La démocratie participative est un concept qui recouvre bien des réalités différentes selon les territoires ou les villes. L’exercice est risqué, puisqu’il relève de l’équilibre entre la notion de responsabilité confiée par le suffrage universel et la soumission aux contraintes de l’explication citoyenne. La tendance la plus répandue reste celle du montage d’opérations de communication, sans aucun autre intérêt que celui d’avoir pu s’acquitter d’une responsabilité légale. On les baptise parfois « réunions de quartiers » dans les grandes villes ou de « concertation » dans les plus modestes. En fait, il s’agit simplement pour les élus locaux qui s’y confrontent de supporter de passer quelques heures au milieu d’habitants forcément mécontents, ou d’opposants ravis de trouver une tribune. Le dialogue tourne vite aux querelles de voisinage, aux aigreurs circonstancielles, mais il n’apporte guère d’éclairage politique, indispensable à la vie collective. Tous les « grands » maires ne supportent pas cette cérémonie destinée à glorifier les aménagements municipaux, avant de répondre sur les mesures prises contre les clébards négligents ou les pochetrons trop bruyants. Il n’y a aucun véritable échange sur les enjeux réels, méconnus du public, mais dont il se contrefout en comparaison avec ses « problèmes » existentiels. Cette pseudo démocratie participative éloigne de la véritable prise de conscience des réalités de la « gestion » de la cité.
En France, il existe un déficit de l’éducation citoyenne aussi abyssal que celui du budget du pays. Tout le monde s’exprime sur tout mais ne connaît pas nécessairement la réalité du sujet qu’il évoque, par manque flagrant de repères sur la vie sociale. Se lancer dans une rencontre avec des habitants ordinaires suppose d’abord une volonté d’informer de manière aussi transparente et complète que possible. Il ne peut en effet y avoir de véritable débat que quand les gens présents sont au minimum formés et informés. La difficulté vient de la carence historique de notre pays en matière de pratiques sociales. La déliquescence du milieu syndical, les difficultés du monde associatif, la vision erronée consistant à comparer gestion publique et gestion de bon père de famille, la complexité des processus décisionnels, permettent toutes les affirmations, parées des certitudes de la technicité. On en arrive simplement à la négation pure et simple du principe de contrôle du citoyen sur l’élu. Le renoncement guette le plus grand nombre de celles et ceux qui n’exercent même plus leur droit de vote ! Et il faut bien convenir que la situation ne s’améliore pas.
Depuis maintenant une quinzaine d’années, à Créon, nous avons mis en place une autre vison des rapports entre élus et citoyens. Pas facile, mais dans le fond plutôt productive. Plus de réunions fourre-tout où on vient expliquer ce qui a été fait ou qui va être fait, car c’est totalement inutile. Chaque rencontre porte sur un sujet concret, et elle débute par une synthèse aussi pédagogique que possible sur les « enjeux » du sujet traité, car il n’est possible d’avancer dans la réflexion que quand on possède les éléments essentiels. Ensuite, il devient possible de présenter les positions forcément « politiques » de l’équipe municipale. C’est le support qui permet de distinguer les options des équipes municipales.
En général, le plus facile reste d’expliquer que l’on ne fait pas de « politique », et que justement il n’y a aucune différence entre les options de gauche et les options de droite. On ne peut pas être un citoyen lucide et heureux tant que l’on ne se range pas dans un processus d’analyse permettant de vérifier si les valeurs fondamentales (intérêt général, respect des principes d’équité, choix objectifs, options républicaines…) d’une démocratie sont bien respectés. La Gauche meurt à petit feu en acceptant de se cacher derrière l’arbre du consensus mou. La langue de bois ne construit pas la citoyenneté, mais elle conduit au poujadisme et au fascisme reposant sur des idées simplistes, portées par des esprits sensibles au prêt à penser. Il reste le temps de la discussion. Il n’existe vraiment que quand celui qui anime la rencontre n’a pas su être convaincant dans les étapes antérieures, et quand le projet présenté n’a pas été suffisamment travaillé en amont.
