Le Front National a ce pouvoir maléfique d’imposer à l’opinion des thèmes simplistes et productifs lors de chaque campagne électorale. En donnant des éléments de langage repris sur tout le territoire sans barguigner par ses troupes il arrive à contraindre les autres partis à réagir sur des sujets sans aucun rapport avec l’enjeu électoral. On a vu aux dernières départementales qu’en focalisant sur les « impôts » alors que ce niveau de collectivité n’a plus qu’une infime part de fiscalité il arrivait à confisquer le débat. Et d’ailleurs en lisant le blog de l’un de ses élus girondins on retrouve les « consignes » dans ce domaine avec en plus la nouveauté qui servira aux régionales : les migrants ! Le piège vient de se refermer en quelques jours. Marine Le Pen a lancé la campagne sur ce thème qui est déjà repris par tous les porte­voix dont dispose le FN… on va taper sur un danger inexistant et surfer sur la vague médiatique autour des réfugiés. Le dispositif ne faiblira pas. Les autres discours vont devenir inaudibles !

Ainsi parmi plusieurs centaines de dossiers lors de la prochaine commission permanente du Conseil départemental de la Gironde le représentant de Marine Le Pen n’a retenu que deux d’entre-eux: les crédits affectés à la réfection de locaux vacants pour accueillir les réfugiés et l’achat de préservatifs pour 2 000 € à destination d’un centre de santé au Burkina Faso. Le reste ? Rien à cirer ! Le quotidien des gens soutenu par le département ? Peu importe. On applique la consigne nationale en cherchant le moindre dossier qui puisse nourrir la peur, le rejet, la haine dans un pays tétanisé et muet. D’ailleurs le premier tract sur les régionales distribué sur les marchés en Gironde repose sur les éternels poncifs tellement ressassés médiatiquement qu’ils deviennent des évidences.

« Maintenant, l’avenir est entre vos mains, ce sera la vague Bleu Marine ou les vagues de migrants. » C’est le slogan déployé lors d’un meeting calaisien de Marine Le Pen . Elle n’a parlé absolument que d’immigration et ne s’est lancé dans aucun autre propos pendant une heure, Pour la présidente du FN, seule compte la dénonciation de la « submersion migratoire » et du « terrorisme islamiste », qui se développerait, selon elle, à la faveur des flux migratoires en provenance de Syrie. C’est la nouvelle stratégie empruntée à son père et qu’elle va décliner désormais partout et tout le temps. Les coups médiatiques, les phrases toutes faites, la déclinaison en permanence des propos nationaux au niveau régional, départementale, local vont pourrir toute tentative de mettre en place un vrai débat sur la nouvelle dimension régionale de la France. Le rejet de l’Ey. Déclarations chocs, coups d’éclats sur le terrain… Le parti d’extrême droite ne cesse depuis la rentrée de septembre de se focaliser sur les migrants. Qu’importe que les compétences des régions soient limitées en matière d’immigration. Qu’importe, aussi, qu’on estime le nombre de demandeurs d’asile enregistré en France cette année, qu’à 65 000 elle va présenter cette arrivée comme un tsunami qui va submerger le territoire avec les conséquences de cette présentation. En venant à Calais, où environ 3 000 migrants attendent de pouvoir traverser la Manche et rejoindre le Royaume-­Uni,elle illustre son propos de la meilleure manière !

Il se trouve que je suis allé ce matin commémorer l’arrivée dans un port girondin situé sur la commune de Pauillac de plus de 85 000 réfugiés espagnols chassés en 1936 et 1937 par la guerre, les atrocités franquistes ou la peur des représailles à l’égard de celles et ceux qui s’étaient engagé contre ses idées et ses actes. Un moment exceptionnel avec la lecture de témoignages laissés aux générations futures par des femmes et des hommes plongés dans cette tourment. Des bateaux de pêche coulant à leur arrivée après la traversée du Golfe de Gascogne ou les bombardements des alliés détruisant leur ville d’accueil… la peur, les abris, les morts, les familles désarticulées, les effets terribles du déracinement : les véritables stigmates de l’exode de réfugiés transparaissaient dans ces lectures. Bien évidemment peu d’élus, peu de monde, peu d’attention hors les personnes intéressées. Les médias oublieront que ces réfugiés étaient passés par la mer car ils avaient été refoulés à la frontière ou internés dans des camps ? Certains d’entre eux, grâce à la lucidité et à l’humanité de Pablo Neruda gagnèrent Valparaiso et d’autres le Mexique sur des paquebots affrétés pour moins de 10 M% d’entre eux. Les autres avec l’arrivée des fascistes furent expédiés au STO ou transférés vers des destinations beaucoup plus sombres. On connaît la suite. Dès qu’il fallut libérer la France on les trouva aux cotés des forces de la résistance avec lesquelles ils partageaient les mêmes valeurs républicaines : fraternité, laïcité et liberté ! C’est un grain de sable dans le désert de l’indifférence ambiante ! Un seul espoir un gamin répondant au nom de Yakoub était là… les yeux et les oreilles grandes ouvertes…

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