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Mon trio des années soixante

Dans mon adolescence la privation d’une activité sportive « officielle » a constitué une forme de torture morale inimaginable à notre époque. Je rêvais de porter un maillot, de participer à des compétitions, de vivre l’émotion d’une victoire fusse-t-elle ordinaire. Je reportais ces émotions en adorant, le mot convient un trio dont les noms portaient le parfum de l’exploit : Jacques Anquetil Roger Piantoni et Michel Jazy ! A travers les délires de Georges Briquet dans le poste de radio puis ensuite devant une étrange lucarne à l’image hésitante, je suivais avec passion leurs parcours. Tous trois ont construit leur notoriété dans l’adversité et autant sur de multiples exploits que sur des échecs retentissants. Issus du peuple, ils s’étaient élevés par et avec le sport.

Roger Piantoni, a meublé mes années collège. La France en Coupe du Monde en Suède, les finales européennes du Stade de Reims, l’agression qui lui brisa le genou : tout contribua à faire du fils d’un mineur italien la première de mes idoles. Il symbolisait l’efficacité élégante. Son pied gauche magnifique m’incita durant des années à m’entraîner contre le mur du garage à frapper de la même manière. Un but du « gauche » m’a toujours paru plus superbe que le même du droit. Piantoni avait dans mon Panthéon du foot bien plus d’aura que la « trottinette » Raymond Kopaszewski qui lui vola selon moi la vedette. Le Nancéien n’a jamais eu de chance. Il méritait de jouer les premiers rôles.

Refusé en équipe de France juniors pour « insuffisance respiratoire (sic) », ne participant pas en Suède au match pour la troisième place en raison d’une crise d’appendicite aiguë,  puis agressé par le Bulgare Nicolas Kovatchev lors du match international France-Bulgarie, le 11 octobre 1959, il ne retrouvera jamais son niveau des saisons antérieures. Piantoni a été oublié. Même moi je l’ai oublié car d’autres vedettes sont nées mais le poster magique où il décochait une volée fracassante de son pied gauche reste dans ma mémoire. Combien je l’ai envié !

Il fut remplacé par Jacques Anquetil. Chaque jour le parcours sur la lourde bicyclette pour me rendre au collège s’effectuait en pensant à ces contre-la-montre prestigieux que le Normand accomplissait. L’effort solitaire je savais ce que c’était. Le face au vent le soir en rentrant vers Sadirac, je le vivais. Grâce à la montre reçue pour ma première communion je chronométrais ma performance sur les cinq kilomètres entre Créon et Sadirac. Je me muais en Anquetil sans aucune pitié pour un Poulidor imaginaire qui ne parvenait pas à me suivre. Là encore l’alternance entre la souffrance et la gloire me conduisaient à le défendre.

Un jour j’écrivis une nouvelle pour le journal « Le Matin » aujourd’hui disparu, sur la fameuse ascension du Puy de Dôme du 12 juillet 1964, année où Piantoni s’éclipsa des terrains de Première division. Cet « épaule contre épaule », ce duo que tout opposait mais qui est resté indissociable dans la « légende des cycles », m’a donné l’envie de ne jamais renoncer dans les moments les plus compliqués d’une vie. Anquetil avait ses détracteurs et les a encore. C’est probablement la raison pour laquelle je lui trouvais un certain panache dans ses succès. J’ai été touché par la « Poupoumania » mais c’était plus par compassion que par admiration. Le « beau » Jacques et son agaçant coup de peigne aux arrivées victorieuses ne roulait pas qu’au lait fraise mais peu importe : il gagnait !

Le dernier de mon trio de rois à quitter ce monde qui oublie facilement, est Michel Jazy. Il enthousiasma le peuple pour le demi-fond ce qui constitue déjà un exploit. Lui aussi appartient à la seconde génération de l’immigration. Venus de Pologne ses parents installés dans le Nord ne vont pas forcément lui donner l’envie de réussir à l’école où son instituteur le martyrise. L’évasion pour lui se situera dans la course à pied qu’il pratique pieds nus. Jazy a affronté toutes les humiliations, a franchi tous les obstacles, il n’a jamais renoncé pour se constituer un palmarès exceptionnel. Lui aussi s’est construit dans l’adversité avec Alain Bernard sorte de Poulidor du demi-fond.

Une foulée aérienne, une volonté de fer, une appétence particulière pour les luttes contre le chronomètre, une dignité exceptionnelle dans les échecs Michel Jazy était une belle personne. L’homme droit dans ses chaussures à pointes qu’il a mis longtemps à enfiler, avait une place de choix dans le cœur des Français. Ses tentatives contre les records mobilisaient d’ailleurs des milliers de téléspectateurs qui allaient dans les bistrots assister aux directs d’alors. Ce fut son mérite : rendre populaire l’exigeante spécialité du demi-fond !

Piantoni, Anquetil, Jazy : trois symboles de la force donnée par le sport, trois icônes disparues mais très présentes dans ma mémoire comme des références d’un époque où on ne compensait les handicaps sociaux que par l’effort et le courage. L’argent ? Vous avez dit argent ? Comme c’est décalé !