La citoyenneté n’a rien à voir avec les crottes de chiens, les poubelles non ramassées, le bruit des deux roues motorisés ou les trottoirs mal raccommodés. Dans un conseil d’école ou un conseil d’administration de collège, le constat est terrible, puisque rien, absolument rien, n’a trait à l’essentiel. On peut, comme dans les réunions de quartiers, y discourir sur la nécessité de la sonnette, le besoin de crédits des classes transplantées ou les voyages scolaires, la longueur des frites, les pourcentages de réussite à l’horizon 2015 ou la couleur des murs, et passer à côté de l’essentiel : les moyens humains mis à disposition par l’État pour la réussite des élèves, la privatisation outrancière du système éducatif, les choix pédagogiques pouvant favoriser la réussite scolaire. Il est vrai qu’évoquer ces faits devant un aréopage diversifié vous classe immédiatement en personne à combattre, car venant faire de la « politique » en un lieu où il n’y a pas matière à en faire, puisque personne ne veut en faire !
Hier soir à Créon, près d’une centaine de personnes, dont la moyenne d’âge était plutôt de ma génération des vieux citoyens convaincus, était venue pour la présentation du Plan local d’urbanisme. C’est une vraie satisfaction, puisque c’était à 20 heures, moment capital où tous les regards sont tournés vers les écrans de télévision. Leur choix m’a rassuré, et aucune d’entre elles ne s’est enfuie en cours de réunion, quand on a parlé de politique… C’est justement « ma » fierté.
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La complexité de notre monde me laisse parfois dans l’impossibilité de prendre une décision.
Et les décisions que doivent prendre le capitaine d’un bateau en pleine tempête ou un élu de la république en pleine crise monétaire ont ceci de commun:
ou on travaille pour l’armateur ou pour l’équipage.
Allier les deux intérêts, ce qui pourtant au premier abord semblerai la meilleure des solutions, est parfois impossible.
Pour preuve, un bateau de pêche traditionnel qui vient de fracasser sa coque sur les rochers, s’étant, poussé par une vague assassine, trop approché de la cote.
C’est un petit bateau de 12 mètres, en bois, trois homme à bord, le capitaine le bosco et le matelot.
Une petite commune quoi, en regard des unités industrielles des pêches « Intermarché » ou autre.
L’eau rentre à gros bouillons dans la cale, mais l’équipage est sauf, malgré les coups de boutoir qui redoublent.
La solution immédiate pour sauver le bateau, outil de travail, et l’équipage est de tenter de naviguer encore, puisque le gouvernail répond, et de trouver un passage entre deux rochers pour échouer, poussé par les vagues de la marée haute.
L’équipage pourrait ainsi rejoindre le sec, et, à marée basse, il serait possible de tenter de réparer la brèche.
Après tout, une coque en bois offre bien des avantages.
Mais.. les assurances maritimes voit tout cela d’un autre oeil.
Les naufrages déclarés à moins d’un mile d’une cote ne sont pas pris en charge.
Il ne reste donc au Maire, pardon, au Capitaine, qu’à faire demi tour, ce qui est fort aisé dans les vagues déferlantes (!), pour partir au large et, une fois en position, déclarer par radio sa position et le sinistre.
Le bateau des affaires maritimes ou l’hélicoptère ou les radars côtiers, certifiant la dite position.
Il faut aussi bien évidemment garder à bord tout l’équipage.
Notre valeureux capitaine, ayant fait ce jour là le choix d’une gestion de crise loyaliste, et en accord avec l’équipage, tenta donc un demi tour.
Ce qu’il réussit, sauf que le bateau chargé d’eau , un mile au large, juste après le message radio de détresse, fini par couler corps, mais pas les âmes.
Les autres bateaux pêchant alentour sont venu prêter main forte, et café chaud !
…
Certaines lois et obligations technocratiques n’ont rien à voir avec la gestion raisonné d’une communauté qui vit ou survit par l’entraide, la vie associative, et d’autres pans d’une humanité encore valide…