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Il y a 80 ans aujourd’hui Créon était libérée des Allemands

Depuis 48 heures en ce 24 août 1944 la garnison allemande installée à Créon depuis 1940 semble faire ses bagages et ses adieux. Hébergés dans une quinzaine de maisons créonnaises, aux châteaux Mouquet et Bauduc, les soldats de la Wehrmacht ont été envoyés pour contrôler le fameux carrefour des routes nord-sud (Libourne-Langoiran) et Est-Ouest (Bordeaux-Sauveterre de Guyenne) ainsi que la voie ferrée desservant la carrière de Daignac transformée en arsenal. Ils ne possèdent pas un matériel de guerre spécifique outre quelques véhicules de transport. « Je me souviens bien de leur entrée dans Créon explique Simone qui avait huit ans à l’époque. On ne s’attendait pas à les voir arriver. Le convoi est entré par la route de Fargues Saint Hilaire et la rue de Sadirac à l’époque. Ils se sont installés sur la Place. Tout le monde s’est caché le plus vite possible dans les maisons. Créon se retrouva en zone occupée ». Les Occupants ont réquisitionnés avec la mairie toutes les chambres et les logements disponibles.

La Résistance s’est progressivement organisée dans le Créonnais. Elle n’a pas accompli de coups d’éclat particuliers. L’essentiel de son action consista jusqu’en février 1943 et la suppression de la ligne de démarcation, à convoyer des pilotes ou des personnes en fuite vers la zone libre qui se situait dans Sauveterre de Guyenne. Le groupe de Xavier Bersac (célèbre mécanicien de Sadirac) eut une action en matière de préparation des terrains de parachutage et de récupération des armes et des fonds venus de Londres. Jean Bernadet habitant le château Bauduc était revenu en qualité de grand mutilé, titulaire de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre (citations) après un séjour d’un an à Vichy où il a diffusé les « Petites ailes » et créé un service de franchissement de la ligne de démarcation aux environs de Sangoins (Allier). Dès son arrivée à Créon (Gironde) par l’entremise de Xavier Bersac, il entre en rapport avec un organisme de renseignements et maintiendra dans le secret une activité sur le Libournais.  Créon ne joua pas un rôle essentiel durant la guerre même si le clan italien participa à de multiples initiatives en faveur des fuyards.

Ce ne fut pas très glorieux  car la cité se mit assez vite à l’heure de Vichy avec par exemple la pose d’une plaque de rue dédiée au Maréchal Pétain, l’organisation en 1942 d’une fête cantonale de la terre et quelques autres initiatives pour le moins ambiguës. Les soldats allemands ne furent jamais en difficulté.  Nommé le 26 mars 1942 par le Préfet après la démission pour maladie du Dr Marius Fauché, le pharmacien Jean Baspeyras, ancien combattant de 14-18 et le conseil municipal continuèrent à gérer en toute quiétude la ville bastide. Les démissions se succédèrent pourtant au sein de l’assemblée municipale avec le départ des élus de Gauche : Raymond Fragneau, Casimir Delample dès 1940, Francis Marchés et Constant Lacoste démissionnèrent réduisant l’assemblée communale à huit unités. On ne signale aucune activité suspecte sur le territoire communal. Les gendarmes de Créon se distinguèrent néanmoins en arrêtant à La Forêt René Pezat et trois autres personnes. Ce dernier, confiant dans les effets du débarquement, commet l’erreur de leur décliner son rôle dans la Résistance. Les gendarmes remettent alors leurs prisonniers à la SAP. (milice). Il fut passé par les armes le 1er août 1944, sans procès, au camp de Souge après avoir été remis par les miliciens aux SS. Les Allemands de Créon n’eurent pas à intervenir.

Le détachement de la Wehrmacht quitta Créon en bon ordre le jeudi 24 août 1944, deux jours avant les événements de la libération de Bordeaux. Il prit la direction de Libourne pour remonter vers le Nord de la France. «  Je ne me souviens pas qu’il y ait eu de mouvements particuliers » explique Simone. Les FFI et les Résistants sont arrivés deux jours plus tard. Ils dormaient sous les arcades. Ils sont allés dans quelques maisons régler quelques comptes mais tout est resté secret et discret. Les seules manifestations qui restent dans ma mémoire ce sont des bals qui furent organisés devant la Mairie sur la Place » ajoute celle qui avait 13 ans en 1944. En fait la Résistance jusque-là très effacée se montra à visage découvert. Il y eut quelques débordements avec l’épisode peu glorieux de l’humiliation de femmes tondues mais c’est encore tabou.

Des acteurs économiques furent soumis à de fortes amendes. D’autres Créonnais furent radiés des listes électorales. La rue de Saint Genés retrouva son nom. Le conseil municipal fut dissous et remplacé le 6 novembre 1944 par une « délégation spéciale » chargé de la gestion communale. Prosper Rivière, propriétaire connu pour ses convictions antifascistes de radical-socialiste en assurera la Présidence. Gabriel Hébrard en est le vice-Président, Raymond Audigey, Francis Antonio, Pierre Couperie, Paul Grenier, Henri Mailhe qui avait été président du comité de Libération, Michel Paquet et André Jourdannaud (prisonnier de guerre évadé) dirigeront la commune jusqu’au 13 mai 1945.

En fait le seul véritable événement de la Libération fut le canular monté au détriment du cordonnier italien Pietro. Au café Le Sport les habitués décidèrent de lui proposer de monter la garde devant le bureau des PTT lors du changement de monnaie. Une mission de confiance. Il patrouilla toute la nuit devant l’édifice public, rue de Sadirac, repoussant plusieurs fausses attaques. Le lendemain tout le café Le Sport loua ses mérites et il fut décidé de lui remettre une médaille inventée pour la circonstance. L’équipe des plaisantins décida de monter une cérémonie sur la place de la Prévôté. Un soldat de passage en tenue donna une touche officielle. Le récipiendaire en grande tenue cru à cette distinction bricolée de toutes pièces. Hymnes, drapeaux, discours et éloges du héros furent de sortie.

Un vrai officier qui habitait Créon eut la mauvaise idée de passer durant la cérémonie. Malaise général quand il s’enquit de la raison de ce rassemblement. Le militaire ne trouva pas la plaisanterie du meilleur goût et se rendit à la Gendarmerie qui intervint séance tenante, emmenant les meneurs à la brigade. Auditions. Procès-verbaux. Il fallut l’intervention de Prosper Rivière à peine démis de ses fonctions de Maire intérimaire pour que l’affaire s’arrête… avant de prendre une dimension départementale voire nationale.

Photo extraite du livre « Sadirac une longue histoire d’Alain Darmian) !: le groupe des maquisards actifs sur le Créonnais qui sont intervenus à Créon

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Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    « La Résistance s’est progressivement organisée dans le Créonnais. Elle n’a pas accompli de coups d’éclat particuliers. »

    Sans accomplir de coups d’éclats, chacun y allant de « sa pierre portée à l’édifice de la résistance » ont fait avancer les choses. Les filières d’évacuation d’aviateurs ou de résistants recherchés par les occupants, la récupération des containers d’armes destinées aux « terroristes » n’étaient pas sans risques et pouvaient amener leurs auteurs à la déportation ou à l’exécution pure et simple.

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