Dans mon adolescence la privation d’une activité sportive « officielle » a constitué une forme de torture morale inimaginable à notre époque. Je rêvais de porter un maillot, de participer à des compétitions, de vivre l’émotion d’une victoire fusse-t-elle ordinaire. Je reportais ces émotions en adorant, le mot convient un trio dont les noms portaient le parfum de l’exploit : Jacques Anquetil Roger Piantoni et Michel Jazy ! A travers les délires de Georges Briquet dans le poste de radio puis ensuite devant une étrange lucarne à l’image hésitante, je suivais avec passion leurs parcours. Tous trois ont construit leur notoriété dans l’adversité et autant sur de multiples exploits que sur des échecs retentissants. Issus du peuple, ils s’étaient élevés par et avec le sport.

Roger Piantoni, a meublé mes années collège. La France en Coupe du Monde en Suède, les finales européennes du Stade de Reims, l’agression qui lui brisa le genou : tout contribua à faire du fils d’un mineur italien la première de mes idoles. Il symbolisait l’efficacité élégante. Son pied gauche magnifique m’incita durant des années à m’entraîner contre le mur du garage à frapper de la même manière. Un but du « gauche » m’a toujours paru plus superbe que le même du droit. Piantoni avait dans mon Panthéon du foot bien plus d’aura que la « trottinette » Raymond Kopaszewski qui lui vola selon moi la vedette. Le Nancéien n’a jamais eu de chance. Il méritait de jouer les premiers rôles.

Refusé en équipe de France juniors pour « insuffisance respiratoire (sic) », ne participant pas en Suède au match pour la troisième place en raison d’une crise d’appendicite aiguë,  puis agressé par le Bulgare Nicolas Kovatchev lors du match international France-Bulgarie, le 11 octobre 1959, il ne retrouvera jamais son niveau des saisons antérieures. Piantoni a été oublié. Même moi je l’ai oublié car d’autres vedettes sont nées mais le poster magique où il décochait une volée fracassante de son pied gauche reste dans ma mémoire. Combien je l’ai envié !

Il fut remplacé par Jacques Anquetil. Chaque jour le parcours sur la lourde bicyclette pour me rendre au collège s’effectuait en pensant à ces contre-la-montre prestigieux que le Normand accomplissait. L’effort solitaire je savais ce que c’était. Le face au vent le soir en rentrant vers Sadirac, je le vivais. Grâce à la montre reçue pour ma première communion je chronométrais ma performance sur les cinq kilomètres entre Créon et Sadirac. Je me muais en Anquetil sans aucune pitié pour un Poulidor imaginaire qui ne parvenait pas à me suivre. Là encore l’alternance entre la souffrance et la gloire me conduisaient à le défendre.

Un jour j’écrivis une nouvelle pour le journal « Le Matin » aujourd’hui disparu, sur la fameuse ascension du Puy de Dôme du 12 juillet 1964, année où Piantoni s’éclipsa des terrains de Première division. Cet « épaule contre épaule », ce duo que tout opposait mais qui est resté indissociable dans la « légende des cycles », m’a donné l’envie de ne jamais renoncer dans les moments les plus compliqués d’une vie. Anquetil avait ses détracteurs et les a encore. C’est probablement la raison pour laquelle je lui trouvais un certain panache dans ses succès. J’ai été touché par la « Poupoumania » mais c’était plus par compassion que par admiration. Le « beau » Jacques et son agaçant coup de peigne aux arrivées victorieuses ne roulait pas qu’au lait fraise mais peu importe : il gagnait !

Le dernier de mon trio de rois à quitter ce monde qui oublie facilement, est Michel Jazy. Il enthousiasma le peuple pour le demi-fond ce qui constitue déjà un exploit. Lui aussi appartient à la seconde génération de l’immigration. Venus de Pologne ses parents installés dans le Nord ne vont pas forcément lui donner l’envie de réussir à l’école où son instituteur le martyrise. L’évasion pour lui se situera dans la course à pied qu’il pratique pieds nus. Jazy a affronté toutes les humiliations, a franchi tous les obstacles, il n’a jamais renoncé pour se constituer un palmarès exceptionnel. Lui aussi s’est construit dans l’adversité avec Alain Bernard sorte de Poulidor du demi-fond.

Une foulée aérienne, une volonté de fer, une appétence particulière pour les luttes contre le chronomètre, une dignité exceptionnelle dans les échecs Michel Jazy était une belle personne. L’homme droit dans ses chaussures à pointes qu’il a mis longtemps à enfiler, avait une place de choix dans le cœur des Français. Ses tentatives contre les records mobilisaient d’ailleurs des milliers de téléspectateurs qui allaient dans les bistrots assister aux directs d’alors. Ce fut son mérite : rendre populaire l’exigeante spécialité du demi-fond !

Piantoni, Anquetil, Jazy : trois symboles de la force donnée par le sport, trois icônes disparues mais très présentes dans ma mémoire comme des références d’un époque où on ne compensait les handicaps sociaux que par l’effort et le courage. L’argent ? Vous avez dit argent ? Comme c’est décalé !

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Cette publication a un commentaire

  1. christian grené

    Je vous salue Jean-Marie.
    Je ne suis pas sûr que mon commentaire parvienne jusqu’à toi, mais…
    Mon trio à moi: Fleury Di Nallo (dont je ne te conte pas les origines), André Darrigade et Jean-Claude Killy.
    Hier, je voulais te raconter l’histoire du quartier Saint-Pierre, à Bordeaux, et de son maire autoproclamé: le célèbre cuisinier à la moustache en guidon de vélo. Tu as reconnu l’inénarrable Bigoudy.
    J’essaie d’envoyer…

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