humain, rayé d’un trait de plume par la « logique » de la rentabilité, du court terme
    Les valeurs « travail » et « savoir faire » s’étiolent (je suis peut être « vieux con » mais j’assume)
    Je ne serais pas étonnée que vous partagiez mon sentiment
    Notre monde marche sur la tête ! Comment agir, comment l’aider ? voilà ma question !
    Par avance merci de prendre le temps de me lireTrès cordialement.
    Catherine

  2. sylvie

    c’est trés bien de réagir et d’informer autrement que par TF1 (on ne dit peut être plus comme ça mais ça fait des années que je ne regarde plus)

  3. Annie PIETRI

    Si Monsieur Sarkozy renonce à la religion du chiffre (en matière de PIB), il devrait bien conseiller à ses ministres et à leurs services d’en faire autant : les policiers ne seraient plus notés sur le nombre de PV distribués, les préfectures sur le nombre de reconduites à la frontière de sans papiers, les inspecteurs des impôts n’auraient plus à effectuer un nombre de vérifications fixé d’avance, qu’elle qu’en soit la difficulté,avec une « productivité » obligée, bref, on pourrait peut être oublier la rentabilité au profit de la qualité du service public. Tout le monde s’en porterait mieux, et il y aurait moins de malades et de ….suicidés !!

Laisser un commentaire